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R.D.V. Business CCIFP autour du Traité de Nancy : Europe, sécurité, défense, énergie

La Chambre de Commerce et d'Industrie France-Pologne (CCIFP) a organisé, le 1er juillet, un RDV Business, dans les locaux d’un de leurs membres, l’entreprise Colliers, dans la continuité de la dynamique impulsée par la signature du Traité de Nancy, le 9 mai dernier. La présence des entreprises françaises et polonaises ne doit rien au hasard, a rappelé son président, Valéry Gaucherand. L’événement a réuni M. Étienne de Poncins, Ambassadeur de France en Pologne, M. Valéry Gaucherand, Président de la CCIFP (L’Oréal), M. Maciej Witucki, (Lewiatan) et M.Philippe Maillard, Président du Conseil d’entreprises France-Pologne, MEDEF International (Groupe Apave), interviewés par Bénédicte Mezeix-Rytwiński (Lepetitjournal Varsovie). Que fallait-il en retenir ?

R.D.V. Business CCIFP autour du Traité de Nancy : Europe, sécurité, défense, énergieR.D.V. Business CCIFP autour du Traité de Nancy : Europe, sécurité, défense, énergie
©Johan Andreu
Écrit par Johan Andreu
Publié le 21 juillet 2025, mis à jour le 22 juillet 2025

 

Rendez-vous Business de juillet de la CCIFP : renforcer les synergies franco-polonaises autour du Traité de Nancy

Une délégation d’une quinzaine d’entreprises françaises spécialisées notamment dans le secteur du biogaz était en plus présente lors l’événement, à l'initiative de MEDEF International. 

 

💡 Les panélistes

 - M. Étienne de Poncins, Ambassadeur de France en Pologne

- M. Valéry Gaucherand, Président de la CCIFP et Président de L’Oréal Pologne et Pays baltes 

- M. Maciej Witucki, Président du Conseil Général de la Confédération Lewiatan - Przewodniczący Rady Głównej Konfederacji Lewiatan

- M. Philippe Maillard, Président du Conseil d’entreprises France-Pologne, MEDEF International, Directeur général du Groupe Apave

 

Bénédicte Mezeix-Rytwiński, rédactrice en chef du média Lepetitjournal.com Varsovie : Quels signaux politiques et stratégiques ce document envoie-t-il aux entreprises des deux côtés ?

M. Etienne de Poncins, Ambassadeur de France en Pologne

  • Le volet sécurité et défense : Les Européens font face collectivement à une menace militaire qu’ils n’ont pas connue depuis 80 ans sur le continent. L’article 4§2 du traité de Nancy prévoit une clause d’assistance mutuelle. C’est un dispositif que complète et renforce l’article 5 de la charte de l’OTAN et la clause de défense prévue dans le cadre de l’Union européenne à l’article 47.2 du Traité sur l’Union européenne. 
  • Le volet énergétique : La France et la Pologne doivent progresser dans les objectifs de lutte contre le changement climatique, notamment en renforçant la coopération dans le domaine de l’énergie nucléaire. En France, l’énergie est déjà décarbonée à 80% grâce à l’atome - le pays peut donc aider la Pologne à s'améliorer sur ce point grâce à son expérience.
  • Le volet culturel et mémoriel : Il y a une amitié ancestrale entre la France et la Pologne, on pense à Chopin… Le 20 avril a été choisi par Donald Tusk comme journée franco-polonaise. Cette date est très symbolique, c’est celle de l’entrée de Marie Skłodowska Curie au Panthéon. Cette femme - qui a dû quitter la Pologne pour la France pour étudier - est devenue une « icône » de modernité. 


Que contient le Traité de Nancy entre la Pologne et la France signé le 9 mai ?

 

Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Quelles opportunités voyez-vous dans la coopération franco-polonaise ? Quels signaux politiques et stratégiques ce document envoie-t-il aux entreprises des deux côtés ?

M. Valéry Gaucherand, Président de la CCIFP et Président de L’Oréal Pologne et Pays baltes

  • Les investissements français en Pologne en chiffres : la France est le 4e investisseur en Pologne avec 113 milliards de zlotys d’investissement (soit environ 24 milliards d’euros). II y a de plus 1.200 entreprises françaises (500 personnes en moyenne, plus que moyenne des investisseurs étrangers à 300). On observe 400 millions de zlotys de revenus annuels en moyenne contre 270 millions pour les autres entreprises. De plus, 227.000 personnes sont employées, et les entreprises françaises représentent près de 5% de l’ensemble des investissements réalisés par toutes les entreprises en Pologne. 
  • Les domaines clés de la coopération : Il y a des secteurs d’avenir dans les deux pays, avec un fort potentiel de développement : la défense, l’énergie nucléaire (petits réacteurs modulaires et grands réacteurs), la microélectronique, les batteries, le cloud computing, les communications, la santé, l’industrie spatiale, l’industrie de cybersécurité, ainsi que les transitions numériques et écologiques. 
  • L’ouverture du marché français aux entreprises et investisseurs polonais : L’économie polonaise est l’une des plus dynamiques en Europe (près de 3 % de croissance du PIB en 2024), et les entreprises polonaises disposent des ressources humaines, financières et logistiques nécessaires pour se développer en France. La valeur cumulée des investissements polonais en France a presque doublé entre 2017 et 2022 (2,1 milliards de PLN en 2017 contre 4 milliards de PLN en 2022). Les bénéfices des entreprises à capitaux polonais actives en France ont été multipliés par plus de dix (36 millions de PLN en 2015 contre 434 millions de PLN en 2021). La France est depuis six ans le pays européen qui attire le plus d’investissements étrangers, ce qui crée un environnement favorable aux entreprises polonaises.


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©Johan Andreu
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Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Pensez-vous que les entreprises polonaises sont prêtes à devenir des leaders du changement et, avec les entreprises françaises, à constituer une force motrice pour l’économie européenne ? Quelles opportunités ce traité ouvre-t-il pour les entreprises polonaises ?

Maciej Witucki, Président du Conseil Général de la Confédération Lewiatan 

  • La dimension européenne : Le Traité de Nancy est le marqueur de l’entrée de la Pologne dans la cour des grands de l’Union européenne. Du fait des challenges externes à l’Europe, en Inde, en Chine ou en Russie, la France et l’Allemagne ne peuvent plus faire face seuls - ils ont besoin d’autres pays, comme la Pologne, pour les épauler. Il faut travailler ensemble : « le patriotisme à Varsovie, la souveraineté à Bruxelles ». Le rapport Draghi renforce cette idée.
  • Le poids de l’État et la faiblesse du capital privé : Les plus grandes entreprises polonaises sont contrôlées par l’État et les délais décisionnels sont rallongés par rapport à l’équivalent dans le privé. La faiblesse du capital privé est un handicap pour la Pologne.
  • Le dual-use, secteur d’avenir de la coopération franco-polonaise : Le char franco-polonais n’est pas pour demain, mais, pour les softwares, une approche en dual-use est possible - pour les drones, par exemple - grâce au Traité de Nancy.
  • Un traité réellement bilatéral : Il faut que le traité soit vraiment franco-polonais, pas seulement pour les Français en Pologne ou inversement. L’équilibre entre les relations économiques franco-polonaises arrivera à moyen terme, et il faut pour cela le concours d’entreprises privées - les entreprises publiques sont trop lentes. 

 

Philippe Maillard, Président du Conseil d’entreprises France-Pologne, MEDEF International, Directeur général du Groupe Apave

  • Les thèmes de coopération importants pour les entreprises franco-polonaises : Le domaine de l’énergie, le domaine agricole, les infrastructures de mobilité et de logistique, le domaine de la défense et du spatial.


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©Bénédicte Mezeix-Rytwiński

 

Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Quelles sont les prochaines étapes et quelles initiatives politiques peuvent être utiles pour encore renforcer ce partenariat ?

M. Etienne de Poncins, Ambassadeur de France en Pologne

  • Agenda clé de la coopération franco-polonaise : La ratification du Traité de Nancy en Pologne est un enjeu, car c’est la Diète et le Sénat qui doivent le valider.
  • Les réunions sécurité : Le Warsaw Security Forum, en septembre 2025 où la France est partenaire pour la première fois. Ce forum est une vitrine : chaque pays présente un produit phare de son industrie de défense.
  • Les réunions économiques : Le Congrès économique européen de Katowice d’une part.  D’autre part un forum économique franco-polonais en Pologne en 2026, à envisager, faisant suite à la tradition lancée en 2022 avec le forum de Cracovie, repris en 2024 par le forum de Paris.


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Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Que faudrait-il faire pour que les engagements du traité prennent une valeur concrète, qu’ils ne restent pas lettre morte, mais soient mis en œuvre ? Quelles sont les prochaines étapes et que peut faire le monde des affaires pour commencer à agir sans attendre les décisions politiques ?

M. Valéry Gaucherand, Président de la CCIFP et Président de L’Oréal Pologne et Pays baltes

  • Une coopération pilotée par les investisseurs : Les entreprises n’attendent pas les traités pour faire des affaires. Selon une étude réalisée l’année dernière par la CCIFP avec l’institut Quant Tank, plus de 60 % des entreprises françaises en Pologne coopèrent régulièrement avec plus de 100 partenaires polonais, et une entreprise sur quatre collabore avec plus de 1.000 entreprises polonaises.
  • Le rôle des grandes entreprises : Le rôle des grandes entreprises est de rechercher des partenariats avec des entreprises innovantes émergentes. Depuis plusieurs années, L’Oréal recherche des startups innovantes dans lesquelles elle investit et qu’elle aide à se développer, afin de créer des bénéfices commerciaux mutuels. Parmi elles, la société polonaise Cosmose, qui est aujourd’hui un leader mondial dans l’analyse des comportements consommateurs grâce à ses solutions d’intelligence artificielle. D’autres entreprises comme Orange ou BNP Paribas mènent des collaborations similaires.


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Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Que faudrait-il faire pour que les engagements du traité prennent une valeur concrète ? Quel rôle des organisations, telles que Confédération Lewiatan, la CCIFP ou le MEDEF ont-elles à jouer ?

Maciej Witucki, Président du Conseil Général de la Confédération Lewiatan 

  • La France peine à convaincre les jeunes Polonais : Les Polonais ne vont pas spontanément étudier à Paris, Lyon ou Marseille, ils préfèrent étudier à Londres ou aux Pays-Bas. Il y a plus d’étudiants français à Varsovie, à la Kozminski - une école de commerce, que d’étudiants polonais à la Sorbonne.
  • Des progrès sont possibles : Dans l’ensemble, c’est le rôle des organisations de mettre des partenaires commerciaux en relation. Avant, quand un expat venait en Pologne ce n’était pas par choix. Aujourd’hui, les mentalités changent : c’est un pays agréable pour s’expatrier, pour la sécurité, par exemple. 

 

Philippe Maillard, Président du Conseil d’entreprises France-Pologne, MEDEF International, Directeur général du Groupe Apave

  • Un paysage polonais dominé par les TPE-PME : Si on se concentre sur le public des TPE-PME, qui dominent le paysage polonais, leur implantation en France n’est pas simple. Les françaises ont cependant le même problème lors de leur installation en Pologne - elles ont peu de capitaux et d'expérience. Pour les aider, il existe le support économique des ambassades ou encore le MEDEF International. Les grands groupes, eux, n’ont pas besoin de cette aide : ils peuvent s'implanter dans un pays seul, et savent s’entourer. Une aide au plus proche des TPE-PME, afin de faciliter leur implantation à l'international doit être développée. 


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©Johan Andreu
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Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Quelles sont les principaux éléments des business polonais et français à combiner pour développer ensemble la coopération européenne ?

M. Etienne de Poncins, Ambassadeur de France en Pologne

  • La mission de service économique de l’ambassade : Il ne suffit pas de se rencontrer, il faut aussi de belles histoires. Pour avoir confiance, il faut qu’une implantation se passe bien en France, et qu’ensuite, les entrepreneurs ou investisseurs reviennent en Pologne pour témoigner. Ronan Venetz, chef du Service économique régional pour l’Europe centrale et balte de l’Ambassade de France, s’est battu pour que des entreprises polonaises soient présentes à Choose France, par exemple. Les investisseurs polonais avec de bonnes relations sont précieux. Une fois identifiés, il faut pouvoir les faire revenir.
  • La Pologne se concentre sur l’Europe : La Pologne et la France évoluent dans le même cadre réglementaire, au sein de l’Union européenne. Cependant, la Pologne a souvent cherché à l'extérieur de l’Europe des appuis et des soutiens et a préféré acheter en dehors de l’Europe, et de la France. Le monde étant de plus en plus difficile, il devient plus simple pour la France de produire en Pologne, et pour la Pologne d’acheter en Europe.


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Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Vous dirigez une entreprise globale avec une forte présence en Pologne. D’après votre expérience acquise en France, en Pologne et à l’étranger, quel est, selon vous, le plus grand potentiel de la Pologne et des Polonais ? Et quelles sont, selon vous, les forces du monde des affaires français à mobiliser pour développer ensemble la coopération européenne ?

M. Valéry Gaucherand, Président de la CCIFP et Président de L’Oréal Pologne et Pays baltes

  • Les atouts de la Pologne :  La Pologne se classe parmi les premiers pays européens en termes de nombre de diplômés dans les filières scientifiques et techniques. Selon Eurostat, en 2022, environ 35 % des diplômés de l’enseignement supérieur en Pologne ont terminé des filières STEM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques), ce qui est l’un des taux les plus élevés de l’Union européenne. La Pologne est un leader en compétences mathématiques et informatiques chez les jeunes, comme le confirment les études PISA (Programme for International Student Assessment).
  • La flexibilité, marqueur de la mentalité polonaise : Les entreprises polonaises, en particulier les PME, se caractérisent par une grande flexibilité et une capacité à prendre rapidement des décisions – souvent sans les processus décisionnels complexes typiques des grandes entreprises. Cette culture d’entreprise permet une adaptation rapide aux conditions changeantes du marché et la mise à l’essai concrète de solutions innovantes.
  • La Pologne, cœur industriel de l’Europe : La Pologne est l’un des pays les plus industrialisés d’Europe centrale et orientale, et un fournisseur important pour l’Union européenne. Selon le Bureau Central de Statistiques (GUS), en 2023, l’industrie représentait environ 26 % du PIB polonais, un taux bien supérieur à la moyenne européenne (environ 20 %). Des secteurs comme l’automobile, la machine-outil, la chimie, l’agroalimentaire et l’électronique y sont particulièrement forts. La Position stratégique de la Pologne en tant que hub de transport et port d’entrée vers les marchés asiatiques et partenaire incontournable dans le processus de reconstruction de l’Ukraine.


L’agriculture polonaise, un secteur clé de l’économie du pays ?

 

Bénédicte Mezeix-Rytwiński : Quels sont, selon vous, les atouts majeurs des entreprises polonaises et du monde des affaires en Pologne, qui permettraient de tirer parti de ce partenariat pour favoriser un développement commun ?

Maciej Witucki, Président du Conseil Général de la Confédération Lewiatan 

  • Airbus, un modèle : Une entreprise comme Airbus est plus efficace pour la coopération européenne que 14 MEDEF International. Toutes les organisations demandent par ailleurs le développement d’un nucléaire européen, sur le modèle d’Airbus.
  • Une coopération nécessaire : Une coopération et un marché commun peuvent permettre d’augmenter les capacités de production. Aujourd’hui, si la Pologne commande des chars Léopards ou un autre modèle européen, les lignes de production ne peuvent suivre - il en sort peut-être 10 par an. La Pologne est donc forcée de chercher ailleurs, en Corée notamment.


Philippe Maillard, Président du Conseil d’entreprises France-Pologne, MEDEF International, Directeur général du Groupe Apave

  • Le domaine des Biogaz : Dans le domaine des biogaz, le marché pourrait orienter la réglementation polonaise - pour permettre au pays de développer plus efficacement le secteur. Un nombre conséquent de méthaniseurs a déjà été développé en France, quand bien même beaucoup doutaient de cette capacité de réalisation.

 

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©Johan Andreu
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Un article de Johan Andreu sous la direction Bénédicte Mezeix-Rytwiński

 

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