À l'occasion de la rentrée Thierry Doucerain revient sur la transformation progressive du mix électrique polonais qui connaît des mutations importante en 2024 avec une baisse significative de la part charbon ; la Pologne dispose d’une feuille de route pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Thierry Doucerain (N73) est expert en énergie membre du réseau Experconnect et Conseiller du commerce extérieur Groupe Pologne. Il a effectué toute sa carrière professionnelle au sein du Groupe EDF dans divers métiers de l’ingénierie de construction de centrales nucléaires et thermiques, puis a occupé le poste de directeur du Centre d’Ingénierie Thermique et présidé pendant 4 ans EDF POLSKA.
Le mix électrique polonais en 2024 : une avancée significative vers la décarbonisation
Le mix électrique polonais connaît des transformations importantes. Son évolution se caractérise, comme le montrent les deux graphiques ci-dessous, par une baisse régulière de la part du charbon qui est passée de 80% en 2018 à 60,5% en 2023.
Par rapport à 2022, la baisse est spectaculaire.
La production à base de charbon qui était de 126 TWh en 2022 a été réduite à 100 TWh, soit une réduction équivalente à l’arrêt de 20% du parc charbon.
Cette progression significative sur la voie de la décarbonisation s’explique par trois raisons
- La première est l’augmentation de la capacité installée en énergies renouvelables. Celle-ci étant une production « fatale » et prioritaire sur le réseau, les productions à partir de charbon et de gaz doivent s’adapter et donc diminuent.
- La part des ENR dans la production électrique s’est ainsi élevée à 27,1% en 2023. Elle était de 12,7% en 2018 et de 20,6% en 2022. Elle s’est donc significativement accrue malgré des dispositions règlementaires qui ont freiné le développement de l’éolien onshore.
- Il faut saluer l’effort sur le photovoltaïque dont la capacité installée est passée de 0 en 2017 à 16,9 GW en 2023, assurant une production de 11,4 TWh en 2023. Le photovoltaïque est ainsi devenu en Pologne la première source d’électricité renouvelable.
Deux autres facteurs influent sur le fonctionnement des tranches charbon
La variation de la consommation d’abord. En 2023 la Pologne a consommé 170,2 TWh, en réduction de 4% par rapport à 2022 (177 TWh). Cette baisse s’explique par la flambée de prix de l’électricité jusque fin 2023 qui a conduit à des efforts de sobriété et à la baisse d’activités industrielles. Là encore, les tranches charbon et gaz doivent ajuster leur fonctionnement à la baisse.
Enfin les échanges d’électricité avec les pays voisins : Allemagne, Suède, Tchéquie et Slovaquie dépendent des coûts respectifs du MWh à partir du gaz et du charbon.
En 2023 le MWh gaz était moins cher que le MWh charbon, ce qui a fait entrer sur le marché polonais du MWh gaz venant notamment d’Allemagne et réduit également la sollicitation des centrales à charbon. La Pologne est ainsi redevenue importatrice d’électricité, comme elle l’était les années antérieures et contrairement à 2022 (année où le prix du gaz a flambé).
Vers la neutralité carbone en Pologne en 2050
La Pologne dispose d’une feuille de route pour atteindre la neutralité carbone en 2050 : la PEP 2040 (Polityka Energetyczna Polski do 2040 roku) officialisée en 2021. Le nouveau gouvernement a annoncé une mise à jour, mais les grandes tendances devraient être renforcées.
Si cette feuille de route est respectée, le mix électrique en 2040 serait majoritairement constitué par les sources renouvelables (50%) et le nucléaire (23%) et donc très largement décarboné et protégé de la volatilité des prix des énergies fossiles. Le complément serait assuré par le gaz et très marginalement le charbon (voir graphique ci-dessous).
La Pologne a engagé une profonde transformation de son mix électrique et est aujourd’hui clairement sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Mais il lui faut maintenant engager deux programmes qui sont tous deux des défis technologiques et industriels en termes de maîtrise des coûts et des délais.
- D’abord compléter son panel de sources renouvelables par de l’éolien offshore. Le potentiel de cette source en mer Baltique est estimé à 10GW et le gouvernement polonais a déjà attribué des premiers lots à des sociétés polonaises.
- Démarrer le programme nucléaire ensuite avec la mise en service dans la décennie 2030 de la première unité, point de départ d’un ambitieux programme de 6 à 9 GW. Le recours au nucléaire est indispensable, car c’est une source « pilotable » décarbonée capable de compenser l’intermittence des énergies renouvelables et permettant ainsi de sortir du charbon.