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Francophonie : pourquoi les Polonais apprennent-ils encore le français aujourd’hui  ?

Au mois de mars, nous célébrons la langue française et la francophonie. Divers événements dédiés à cette fête sont organisés dans le monde entier ainsi qu’en Pologne, non seulement dans les milieux scientifiques et professionnels, mais aussi parmi les simples amoureux de la culture française. Qu’en est-il de l’apprentissage et de la pratique du français en Pologne ? Statistiques et témoignages : pourquoi les Polonais apprennent-ils encore le français aujourd’hui et dans quels buts ? Une enquête de Bénédicte Mezeix et Dmitriy Veselov.

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Etat des lieux de la Francophonie en Pologne
Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 20 mars 2024, mis à jour le 22 mars 2024

 

La francophonie en Pologne en quelques chiffres 

Quels sont le statut et la popularité de la langue française en Pologne par rapport au reste du monde ?

  • Statut de la langue française en Pologne : langue étrangère
  • Nombre de francophones en Pologne : 947.000, soit 3 % de la population.
  • Date d’adhésion de la Pologne à la Francophonie : 1997
  • Selon le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, au 1er janvier 2023, le nombre d’inscrits au Registre des Français établis hors de France s’élève à 1.683.915 dans le monde.
  • En Pologne les Français inscrits au Registre des Français établis hors de France s’élèvent à :
  • en 2021 : 5.260
  • en 2022 : 5.711 soit + 8,57 %

 

À l’échelle régionale, la communauté française se répartit de la façon suivante :

  • Europe (UE et hors UE) : 48,9 %

 

À l’échelle mondiale, le français est parlé par 274,1 millions de locuteurs, bien davantage comme une seconde langue que comme langue maternelle, le plaçant à la 5e place des langues les plus parlées sur la planète. 

Le français est également l’une des langues les plus apprises, derrière l’anglais. Les différentes études ne donnent pas de résultats identiques, mais placent toujours le français à la 2e ou 3e place mondiale.

 

 

 

 

Où apprendre le français en Pologne ?

En Pologne, on peut apprendre le français à l’Institut français qui est divisé en deux branches, l’une à Varsovie et l’autre à Cracovie ainsi que dans le réseau associé des alliances françaises en Pologne qui couvre huit villes : Bydgoszcz, Gdańsk, Katowice, Łódź, Lublin, Szczecin, Toruń, Wrocław et dispensent des cours de langue, proposent des activités culturelles dans leurs villes et régions respectives.

Il faut également y ajouter les 3 centres issus de la coopération décentralisée — Maison de Saint-Étienne à Katowice ; Maison de la Bretagne à Poznan ; centre franco-polonais Côtes d’Armor-Warmie et Mazurie à Olsztyn.

 

Tour de Pologne des bibliothèques incontournables où se cultiver,travailler,s’évader 

 

Côté écoles françaises, le Lycée Français de Varsovie (LFV est membre de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger - AEFE) domine en accueillant les élèves de la maternelle au baccalauréat. Néanmoins, il ne faut pas négliger l’importance d’autres structures comme les écoles françaises de Wrocław (AEFE), Gdynia, entre autres, ainsi que les associations, centres culturels, des leçons particulières, où sont dispensés des cours adaptés au budget, besoins, de chacun — que ce soit par le biais d’un apprentissage suivant le programme du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse français, en passant par la préparation aux différents examens DELF, le simple besoin de loisirs en français ou encore de pratiquer la conversation.

Le diplôme d’études en langue française (DELF) est un diplôme officiel délivré par le ministère de l’Éducation nationale. Il y a 4 diplômes correspondant aux 4 premiers niveaux du Cadre européen commun de références pour les langues : DELF A1, DELF A2, DELF B1 et DELF B2. Il permet aux étrangers d’intégrer les universités françaises ou de candidater à certains postes. 

 

 

 

Qui sont les francophones en Pologne ?

Nous avons enquêté auprès d’apprenants et d’anciens étudiants de la langue française. Des personnes de différentes générations nous ont répondu : notre sondé qui a la plus longue relation avec la langue de Molière a commencé en 1975 et le plus jeune en 2022. 

Les femmes dominent néanmoins, mais cela semble être le cas en général pour les langues romanes.

 

Dans l'enseignement polonais, quelle place le français occupe t-il ?

À l’échelle de la Pologne : selon les statistiques issues du ministère de l’Éducation et de la Science polonais, dans les écoles polonaises, le français est à la 5e place.

 

 

Pourquoi l’apprentissage du français est-il encore important en 2023 ?

À notre époque, le choix des études est motivé par une part de pragmatisme : l’apprentissage choisi doit déboucher sur des perspectives professionnelles. De plus en plus souvent, nous apprenons des langues non seulement pour le plaisir, mais aussi pour les besoins du marché du travail. Aujourd’hui, presque chaque poste requiert la connaissance d’une ou plusieurs langues étrangères. C’est d’ailleurs ce que prouve notre questionnaire. 

Le français est important pour le développement de la vie professionnelle : 

« C’est mon outil de travail ainsi que dans ma vie privée — les échanges avec mes amis en français, voyages, lecture, compréhension des chansons françaises. », déclare une Polonaise de 48 ans, qui a commencé à l’apprendre au lycée et pour qui c’est devenu une passion.

« En ce moment je l’utilise dans mon travail, mais aussi je bénéficie de cette connaissance dans la vie quotidienne quand je veux comprendre des films ou des chansons en français. », explique cette autre polonaise de 31 ans dont l’apprentissage remonte au lycée en deuxième langue, en 2008. 

Zygfryd, lycéen polonais de 16 ans et plus de 10 ans d’apprentissage, rajoute que : « Pour moi le français, c’est super important à la fois pour voyager, ainsi que pour le travail, pour les liens avec l’Afrique, l’Amérique du Nord, la Guyane… »

 

En Pologne, en 2021, le GUS faisait état de 1 251 entreprises contrôlées en partie par des entités françaises, avec des actifs estimés à 5,8 Mds € (27,7 Mds PLN, soit 12 % du total des actifs étrangers). Les filiales ayant un capital supérieur à 1 M$ représentaient près de 98,5 % du capital français en Pologne. 

Quant à la Chambre de Commerce et d’Industrie France-Pologne (CCIFP), elle regroupe plus de 400 entreprises françaises et polonaises. 

Maîtriser le français est indéniablement un plus en Pologne afin de répondre aux besoins des entreprises qui souhaitent introduire le marché hexagonal

Jan, 19 ans, étudiant polonais, qui apprend le français depuis l’âge de 3 ans, passionné d’aéronautique, le confirme : il envisage d’aller étudier à Toulouse, et a le sentiment d’avoir fait un choix crucial pour sa carrière :

« Je suis très content de savoir parler français, car si tu parles cette langue, tu peux travailler en France, mais aussi dans tous les pays francophones, comme le Canada. » Jan, 19 ans.

 

La culture française, un argument de poids ! 

La culture française a toujours le vent en poupe en Pologne : concerts en français, pièces de théâtre, rencontres, festivals, conférences, ainsi que les événements mis en place par la French Touch qui depuis 2015, célèbre l’amitié franco-polonaise, en témoignent. 

La French Touch est un cas un peu à part, la culture enveloppant les vastes opérations commerciales menées en parallèle afin que les marques françaises s’invitent dans les foyers polonais. Pendant plusieurs jours, la French Touch permet de découvrir et apprécier ce que la France compte de mieux en matière d’art de vivre, gastronomie, culture. Néanmoins, que ce soit l’image que la French Touch véhicule de l’Hexagone, les actions mises en place par l’Institut Français ou les initiatives individuelles, c’est cette diversité d’offres qui contribue à valoriser l’image de la France en Pologne et lui permet de rester populaire en dépit des tensions qui ont pu émailler les relations entre les deux pays. 

 

« J’adore la culture française », « Je suis tombée amoureuse de la langue française », « J’apprends le français pour le plaisir » sont des phrases qui sont souvent revenues au cours de notre enquête.

 

Une histoire d’amour qui a débuté « par accident », par nécessité, par passion ou par hasard, mais qui dure !

Une étudiante polonaise de 23 ans a déclaré avoir appris le français en 2018 « par accident ». Sa déclaration, au début, nous a beaucoup amusés, mais en interrogeant d’autres personnes, nous nous sommes vite rendus compte que son cas n’était pas isolé. 

« J’ai toujours voulu étudier la philologie, mais je ne savais pas quelle langue choisir. J’ai finalement opté pour le français, même si je ne l’avais jamais étudié auparavant. Cependant, je me souviens d’un jeu, lorsque j’étais enfant, qui consistait à jouer à être une personne d’un autre pays, moi, je faisais semblant d’être française et j’ai même appris quelques phrases… J’avais peut-être 10 ans… Je suppose donc que cette histoire de français est une histoire de destin. »

 

Ainsi, l’intérêt, la passion, pour la langue française restent les principales raisons pour lesquelles les gens commencent à l’apprendre. Une toute nouvelle culture et une nouvelle vision de la vie s’ouvrent alors devant nous. 

Julia, étudiante polonaise en art, de 19 ans, nous explique que le français est un peu sa 2e langue. « Je suis tombée “dedans” quand j’avais 2 ans, à l’école maternelle, et je n’ai jamais arrêté. » Pourquoi le français ? Elle aussi, c’est une question de hasard et de nécessité : quand son frère est né, sa nourrice était trop âgée pour s’occuper de deux enfants. La seule solution que ses parents ont trouvée pour prendre soin de Julia, c’est une école maternelle française qui acceptait les enfants dès l’âge de 2 ans.

« C’est comme ça qu’a commencé mon histoire avec le français. Comme ma scolarité s’est faite dans les deux langues, j’ai l’impression d’avoir “une meilleure gymnastique du cerveau”. J’apprends plus rapidement. J’ai aussi plus de connaissances en ce qui concerne la civilisation, les arts, la philosophie, qui sont souvent laissés de côté en Pologne. » Julia, 19 ans.

Pour ce qui est du rapport à la langue, Julia rajoute : « Je me suis rendue compte aussi que j’avais une approche différente de la langue. Par exemple, lorsque j’étais encore petite, à l’école primaire, en français, quand je ne connaissais pas un mot, j’ai appris à l’expliquer en le contextualisant. J’ai réalisé cette année à l’université que mes amis polonais ne savaient pas faire ça. Ma scolarité en français a influencé mon vocabulaire polonais également : j’ai appris des mots en français que je ne comprenais pas, et je devais donc les chercher dans le dictionnaire en polonais. C’est ainsi qu’à la fin de l’école primaire je connaissais déjà “utopie”, “métaphore”, ce qui m’est utile dans l’histoire de l’art que j’étudie. Il y a beaucoup de mots en français d’ailleurs, c’est un avantage considérable pour moi. » 

Les subtilités de la langue française sont aussi un atout de taille pour Julia : « J’adore également cette notion de langage familier, courant, soutenu, qui n’existe pas en polonais. »  

Pour Julia, le français est plus qu’une langue, mais un mode de pensée : « Mon attachement au français est très émotionnel. Je me rends compte que je rêve en français, que je me parle à moi-même en français. J’ai aussi une base française de pensée dans mes discussions avec les autres sur le modèle : thèse, antithèse, synthèse. Ce que j’ai adoré de mes cours, c’est que par exemple en littérature ou en poésie, on nous demandait de faire des interprétations avec nos propres émotions des textes, alors qu’en polonais, il fallait répéter comme un perroquet l’analyse qui avait été faite par l’enseignant », notant qu’en français on apprend à élaborer sa propre réflexion. 
 

Côté savoir-faire français, Jan, 19 ans, étudiant, qui apprend la langue depuis l’âge de 3 ans, féru de programmation informatique et d’aéronautique, dit adorer « le TGV, c’est génial, car c’est un train à deux étages et super confortable. » Côté linguistique, son mot préféré c’est « anticonstitutionnellement ».

 

Pola, lycéenne de 15 ans, apprend le français depuis l’âge de 5 ans. Le français, selon elle, est un atout pour comprendre la grammaire des autres langues romanes. Arrivée dans un nouveau lycée, Pola a dû commencer à apprendre l’espagnol et rattraper 3 ans de cours par rapport à ses camarades de classe : « Grâce à ma connaissance du français, après 5 mois, j’étais la meilleure de ma classe, car je pense que mon cerveau avait été entraîné très tôt à la logique des langues romanes. »  Et d’ajouter : « J’ai aussi constaté également que dans les classes de français on écrivait beaucoup. On inventait des textes, on faisait des rédactions, on copiait les leçons… Quand j’ai dû le faire en polonais, je n’étais pas fatiguée, car j’avais été habituée depuis la première classe en français à ce rythme ».

Son livre préféré c’est Le Petit Prince de Saint Exupéry et Pola est très curieuse des évolutions de langage.

« J’adore quand les jeunes Français parlent de manière familière avec un accent cool. J’adore aussi quand les Français mettent des liaisons partout et accrochent les mots ensemble. » Puis dans un rire, elle explique : « Mon rêve, c’est que le jour où je serai contrôlée dans le bus en Pologne, je pourrai répondre au contrôleur en français, juste pour voir sa tête, mais je n’oserai jamais… ». Pola, 15 ans.

Des mots ou des expressions favorites ? « Mon mot préféré en français c’est “la liaison”. J’adore aussi dire “qu’est-ce que c’est”. »

La séduction du français réside également dans ses assonances et ses allitérations, ses nombreuses voyelles, ses « r » jamais rudes, ses « h » muets ou aspirés, ses « s » qui chuchotent… ce charme indéfinissable, qui de prime abord, a le don de plaire autant aux francophones qu’aux béotiens.

 

L'amour de la langue de Molière n'empêche pas un regard critique sur la société. Zygfryd, 16 ans, qui a grandi au sein d’une famille francophile, apprend le français en Pologne depuis la maternelle ; selon lui, ce qui représente le plus la France d’aujourd’hui : « c’est l’état de Paris avec les autoroutes bloquées, les manifestations et les grèves. La dernière fois que j’en ai été témoin, j’ai été très choqué. » La langue française lui joue aussi parfois des tours au quotidien, et ça l’amuse beaucoup :

« Mes copains me disent que maintenant je parle anglais avec un accent français. (...) Ils se moquent également de la manière dont j’écris les lettres en polonais, car je les calligraphie comme en français, avec de jolies boucles aux “F”, et des “Z”, qui frisent sous la ligne (rire) ». Zygfryd, 16 ans.

Zygfryd, comme Pola, apprend également l’espagnol : « Pola et moi préférons le français à l’espagnol, à cause de l’accent et de la grammaire ». Sa longue histoire avec le français lui permet d'en apprécier de nombreuses subtilités :

« Mon mot préféré c’est “cœur”, parce que j’adore le “œ” : l’écrire et le dire... Je trouve aussi que le mot “gélule” est mignon ». Zygfryd, 16 ans.

 

Dima, 26 ans, est russe, et vit en Pologne depuis plusieurs années. Il a noué, avec la langue française, qui a été son premier voyage en dehors de Russie, une relation également fusionnelle :

« Cette langue est non seulement un moyen de communication, mais aussi, je dirais, une source d’inspiration. J’enseigne le français, j’ai mes amis en France, ma bibliothèque à la maison abonde de littérature française. Et puis, ce qui est le plus remarquable dans mon apprentissage du français c’est que ça m'a permis de comprendre que la connaissance d'une langue étrangère est importante pour bien comprendre le monde et le saisir dans  différentes perspectives. Pour ne pas être isolé dans un seul système, on doit parler plusieurs langues pour mieux s’orienter. » Dima, 26 ans.

Par contre, sa « rencontre » avec langue française a été pavée d’embûches : « J’ai toujours voulu apprendre une langue étrangère, cependant dans les écoles russes ce n’était pas possible à cause de la mauvaise qualité de l’enseignement. De plus, le français est une langue extrêmement rare dans l’éducation secondaire et presque inaccessible dans les écoles. Mon histoire avec le français a débuté, lors de mes études dans une université en Russie ».

La langue est aussi une promesse d’évasion : « Passionné par la culture française, j’ai commencé à apprendre le français en Russie, dans ma ville natale. Au début, c’était compliqué, car dans les provinces de Russie, il n’y a pas beaucoup d’enseignants de français, c’est pourquoi j’ai beaucoup travaillé seul. J’ai trouvé également des cours particuliers avec un prof qui m’a beaucoup inspiré et motivé. Après avoir déménagé en Pologne, j’ai continué à me perfectionner ici. Maintenant, le français est fait totalement parti de ma vie : dans mes études, le travail, la culture, les voyages, les amis ».

 

« Ma patrie, c’est la langue française ! » Albert Camus

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