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JOZEF PILSUDSKI - Le visage de la Pologne de l'entre-deux-guerres

Józef PiłsudskiJózef Piłsudski
Écrit par Marie-Line Naves
Publié le 10 novembre 2022, mis à jour le 15 juillet 2023

La Pologne a eu aussi son maréchal controversé, qui libéra son pays des jougs allemand, russe et autrichien et le fit accéder à l'indépendance mais qui y instaura dans les années 20 et 30 un régime autoritaire. Maréchal et homme politique, Józef Piłsudski fut au cœur du processus de résurrection et de reconstruction de son pays, suite à la défaite allemande de 1918. Retour sur un personnage qui a farouchement défendu l’indépendance de la Pologne; premier visage d’un pays pendant presque vingt ans, pays qui avait cessé d’exister pendant cent vingt-trois longues années.

 

Les expériences formatrices 

Józef Piłsudski est né en 1865 dans l’actuelle Lituanie, qui était alors sous domination russe depuis le dernier partage de la Pologne en1795. Il étudie la médecine en 1885 mais est suspendu en 1886 pour avoir participé à une manifestation étudiante.

En 1887, il est arrêté pour le motif qu’il complote contre le tsar Alexandre III. L’accusation est fausse, mais lui vaut d’être banni en Sibérie de l’est pour cinq ans. En 1892 il revient, déterminé à organiser une insurrection et à se battre pour l’indépendance de la Pologne. Pour ce faire, il rejoint le parti socialiste polonais, récemment fondé. Il en prend rapidement la tête. Il crée aussi en parallèle  un journal clandestin, « Le travailleur ».

Ses activités lui valent d’être incarcéré par les Russes dans la citadelle de Varsovie. Feignant d’être fou, il est transféré dans un hôpital militaire à Saint Pétersbourg, dont il s’échappe en 1901. Il trouve refuge à Cracovie, dans la Pologne autrichienne mais retourne rapidement en Pologne russe pour s’occuper de l’organisation du parti socialiste.

En février 1904, la guerre russo-japonaise éclate et Piłsudski se rend au Japon pour demander de l’aide pour organiser une révolte en Pologne. Cette demande n’aboutit pas, car son ennemi politique, l’a devancé et a persuadé le gouvernement japonais que le plan de Piłsudski est voué à l’échec. La défaite de la Russie, inattendue, ébranle l’Europe. C’est la première fois qu’une des grandes puissances occidentales est défaite. Piłsudski y voit le signe de l’affaiblissement de la Russie. 

 

L’organisation d’une armée

En 1905, lors de la révolution russe, le parti socialiste subit une  division. Piłsudski reste fidèle à la branche qui conserve comme but principal l’indépendance de la Pologne.

En 1908, lors d’un voyage en France, il constate la faiblesse de la Russie et prédit une guerre européenne. Dans ce contexte, il cherche à exploiter cette opportunité en organisant le noyau d’une armée, une « association de lutte active », rendue légale en Autriche en 1910.

La première guerre mondiale éclate en 1914. En novembre 1916, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie proclament l’indépendance de la Pologne dans l’espoir que les divisions polonaises soient déplacées à l’Est, permettant aux divisions allemandes d’aller se placer à l’Ouest.

Dans le cadre de cette manœuvre politique, les deux puissances placent Piłsudski à la tête du nouveau Conseil d’Etat. Il accepte l’idée d’une armée polonaise, à condition qu’elle appartienne à un Etat souverain ; revendication renforcée par le contexte international notamment la révolution russe de février 1917 qui fragilise la Russie, pays occupant de la Pologne, et par la position de faiblesse de l’Allemagne et de l’Autriche Hongrie dans le conflit mondial. L’Allemagne refuse cette requête. Elle souhaite pouvoir perpétuer sa domination sur la Pologne. Piłsudski refuse de se soumettre à cette demande et est emprisonné à Magdebourg en 1917.

 

Le héros national devenu personnage officiel

En 1918, à la suite de la chute de l’Allemagne, il est libéré et considéré comme un héros national. Naturellement, il devient président du tout nouvel Etat polonais et commandant en chef de l’armée ; postes qu’il occupe jusqu’en 1922. De 1919 à 1921, il commande les troupes polonaises dans la guerre soviético-polonaise ; guerre au double enjeu. Les Russes souhaiteraient instaurer un régime communiste en Pologne et les frontières n’ayant pas été clairement définies par le traité de Versailles de juin 1919, les deux belligérants cherchent, chacun à grignoter sur le territoire de son voisin. 

En 1923, après l’adoption d’une nouvelle constitution et de nouvelles élections, il se retire de la vie politique. Déçu par les gouvernements qui se succèdent et bénéficient de moins en moins d’assise populaire, il mène un coup d’Etat qui donne lieu à de nouvelles élections. Elu, il refuse la présidence mais reste influent dans la politique polonaise en tant que ministre de la défense et inspecteur général des forces armées. Il assume aussi à deux reprises le poste de premier ministre. Désormais, sa politique autoritaire « d’assainissement » domine au sein du gouvernement. Propagande, emprisonnement des opposants politiques et limitations  du pouvoir parlementaire font de Piłsudski un dirigeant aux pratiques dictatoriales.  

Sa carrière politique s’achève quand il décède à Varsovie en 1935 d’un cancer du foie. D’immenses obsèques sont organisées et un train funéraire fait le tour de la Pologne. Son corps est inhumé dans la cathédrale du Wawel à Cracovie.

Piłsudski est aujourd’hui un héros national, réhabilité après la chute du communisme. Sa pratique du pouvoir reste controversée mais le symbole qu’il représente, celui d’un homme fort qui porta un pays alors qu’il renaissait de ses cendres et en domina la vie politique pour presque vingt ans, reste gravé dans les mémoires polonaises.

(Republication)