Le 9 juin marque un moment important en Pologne ainsi qu’en Europe, puisque l'ensemble de la population de l’Union européenne va se rendre aux urnes afin d’élire les députés au Parlement européen. En Pologne, quels sont les partis politiques en lice, leurs axes de campagne dans le contexte de la guerre en Ukraine ainsi que des nouvelles tensions à la frontière bélarusse, quelles tendances donnent les sondages et les enjeux de cette élection ? État des lieux.
Une élection importante pour l’Union européenne et le pays
Par Emma Kozlowski
Il y a près de 360 millions d'électeurs dans l’Union européenne, et l’institution qui les représente et qui est élue directement par eux, c’est le Parlement européen.
Le Parlement européen est composé de 720 députés, élus tous les 5 ans. Chaque État membre compte au minimum 6 eurodéputés pour le représenter et ce nombre augmente au prorata du nombre d’habitants dudit pays. Ainsi, en 2024, la France sera représentée par 81 eurodéputés, et la Pologne par 53 eurodéputés.
A quoi ça sert de voter pour les élections européennes ?
Voter aux élections européennes, c’est influencer, à son échelle, le vote des lois européennes, le vote du budget de l’Union européenne et le contrôle de l’action de la Commission européenne. C’est-à-dire que toutes les lois votées à l’échelle de l’Union européenne ont été approuvées par le Parlement.
Réforme des traités européens, élargissement de l’Union européenne à des pays candidats, conséquences de la guerre en Ukraine, enjeux économiques, sécuritaires et environnementaux sont des problématiques essentielles abordées par le Parlement européen.
Le Parlement est divisé en 8 groupes politiques. Dans chacun, il est possible de retrouver des eurodéputés de tous les pays membres : les représentants ne sont pas rassemblés par nationalité, mais par idées politiques. Les groupes politiques principaux sont actuellement les Chrétiens-Démocrates (PPE) avec 176 représentants et les Sociaux-Démocrates (S&D) avec 139 représentants. Mais cela peut changer. Avec les élections à venir, les rapports de force peuvent évoluer, ce qui aurait un impact sur l’avenir de l’Union européenne et sur les futures lois.
Des lois européennes qui influent sur votre quotidien…
Il peut parfois sembler que les lois européennes ont peu d’impact sur notre vie quotidienne, pourtant, toutes les lois du pays doivent être conformes aux lois européennes. De l’assiette au système de défense, en passant par l’environnement et la liberté de mouvement ; l’Union européenne a son mot à dire.
Les personnes que nous choisissons comme représentants au Parlement Européen ont un impact non négligeable : proportionnellement, en 2024, chaque député polonais représente environ 87.400 personnes alors qu’un eurodéputé représente presque 9 fois ce nombre (759.000 personnes environ).
Bon à savoir
- Jusqu’en 1979, les membres du Parlement européen et son Président étaient désignés par les États.
- La première personne élue présidente était la magistrate et femme d'État française Simone Veil en 1979.
- La présidente actuelle du Parlement européen est Roberta Metsola, représentante maltaise. Élue en 2022, c’est la 3e femme à être à la tête de l’institution.
En vivant en Pologne, vous avez deux possibilités pour voter
Par Cécile Aurand
- Soit vous votez pour la liste polonaise :
Si vous souhaitez voter en Pologne pour la liste polonaise, il faut être inscrit sur les listes électorales complémentaires.
- Soit vous voter pour un député européen de la liste française :
Si vous souhaitez voter en Pologne pour les députés présents sur les listes françaises, vous devrez être inscrit sur la liste électorale consulaire et le jour de l’élection vous rendre à l’Ambassade de France en Pologne à Varsovie ou au Consulat français le plus proche de chez vous.
- Attention, le double vote est interdit et passible de peines de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement et 15.000 € d’amende.
Elections européennes des 6 et 9 juin : voter pour les députés français ou polonais
Vote proportionnel, préférentiel, circonscriptions : comment se passe le vote pour ces élections européennes ?
Bon à savoir :
- Le rendez-vous aux urnes est fixé au dimanche 9 juin de 7h jusqu’à 21h.
- En Pologne, les électeurs ont la possibilité d’indiquer leur préférence de députés au sein même de la liste qu’ils choisissent : c’est ce qu’on appelle un vote préférentiel. Les candidats favoris ont donc plus de chances d'être élus.
- Les partis politiques doivent obtenir au moins 5 % des voix pour voir un de ses députés élu au Parlement.
La Pologne possède une division administrative à trois niveaux : 16 voïvodies, 379 comtés ( powiaty ) et 2.478 communes ( gminy ). Pour l’élection des députés européens, le pays est divisé en 13 circonscriptions :
- Voïvodie de Poméranie
- Voïvodie de Poméranie occidentale
- Voïvodie de Podlachie et voïvodie de Warmińsko-Mazurskie
- Une partie de la voïvodie de Mazowieckie
- Une deuxième partie de la voïvodie de Mazowieckie
- Voïvodie de Łódzkie
- Voïvodie de Wielkopolskie
- Voïvodie de Lubelskie
- Voïvodie de Podkarpackie
- Voïvodie de Małopolskie et Voïvodie de Świętokrzyskie
- Voïvodie de Śląskie
- Voïvodie de Dolnośląskie et Voïvodie d'Opolskie
- Voïvodie de Lubuskie et Voïvodie de Poméranie occidentale
Dans chaque circonscription, des listes représentant différents partis sont présentées. Une liste est composée le plus souvent de 10 candidats mais il est possible de retrouver des listes comprenant entre 3 et 10 candidats. Les citoyens votent alors pour leur liste préférée et ainsi, indirectement pour un parti. Attention, certains partis ne présentent pas de liste dans l’ensemble des circonscriptions.
Lors des élections européennes, la part d’élus de chaque parti est déterminée proportionnellement au nombre de votes reçus pour ce parti. Ainsi, plus un parti reçoit de votes, plus il enverra un nombre élevé de députés au Parlement.
Co to jest, Pologne A et Pologne B ?
Par Margot Calisti
Ces dénominations ont une origine historique bien précise : la distinction entre le royaume de Prusse, à l’Ouest de la Vistule aujourd’hui la Pologne A et l’Empire russe et l’Autriche des Habsbourg, à l’Est de la Vistule aujourd’hui la Pologne B.
En effet, les partitions prussiennes ont bénéficié des politiques publiques à la fois sociales mais surtout industrielles. Les partitions russes, elles, étaient délaissées par l’Empire.
A noter que dès la période précédant la partition, les régions occidentales de Rzeczypospolitej Obojga Narodów - La république des Deux Nations, étaient plus densément peuplées.
Cette fracture se retrouve encore aujourd’hui, d’une part au niveau économique, la Pologne B étant plus rurale, plus pauvre et moins peuplée que la Pologne A, mais aussi au niveau politique. Les villes les plus aisées sont la capitale, Varsovie, puis Gdańsk, Wrocław et Poznań et font partie de la Pologne A, tandis que les moins aisées, Rzeszów, Lublin, Olsztyn et Białystok font partie de la Pologne B.
Qualité de vie en Europe : la Pologne et Gdańsk en tête du classement
Les partis politiques polonais sont lancés dans la campagne européenne, qui sont-ils ?
Les partis polonais sont engagés de manière variable dans cette campagne européenne, qui présente de nombreux enjeux pour la situation nationale et internationale.
Parmi les différents partis, les revendications pour le pays et l’Union européenne sont nombreuses comme la préférence du złoty polonais (PLN) par rapport à l’euro ou encore la volonté d’une Union européenne plus forte et d’une Pologne davantage présente sur la scène européenne. La guerre en Ukraine qui se joue à la frontière du pays ainsi que les tentatives d’ingérences russes donnent une autre dimension à cette campagne, accentuant cette tendance.
Les partis politiques polonais sont aussi engagés dans cette campagne européenne à travers les nombreux appels lancés à la population pour se rendre aux urnes. Un site Internet a ainsi été crée conjointement par le gouvernement polonais, l’Union européenne et la Fondation du centre pour l’éducation civique, “Latarnik Wyborczy”. En répondant à de nombreuses questions, les citoyens peuvent comprendre quels sont les candidats qui se rapprochent de leurs idées politiques. Une initiative permettant d'encourager la réflexion politique et le déplacement aux urnes.
NDLR : Les partis sont présentés par ordre alphabétique.
Koalicja Obywatelska (Plateforme Civique)
Plateforme Civique (Koalicja Obywatelska), le parti politique du premier ministre, Donald Tusk, est très surveillé lors de ces élections européennes. Reposant sur le service à la personne et la solidarité, le parti souhaite mettre en avant la protection des frontières de l’Union européenne, l’armement commun ainsi que la lutte contre l’immigration illégale. Le parti est déjà membre du Parlement européen et siège parmi les eurodéputés du Parti Populaire Européen (PPE).
Konfederacja Wolność i Niepodlgełość (Confédération de la Liberté et de l'Indépendance)
Le parti Konfederacja Wolność i Niepodlgełość, Confédération de la Liberté et de l'Indépendance a présenté cinq points importants dans leur campagne européenne. Leurs priorités portent sur l’arrêt du Green Deal et de l’afflux d’immigrants illégaux, le blocage des taxes européennes, la mise en valeur du złoty et des lois polonaises par rapport à celle de l’Union européenne.
Normalny kraj (Pays Normal)
Le parti du Pays Normal (Normalny kraj) se concentre sur la protection de la propriété privée polonaise, le renforcement du sentiment d'appartenance à une communauté ou encore la liberté de l’individu. Leur programme européen se focalise sur le pacte migration, la politique climatique de l’Union européenne ou encore concernant la question de l’avortement.
Nowa Lewica (la Nouvelle Gauche)
Le parti de la Nouvelle Gauche (Nowa Lewica) présente un programme européen ancré dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui se déroule aux frontières du pays, et qui s’inscrit dans la volonté d’une Union européenne plus forte. Les revendications du parti, indiquées sur leur site Internet, se fondent ainsi sur l’importance de la Pologne dans une Europe forte, une volonté de faire de l’Union européenne une union sociale et démocratique, mais aussi une réflexion autour de l’introduction de l’euro dans le pays et de l’élargissement de l’Europe.
Normalna Polska w Normalnej Europie (Pologne Normale au sein d’une Europe Normale)
Le Parti Pologne Normale au sein d’une Europe normale (Normalna Polska w Normalnej Europie) s’oppose au Green Deal, à la création d’une armée européenne, souhaite renforcer le poids du złoty polonais (PLN) face à l’euro et ne souhaite pas autoriser l’admission forcée de réfugiés.
PolEXIT
Le parti PolEXIT appelle les Polonais à la création d’une nouvelle union. Leurs principaux arguments reposent sur une souveraineté de la Pologne face à des pays comme la France ou l’Allemagne. Mené par Stanisław Żółtek, le parti prône le fait que « La Pologne mérite plus de liberté et de responsabilité » (« Polska zasługuje na więcej wolności i odpowiedzialności »).
Polska Liberalna Strajk Przedsiębiorców ( Pologne libérale et Grêve des Entrepreneurs)
Le parti Pologne libérale et grêve des entrepreneurs (Polska Liberalna Strajk Przedsiębiorców) a pour objectif premier de restaurer le respect de la liberté, de la propriété et la fierté de l'entrepreneuriat, qui est considéré comme une source de prospérité en Pologne. Ce jeune parti, créé en 2021 et porté par Paweł Tanajno, n’apporte pas d’informations concernant son programme européen et ses ambitions pour ces élections.
Prawo i Sprawiedliwość, PiS (Droit et Justice)
Déjà membre du parti européen des Chrétiens et Réformateurs Européens (CRE), le parti du président actuel, Andrzej Duda, Droit et Justice ( Prawo i Sprawiedliwość, PiS ) présente un programme mettant en avant l’image d’une Europe en tant qu’espace de liberté, d’égalité, de solidarité et de justice.
Ruch Naprawy Polski ( Mouvement pour la Réparation de la Pologne)
Le Mouvement pour la Réparation de la Pologne (Ruch Naprawy Polski) lutte pour la réparation du pays, qui se trouve aujourd’hui, selon le parti, dans une crise politique, économique et structurelle. Pour son programme aux élections européennes, le parti met en avant l’idée d’une Europe d'États souverains, une Europe comme un espace de liberté.
Trzecia Droga (Troisième Voie)
Le discours de Trzecia Droga (Troisième Voie) s’oppose au précédent parti, montrant la volonté de ce parti de positionner davantage la Pologne au cœur de l’Union européenne, souhaitant ainsi assurer à la Pologne une place centrale dans le processus décisionnel européen. Leurs idées pour cette campagne européenne reposent sur l’augmentation des fonds pour la modernisation de l’agriculture polonaise, le développement de l’industrie pharmaceutique en Europe mais aussi d’une meilleure couverture de réseau Internet sur l’ensemble du territoire polonais et européen.
Wyborców głos silnej polski (La Voix des électeurs d’une Pologne forte)
Le parti La voix des électeurs d’une Pologne forte ( Wyborców głos silnej polski ) propose la sortie du pays de l’Union européenne, autrement dit le « Polexit », la défense du złoty face à l’euro, « la primauté de l’alimentation polonaise » ou encore la création d’une communauté d’États et de nations libres européens.
Selon les sondages, le KO et le PiS sont au coude à coude
Par Cécile Aurand
Le 21 mai 2024, l’institut de sondage Opinia24, mandaté par « Gazeta Wyborcza », a estimé que le KO, la Koalicja Obywatelska (la Coalition Civique), remporterait les élections européennes le 9 juin 2024 avec 32,5%. Le PiS, Prawo i Sprawiedliwość (Droit et Justice), est donné second, avec 30,1% des intentions de vote.
Comme aux élections législatives d'octobre 2023, ce sont les deux principales forces politiques du pays. Selon les sondages, Trzecia Droga, la Troisième Voie, pourrait obtenir 13% des voix et Nowa Lewice, la Nouvelle Gauche 7%.
- Ces sondages soulignent tous un faible écart entre le PiS et le KO, variant selon l’institut de sondage et la période de réalisation entre 1 et 3%. Cette différence, bien qu’elle puisse être le reflet de l’écart réel entre les deux forces politiques, est à la limite de la marge d’erreur de ces statistiques.
- En d’autres termes, la précision qui permet d’affirmer que le KO devance le PiS de 2,4% est faible.
Moins de voix mais plus de sièges pour le PiS
Comme expliqué précédemment, cette élection obéit aux règles de proportionnalité. Le vote organisé par circonscriptions, en plus de ce mode d'élection, signifie pour les partis qu’il ne leur est pas nécessaire d’obtenir un score très élevé : simplement en réalisant un score plus élevé que leurs adversaires, ils auront la possibilité de remporter plus de sièges.
Selon le sondage réalisé par l’institut Opinia24, le PiS obtiendrait 5 sièges de plus que le KO, malgré l’avance du parti de Donald Tusk dans les intentions de vote.
Une victoire en trompe-l’oeil pour le parti de Jarosław Kaczyński, le PiS
Le KO obtiendrait 163 sièges aux élections européennes selon ce sondage et le PiS, 168. Il s’agit cependant d’une victoire en trompe l'œil pour le parti dirigé par l’ancien président Jarosław Kaczyński : aux élections de 2019, le PiS avait obtenu 26 sièges de plus.
Le KO serait-il au bord du chaos ?
Avec un gain de 6 sièges par rapport aux précédentes élections européennes, le KO apparaît renforcé. Toutefois, à l’échelle nationale, le KO fait partie d’une coalition gouvernementale, avec les partis Trzecia Droga, la Troisième Voie et Lewica, la Gauche.
Les politiques nationales influencent fortement les intentions de vote des électeurs polonais. C’est ce que souligne le sondage de l’institut Opinia24 : Trzecia Droga obtiendrait 60 sièges, soit 5 de moins qu’en 2019, et la gauche, Lewica, compterait 18 sièges, soit 8 de moins qu’aux précédentes élections. La coalition actuellement au pouvoir en Pologne disposerait donc de 241 sièges, soit 7 de moins qu’aujourd’hui.
Quand les sondages oublient les abstentionnistes
Les analyses des précédents sondages ne mentionnent pas la part d’abstentionnistes : ils se concentrent sur les votes exprimés uniquement.
Selon le sondage de United Surveys paru le 14 mai 2024, le taux d’abstention en Pologne lors de ces élections européennes est de 55,2%. Un taux d’abstention constant : il était de 54,2% aux dernières élections, mais bien supérieur à la moyenne européenne, où 29% des électeurs affirment qu’ils ne se déplaceront pas. (Eurobaromètre, 17 avril 2024).
Si 31,2% des électeurs polonais affirment avec certitude qu’ils ne se rendront pas aux urnes le 9 juin 2024, ils sont en revanche 20,8% à être encore indécis quant à leur participation.
Un dossier préparé Cécile Aurand, Emma Kozlowski et Léonie Delahoutre.