Après les paroles, les actes. Lundi 20 mai 2024, Donald Tusk a annoncé un budget de 10 milliards de złoty pour le « Bouclier Est », Tarcza Wschód : 400 km de fortifications entre la frontière bélarusse et l’exclave de Kaliningrad, après avoir promis lors de visite samedi 11 mai 2024 à la frontière polono-bélarusse « des fortifications modernes ». Pour compléter ce dispositif terrestre, Donald Tusk pose les bases d’un dôme de fer, żelaznej kopuły, pour un système de défense aérienne à l’échelle non pas nationale mais européenne. Décryptage des implications pour la Pologne, l’Union européenne et l’OTAN de ces nouvelles mesures défensives.
10 milliards de złoty pour fortifier la frontière orientale de la Pologne
Samedi 18 mai 2024, à l’occasion du 80e anniversaire de la bataille de Monte Cassino, sur la place du Rynek à Cracovie, Donald Tusk a annoncé un financement de 10 milliards de złoty ( environ 2.3 milliards d’euros) pour le nouveau projet de défense « Bouclier Est ». 400 km entre la frontière bélarusse et l’exclave de Kaliningrad seront en travaux, avec la construction de fortifications, d’abris militaires, ainsi que de reboisements et d'assèchement de zones inondées.
Donald Tusk détaille :
« Nous avons décidé d’investir 10 milliards de PLN dans notre sécurité, et surtout dans la sécurité de la frontière orientale. Nous lançons un grand projet pour construire une frontière sûre, y compris un système de fortifications, ainsi que des décisions environnementales qui rendront cette frontière infranchissable pour un ennemi potentiel » Donald Tusk, le 18 mai 2024
“Podjęliśmy decyzję, aby zainwestować w nasze bezpieczeństwo, a przede wszystkim w bezpieczną wschodnią granice 10 mld zł. Rozpoczynamy wielki projekt budowy bezpiecznej granicy, w tym systemu fortyfikacji, a także takiego ukształtowania terenu, decyzji środowiskowych, które spowodują, że ta granica będzie nie do przejścia dla potencjalnego wroga.” Donald Tusk, le 18 mai 2024
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Ce n’est cependant pas un nouveau projet de défense, mais plutôt un renforcement du dispositif de sécurité érigé en 2020, avec un mur de 186 km de long.
Vers un mur végétalisé ?
Le président de la Diète polonaise - Marszałek Sejmu Rzeczypospolitej Polskiej, l’équivalent du Parlement français, Szymon Hołownia du parti Polska 2050 - Pologne 2050, a tenu à ouvrir le débat sur ce mur à la frontière, aux questions environnementales et ses conséquences sur les populations locales, restées au second plan des préoccupations sécuritaires : « Pour toutes ces valeurs que nous ne pouvons pas perdre parce que Poutine essaie de nous menacer d’une manière ou d’une autre aujourd’hui ». "Dla tych wszystkich wartości, których nie możemy stracić przez to, że Putin nam dzisiaj próbuje w jakiś sposób zagrozić ".
Plongée au cœur de la guerre des étoiles : le dôme de fer
Pour accompagner cette défense terrestre, Donald Tusk a présenté lundi 20 mai un vaste système de défense aérienne, appelé dôme de fer.
Co to jest un dôme de fer et quelle serait son utilité pour la Pologne ?
- Un dôme de fer est une expression utilisée pour désigner un ensemble de radars et de missiles qui interceptent des tirs ennemis, notamment des roquettes de courte-portée, des obus d'artillerie ou des drones.
- C’est donc un élément de défense qui n’est pas visible par la population.
- Un radar va détecter le projectile, alors qu’il s’approche du territoire national.
- À partir des données fournies par l’appareil, le point d’impact du tir sera déterminé. S’il venait à toucher une zone peuplée, des batteries mobiles anti-missiles abattront le projectile.
Ces installations sont le premier pas vers une politique militaire spatiale, cruciale en cas de guerre. Le dispositif présenté par Donald Tusk n’est pas exclusivement centré sur l'interception de missiles ennemis, mais est pensé pour s'insérer dans la stratégie militaire et spatiale du pays. Ainsi, cette nouvelle enveloppe permettra de développer des outils aériens pour fluidifier les mouvements des drones, développer des systèmes spéciaux pour empêcher les interférences ainsi que le financement de la recherche.
Back to the future
Le projet d’un dôme de fer européen présenté par Donald Tusk, en anglais European Sky Shield Initiative, ESSI, n'est cependant pas une nouveauté : c’est le chancelier allemand, Olaf Scholz, qui avait initié le projet de la construction d’un système de défense aérienne européen en 2022.
Cependant, Donald Tusk compte bien reprendre la main sur cette initiative :
« Nous sommes les initiateurs de ce dôme européen parce que nous réalisons - après l'expérience d'Israël, celle de l'Ukraine - qu'un seul pays n'est pas en mesure de faire face à l’effort d'un dôme sûr, d'un ciel sûr, d'une défense aérienne sûre, au-dessus de la Pologne, de la région - tout d'abord - mais aussi de l'ensemble du continent. » Donald Tusk, le 20 mai 2024
"Jesteśmy inicjatorami tej europejskiej kopuły, ponieważ zdajemy sobie sprawę - po doświadczeniach Izraela, po doświadczeniach Ukrainy - że jedno państwo nie jest w stanie podołać temu wysiłkowi, jakim jest bezpieczna kopuła, bezpieczne niebo, bezpieczna powietrzna obrona nad Polską, nad regionem - przede wszystkim, ale też nad całym kontynentem" Donald Tusk, le 20 mai 2024
Un projet d’envergure européenne pour Donald Tusk : est-ce l’ancien président du Conseil européen ou le Premier ministre polonais qui parle ?
Pendant sa rencontre de lundi 20 mai 2024 à Varsovie avec la présidente de la Banque européenne d’investissement, Nadia Calviño, le financement du dôme de fer a été en partie révélé :
- la Banque européenne d’investissement financera ce dôme de fer à hauteur de 300 millions d’euros, sous forme de prêts.
- Parmi les accords signés sous l’égide de la Banque européenne d’investissement pour la création progressive de ce dôme de fer,
- le programme de développement de satellites polonais se fera en coopération avec la France.
🎥 Umowa, jaką dzisiaj podpisaliśmy, dotycząca polskiego programu satelitarnego we współpracy z Francją. Mówimy tu o 300 milionach euro, dzięki której nasz plan budowy żelaznej kopuły nad Polską i nad Europą znowu posunął się o krok do przodu - Premier @DonaldTusk. pic.twitter.com/lrlNoH6dnN
— Kancelaria Premiera (@PremierRP) May 20, 2024
Cette initiative s’inscrit dans une stratégie de la Banque européenne d’investissements, BEI, de financements à long terme dans la sécurité de Pologne.
Nadia Calviño a ainsi rappelé que 100 milliards d’euros avaient déjà été investis en Pologne, notamment dans les secteurs routiers, ferroviaires et énergétiques avec par exemple la deuxième ligne du métro de Varsovie.
99,5 % du dôme de fer polonais restent à financer
Si l’effort de la Banque Européenne d'Investissement est conséquent, il est clair pour Bartosz Kownacki, ancien vice-ministre de la Défense nationale, actuellement député du PiS, Prawo i Sprawiedliwość, estime que le prix de ce système de missiles est d’environ 100 milliards de złoty, une somme démesuré pour le pays selon lui : « C’est bien que nous obtenions 300 millions d’euros, mais cela représente un demi pour cent des coûts réels de la construction d’un tel bouclier uniquement en Pologne », “ Fajnie dla Polaka brzmi, że dostaniemy 300 milionów euro, ale to jest pół procenta realnych kosztów zbudowania takiej tarczy tylko w samej Polsce”.
Un dôme de fer européen : entre partage des coûts et efficacité
Lundi 20 mai 2024, le Premier ministre Donald Tusk a révélé la dimension européenne du projet de dôme, en déclarant, côte à côte avec le Premier ministre grec :
« Je défends cela depuis le tout début de mon mandat de Premier ministre et j’ai trouvé un très bon écho en Europe. Lentement, les dirigeants les plus prudents et les plus sceptiques commencent à comprendre que si nous voulons parler sérieusement de la sécurité et de la puissance militaire de l’Europe, nous devons commencer par ce dôme, (...) l’avantage de l’Europe sur la Russie - financier, économique et technologique. » Donald Tusk, lundi 20 mai 2024
“Gardłuję za tym od samego początku mojej kadencji jako premiera i znajduję naprawdę dobry oddźwięk w Europie. Powoli ci liderzy najbardziej ostrożni i sceptyczni zaczynają rozumieć, że jeżeli mamy serio mówić o bezpieczeństwie i sile militarnej Europy, to trzeba zacząć od tej kopuły, bo wtedy europejska przewaga nad Rosją. “ Donald Tusk, lundi 20 mai 2024
L’occasion pour Donald Tusk d’annoncer lors de sa prise de parole du lundi 20 mai qu’il présentera cette initiative aux différents chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union européenne dans les prochains jours.
Dôme de fer, pour une Pologne fer de lance de l’OTAN
Le général polonais Bogusław Pack approuve cette stratégie européenne et l’élargit à l’OTAN : « Nous ne pensons souvent qu'à notre propre territoire, mais nous ne devons pas oublier qu'en vertu de l'article 5 du traité de Washington, nous sommes également responsables d'autres États. Et un dôme commun donnerait à la Pologne la possibilité d'avoir un impact, par exemple, en abattant des missiles destinés à toucher la Lituanie. Car il est peut-être préférable d'abattre, depuis le territoire polonais, un missile qui va frapper un pays que nous devrons de toute façon aider dans un avenir proche, en y envoyant des troupes. », ”My bardzo często myślimy tylko o własnym terytorium, ale musimy pamiętać jeszcze, że w ramach artykułu 5 Traktatu Waszyngtońskiego my jesteśmy odpowiedzialni też za inne państwa. I wspólna kopuła dałaby Polsce możliwość oddziaływania na przykład w zestrzeliwaniu rakiet, które mają razić Litwę. Bo może lepiej jest z terytorium Polski zestrzelić rakietę, która ma uderzyć w to państwo, któremu za chwilę i tak będziemy musieli pomagać, wysyłać do niego wojska”.
Co to jest le traité de Washington ?
- Le traité de Washington est le traité fondateur de l’OTAN, l’Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, dont l’objectif est d’assurer la protection du territoire de ses États membres.
- Ratifié par 12 pays fondateurs en 1949, dont les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni dans un contexte de Guerre froide, c’est l’article 5 du traité, toujours en vigueur aujourd’hui, qui est la clause principale de cette alliance, réunissant aujourd’hui 32 membres.
- L'article 5 stipule que « si un pays de l'OTAN est victime d'une attaque armée, chaque membre de l'Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l'ensemble des membres et prendra les mesures qu'il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué. »
En d’autres termes, le dôme de fer permettra de détruire des cibles qui frapperaient la Pologne, avant même que celles-ci atteignent le pays, par des pays membres de l’OTAN tels que la Lituanie, de la Lettonie, l’Estonie par exemple. C’est également un gain de temps : il n’est pas nécessaire d’attendre que le missile atteigne le territoire polonais pour effectuer des reconnaissances et procéder à la neutralisation.