Le 25 juin 2024, j'ai entrepris un voyage à travers une partie de l'Europe, en partant du nord de la Pologne pour rejoindre Dortmund, en Allemagne. Mon objectif était d'assister au match entre mes deux équipes nationales masculines favorites, la France et la Pologne. En tant que franco-polonaise, ce n'était pas simplement un match de football, mais un événement chargé d'émotion et de signification - un rendez-vous à ne pas manquer ! Accompagnée de mon père polono-français et de deux amis français, j'ai assisté au dernier match de poule de l'Euro masculin pour les deux équipes. Ce match s'est tenu dans le célèbre stade de Dortmund, le Signal Iduna Park, cœur du football allemand.
Quels étaient les enjeux de ce match France-Pologne ?
Le championnat d’Europe de football masculin a débuté le 14 juin 2024 en Allemagne. La compétition est divisée en deux parties : une phase de poule du 14 au 26 juin et une phase à élimination directe, du 29 juin au 14 juillet. La Pologne était dans la poule de la France, l’Autriche et les Pays-Bas.
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Pour espérer être qualifiés, les Polonais devaient se classer parmi les trois premières places de leur groupe. Après leurs défaites lors des deux premières journées de compétition, les Polonais ont vu leurs chances de se qualifier pour la suite se réduire considérablement.
En Pologne, il existe un dicton traditionnel : “Mecz otwarcia, Mecz o wszystko, Mecz o honor”, qu’on peut traduire par « match d’ouverture, match où tout se joue, match pour l’honneur », véritable casse-pied pour les joueurs avant un match.
Ce 25 juin, c’était plutôt l’honneur qui était en jeu côté polonais.
Côté français, la situation était paradoxale. Déjà qualifiée sans avoir brillé pour les huitièmes de finale avant même d’affronter la Pologne, les Bleus devaient toutefois gérer un match sous haute pression. Deuxièmes du groupe D derrière les Pays-Bas au coup d’envoi, ils devaient s’imposer largement contre l'équipe polonaise de Robert Lewandowski et espérer un faux pas des Bataves contre l’Autriche pour terminer premiers. Cette première place leur aurait permis d’éviter un tableau de phase finale particulièrement difficile avec l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal…
Première partie de mon aventure : le trajet Gdańsk- Dortmund !
Travaillant actuellement à Gdańsk, la première étape de mon périple a été de rejoindre Paris… en survolant l’Allemagne. Ne me parlez pas de mon empreinte carbone, je n’en suis pas fière… Mon père, qui partait de Bretagne en voiture, est passé me prendre à Paris, puis nous avons rejoint ensemble Dortmund.
Sur la route, nous croisons des groupes de supporters français. Il fait très chaud : 30 degrés au compteur de la voiture. Les autoroutes allemandes, souvent idéalisées pour leur efficacité, sont parfois parsemées de trous et de travaux, bien que sans bouchons. « Il y a des travaux tout le temps », plaisante Nicolas, l’un de nos amis.
Un coup d'œil dans les autres voitures croisées : quasiment que des hommes, et une ambiance bon enfant. Les Français, qui se reconnaissent grâce à leurs couleurs, se sourient et arborent fièrement leur drapeau.
En arrivant, c’est plutôt une vague blanche et rouge qui nous surprend : les supporters polonais remplissent les rues de Dortmund et leurs chants résonnent partout dans une ambiance très conviviale.
La ville allemande, avec son centre-ville reconstruit après la guerre, nous accueille avec un mélange unique de modernité et de tradition, sans oublier l’ombre de l’Histoire. Située à l'extrême est de la Ruhr, elle est devenue un lieu incontournable dans le monde du football en Allemagne. Le Musée du Football allemand, inauguré en 2015, y est par exemple un passage obligé pour tout fan de ce sport.
Ce jour-là, c'est le Signal Iduna Park, avec ses 62.000 places pour ce match, qui capte toute notre attention. Nous sommes au final 59.728 spectateurs, comme un même cœur qui bat sous un soleil de plomb et une ambiance surchauffée.
Une organisation allemande exemplaire
Dès notre arrivée au stade, l’efficacité allemande se fait sentir. L’organisation est impeccable : le personnel, avenant et parlant bien anglais, nous guide avec courtoisie. Les contrôles de sécurité, bien que rigoureux, sont rapides et effectués avec le sourire. Une fois à l'intérieur, l'ambiance est déjà plus électrique.
Différents stands de nourriture sont installés autour du stade. Les frites allemandes, contrairement aux bières un peu trop amères à mon goût, ravissent nos papilles. De même, nous sommes tout de suite séduits par l’ambiance autour et dans le stade : conviviale, familiale et chaleureuse.
Dès l'entrée des joueurs, le stade résonne de ferveur et d'enthousiasme. Les hymnes des deux équipes sont applaudis par l’ensemble du stade, signe de grand respect mutuel. Je suis impressionnée, touchée.
Un match nul, mais pas nul pour tout le monde, des déçus et un gardien de but polonais qui tire son épingle du jeu
À partir du coup d'envoi, l’inefficacité offensive des Français est leur talon d’Achille. Le gardien polonais multiplie les arrêts décisifs au cours de la première période, privant les Français d’un avantage à la mi-temps. Le stade vibre à chaque tentative, les Polonais étant ravis de voir leur équipe donner du fil à retordre aux Français.
En deuxième mi-temps, le but français calme les ardeurs polonaises. L'enthousiasme côté Blancs et rouges revient après le but de leur capitaine, porté par le chant répété en boucle "Jeszcze jeden, jeszcze jeden" (encore un, encore un), un véritable soutien en continu pour encourager l'équipe.
Les spectateurs venus de l’Hexagone que nous rencontrons sont déçus par la performance des Français, jugeant que le niveau de jeu des deux équipes était plutôt moyen.
Selon Enora, « ça manquait de buts », exprimant ainsi un sentiment général parmi les supporters. De plus, les Polonais se sont révélés « moins mauvais que ce qu'on pensait » avouent certains, soulignant l’étonnement des Français face à la combativité des Polonais, pourtant qualité intrinsèque de ce peuple !
Côté français, la déception est palpable face au résultat : le match nul - 1/1 leur reste en travers de la gorge, les Bleus ayant manqué l’opportunité de s’assurer une meilleure trajectoire en phase à élimination directe. La route vers la finale s’annonce plus compliquée.
Du côté polonais, c'est une source de fierté de voir leur équipe nationale tenir tête aux champions du monde de 2018, même si cela signifie une élimination dès la phase de poules de la compétition.
À la fin, les Polonais rendent hommage en chantant leur nom, à Kamil Grosicki qui quittait la sélection nationale avec ce match et au gardien Łukasz Skorupski, auteur d’un match remarquable.
L'ambiance est incroyable à la sortie du stade. Les supporters français et polonais échangent des gestes d’amitié et continuent à chanter ensemble sur le chemin du retour.
L’organisation après le match est encore une fois très efficace, permettant à tout le monde de quitter le stade rapidement et sans encombre.
Un match à forte dimension symbolique pour ma famille et pour nos deux pays
En discutant avec d'autres supporters, notamment des Français rencontrés dans un bar de la ville d’Essen sur la route du retour, il est clair que l'expérience a été très positive.
« Ils sont cools ces Allemands », ont-ils dit, soulignant la convivialité et la bienveillance des locaux, ce qui a ajouté une dimension chaleureuse à cette soirée déjà riche en émotions.
L'émotion ne s’arrête pas là. Je suis Franco-Polonaise et mon père est Polono-Français. L’ordre de nos nationalités n’est pas un hasard. Mon père est né en Pologne, moi je suis née en France. Mon père a choisi la France. Moi, je réside actuellement en Pologne.
Assister à ce match du côté polonais avait une dimension symbolique très forte pour moi. Bien que je vive en Pologne depuis seulement un mois et ayant toujours habité en France auparavant, ce moment représentait une occasion unique de partager avec les Polonais un match très important pour eux. Mon père, qui vit en France depuis ses 25 ans, partageait cette même émotion. Pour lui aussi, voir s’affronter les deux pays qui constituent son identité était une expérience inoubliable et l’occasion à ne pas manquer d’assister à un match aux enjeux si importants. Voir les couleurs de nos pays ainsi réunies était très émouvant.
Ce match n'était pas simplement une rencontre sportive, mais un événement chargé d'émotions et riche de significations. À l’heure où l’on questionne la légitimité et l’intégrité des binationaux, ma venue en Pologne et mon intérêt pour ce match étaient motivés par une quête personnelle : comprendre mes racines, ma double culture, et tisser un lien plus fort avec mon histoire familiale.
De mon point de vue, la rencontre avait le goût d’un Triangle de Weimar familial avec l'Allemagne comme lieu de communion, un véritable trait d'union entre trois pays historiquement liés.
Ce match restera gravé dans ma mémoire comme une célébration de mon identité franco-polonaise, une fusion de mes deux cultures dans un contexte transnational et transgénérationnel.
Ce fut une expérience inoubliable, empreinte d'émotion, de partage et de communion. Elle a uni non seulement les supporters de deux pays, mais aussi les membres d'une même famille à travers le temps et l'espace, célébrant ensemble une passion commune. Une expérience à renouveler !