Édition internationale

La Pologne va-t-elle indemniser les victimes polonaises du nazisme selon Donald Tusk?

Fact checking - Lundi 1er décembre, le Premier ministre polonais Donald Tusk s’est rendu à Berlin auprès de Friedrich Merz dans le cadre de la 17e consultation intergouvernementale germano-polonaise. La question des indemnisations des victimes polonaises de la Seconde Guerre mondiale a été abordée lors de ces discussions. Les propos de Donald Tusk, lors de la conférence de presse, ont par la suite été détournés sur les réseaux sociaux par des opposants l’accusant de vouloir payer les indemnisations à la place de l’Allemagne. Qu’en est-il de cette controverse autour du sujet des indemnisations et des réparations de guerre, qui refait régulièrement surface au sein du débat politique polonais ?

Donald Tusk et Friedrich Merz ©Kancelaria Prezesa Rady MinistrówDonald Tusk et Friedrich Merz ©Kancelaria Prezesa Rady Ministrów
Donald Tusk et Friedrich Merz ©Kancelaria Prezesa Rady Ministrów
Écrit par Louis Moreau
Publié le 9 décembre 2025

 

Une réunion sous le signe de la mémoire

En parallèle des discussions sur la sécurité européenne et la sécurité énergétique, les deux chefs de gouvernement, le Polonais Donald Tusk et l’Allemand Friedrich Merz ont discuté des questions mémorielles qui plombent l’aile de la coopération et de l’amitié germano-polonaise depuis la réunification allemande. 

 

L’Allemagne tente de faire des pas en avant en confirmant la construction d’un mémorial permanent à Berlin dédié aux victimes polonaises de la Seconde Guerre mondiale. 

 

En plus de cela, l’Allemagne s’engage à « clore le chapitre douloureux du passé et à reconnaître qu'il existe une obligation durable de résoudre la question de la restitution des biens culturels » saisis par les forces allemandes durant l’occupation. Afin de marquer cette volonté, l’Allemagne a remis lors de cette réunion 73 documents sur parchemin datant du XIIIe au XVe siècle, provenant des collections des Archives centrales historiques de Varsovie, ainsi qu'une sculpture provenant de l'église du Château de Malbork


 

15 juillet 1410 : la célèbre bataille de Grunwald contre les chevaliers teutoniques

 

 

Une conférence de presse à l’origine des accusations à l’encontre du Premier ministre polonais

Lors de la conférence de presse entre les deux chefs de gouvernement, Donald Tusk a exhorté l’Allemagne à se dépêcher d’indemniser les victimes polonaises de la Seconde Guerre mondiale. Elles sont encore 50.000 à être en vie selon le Premier ministre, 10.000 de moins, comparées à la dernière fois où Donald Tusk avait interpellé l’ancien chancelier allemand Olaf Scholz sur le sujet. 

 

Ainsi, Donald Tusk a évoqué la possibilité pour l’État polonais de créer une indemnisation répondant aux besoins des victimes polonaises encore en vie. C’est cette déclaration qui a été reprise et commentée par les opposants au gouvernement polonais, notamment du parti du PiS (Prawo i Sprawiedliwość – Droit et justice).


 


 

Une manipulation des propos du Premier ministre au bénéfice du PiS

Sur les réseaux sociaux, de nombreux soutiens et personnalités du PiS ont accusé le Premier ministre polonais de vouloir faire payer la Pologne à la place des Allemands sur la question des indemnisations des victimes de la guerre. Donald Tusk passe une nouvelle fois aux yeux de ses opposants comme un politicien « pro-allemand », « traître à la nation polonaise ». 

 

Le président polonais Karol Nawrocki, élu avec le soutien du PiS, n’est pas resté en dehors de la controverse. Il a réagi sur X – anciennement Twitter, en rappelant que ce sont les Polonais qui « ont été attaqués et assassinés par les Allemands ». De fait, cela serait aller à « l’encontre de la vérité historique » et de la logique que de ne pas faire payer l’Allemagne pour ses indemnisations aux 50.000 victimes polonaises survivantes de la Seconde Guerre mondiale. 


 

 


 

Les réparations de guerre : la rancune du président Nawrocki et du parti PiS

En tant qu’historien, ancien directeur du Musée de la Seconde Guerre mondiale à Gdańsk, candidat à la présidence, et actuel président de la République de Pologne, Karol Nawrocki s’est toujours servi de la question des réparations de guerre par l’Allemagne comme d’un moyen politique. 

 

Il reprend à son compte la position du PiS depuis 2015 en demandant à l’Allemagne de payer des réparations de guerre à l’État polonais en compensation des destructions massives causées par l’Allemagne sur le territoire polonais. 

Ces réparations sont évaluées à 1.300 milliards d’euros, soit environ 6.200 milliards  de złotys, selon le « Rapport sur les pertes subies par la Pologne du fait de l’agression et de l’occupation allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) » – „Raportu o stratach poniesionych przez Polskę w wyniku agresji i okupacji niemieckiej w czasie II wojny światowej 1939-1945”, rapport parlementaire élaboré entre 2017 et 2022, et présenté par Jarosław Kaczyński, président du PiS, au Château royal de Varsovie, le 1er septembre 2022. 

 

De son côté, l’Allemagne considère la question des réparations de guerre comme close. Un accord a été signé en 1953 avec la Pologne, alors République populaire de Pologne (Polska Rzeczpospolita Ludowa, PRL), sous la pression de l’Union soviétique, où l’État polonais renonçait à percevoir les réparations de guerre restantes, et dont le montant a été convenu lors de la conférence de Potsdam en 1945. Cet accord a été signé avec la République démocratique allemande (RDA), la Pologne n’entretenant pas de relations diplomatiques avec la République fédérale d’Allemagne (RFA) à cette époque.

 

Au cours des décennies suivantes, l’Allemagne a versé des indemnisations à certaines catégories de victimes polonaises ayant subi la violence des combats et les atrocités commises durant la Seconde Guerre mondiale. En 1972, la RFA a versé des indemnités aux Polonais ayant survécu à des expérimentations médicales barbares subies dans les camps nazis

En 1975, aux termes de l’accord Gierek-Schmidt, l'Allemagne devait verser 1.3 milliard de marks aux Polonais qui ont cotisé à la Sécurité sociale allemande pendant l’occupation. 

Ou encore, entre 1992 et 2006, l'Allemagne et l'Autriche ont conjointement indemnisé les victimes polonaises ayant survécu au travail forcé dans l'Allemagne nazie, ainsi que les orphelins et enfants polonais soumis au travail forcé.


 

💡 Co to jest la différence entre des indemnisations et des réparations ?

Dans le cas de ces questions mémorielles entre la Pologne et l’Allemagne, les réparations de guerre consistent en un remboursement de l’Allemagne à la Pologne afin de « compenser » les destructions causées par l’armée allemande sur le territoire polonais pendant la guerre et l’occupation. 

Les indemnisations concernent une compensation financière de l’Allemagne envers les victimes polonaises des crimes nazis et des crimes commis pendant la guerre et sous l’occupation. 

 

 

Ainsi, bien que l’Allemagne considère ses questions comme réglées, les demandes de réparations et d’indemnisations côté polonais ont ressurgi au moment de la réunification allemande en 1989, lorsque des populations allemandes ont réclamé des dédommagements pour leur déplacement forcé lors des changements de frontières post-Seconde Guerre mondiale. 


 

Une instrumentalisation politique utilisée par le PiS

Le PiS a largement instrumentalisé ces questions mémorielles et financières dans un but politique et de confrontation nationaliste avec l’Allemagne

 

Ce nouvel écart démontre que le PiS souhaite être le seul acteur politique à la manœuvre sur ces questions. L’accusation à l’encontre des propos de Donald Tusk n’a qu’un objectif de confrontation avec le gouvernement afin de garder la prédominance sur ce sujet, et de s’opposer à un gouvernement qualifié de « pro-européen » et donc, selon le PiS, « pro-allemand ».

 

De l’autre côté du spectre politique, l’implication de Donald Tusk et de son gouvernement est également un moyen de réduire l’influence du PiS dans l’espace public et de s’opposer frontalement au Président Karol Nawrocki qui s’était lui aussi rendu en Allemagne en septembre et qui avait exigé que les Allemands paient des réparations de guerre. 

 

Pour autant, malgré toutes ces querelles et ces déclarations, les victimes polonaises de la Seconde Guerre mondiale n’ont pas toutes reçu de réparations face aux horreurs qu’elles ont subies depuis maintenant plus de 80 ans. Et nombre d’entre elles ne sont plus de ce monde, pour les réclamer.


 

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