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Emanuel Ringelblum : le Polonais qui archiva la vie quotidienne du ghetto de Varsovie

Emanuel RingelblumEmanuel Ringelblum
© Wikimedia Commons - Domaine public - Auteur inconnu
Écrit par Mattéo Bardiaux
Publié le 14 avril 2023, mis à jour le 14 avril 2023

Les 15 et 16 avril, France Culture diffusera le documentaire en deux parties Ghetto de Varsovie, les archives d’Emanuel Ringelblum, l’historien juif polonais connu pour son travail de documentation et d’archivage du quotidien dans le ghetto de Varsovie. Produits par Dominique Prusak (qui avait déjà raconté dans la collection Une histoire particulière, un récit documentaire, sur France Culture, les parcours de Ginette Kolinka, rescapée des camps et de Herschel Grynszpan, dont l’attentat déclencha la Nuit de Cristal), les deux épisodes plongent au plus près de la vie du ghetto de Varsovie, le plus important de la Seconde Guerre mondiale.  

 

2023 : 80e anniversaire de l’insurrection du Ghetto de Varsovie

Cette année marque le 80e anniversaire de l’insurrection du ghetto de Varsovie, un événement qui a marqué l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et du peuple juif. En avril et mai 1943, les Juifs emprisonnés dans le ghetto de Varsovie ont décidé de prendre les armes contre les forces nazies, dans l’espoir de se libérer de leur emprise. À cette occasion, le président de l’État d’Israël, Isaac Herzog, et le président de la République fédérale d’Allemagne, Frank-Walter Steinmeier, se rendront en Pologne le 19 avril. Ils rencontreront le président de la République de Pologne, Andrzej Duda, et participeront ensemble à la principale commémoration de l’anniversaire qui aura lieu sur la place des héros du ghetto de Varsovie.

 

Une histoire particulière...

Tous les weekends, l’émission Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties sur France Culture, coordonnée par Christine Bernard [autrice du livre : J’ai été fusillée, ma chérie…, NDLR] a pour objectif de raconter des histoires singulières, « toucher l’universel » et de donner un éclairage sur des aspects de l’existence humaine souvent méconnus. En se penchant sur la vie d’Emanuel Ringelblum, l’émission cherche non seulement à mettre en lumière la vie clandestine du ghetto — notamment les comités d’immeuble, les organismes d’entraide sociale, la vie culturelle et religieuse, la police juive et la contrebande — mais aussi l’importance de la documentation et de l’archivage dans la préservation de l’histoire et de la mémoire collective. 

 

Un acte de résistance contre la Shoah en Pologne

Emanuel Ringelblum, historien et humaniste juif, forme une équipe en octobre 1940 à Varsovie pour archiver la vie quotidienne du ghetto. Baptisée « Oneg Shabbat » (la joie du shabbat), elle comprend des journalistes, écrivains, sociologues, économistes, artistes… une soixantaine de personnes en tout. Les nombreux documents collectés constituent l’un des plus grands actes de résistance contre la Shoah en Pologne. Ces documents, conservés en sous-sol dans plusieurs coffres-forts et réservés aux chercheurs, représentent 35 369 pages, soit 6 000 documents mettant en lumière la vie clandestine du ghetto.

Les écrits d’Emanuel Ringelblum et de son équipe sont précieux pour comprendre l’évolution du ghetto et sa tragédie organique. Ils ont également mis en place une agence d’information à destination des organes de presse clandestins pour informer l’Europe de l’extermination des Juifs polonais. Cette équipe ne croyait plus en la possibilité d’un après-guerre et d’une libération attendue... Une conviction macabre qui s’est confirmée début juillet 1942, quand les dirigeants ont commencé à déporter les Juifs du ghetto.

 

La vérité enfouie sous terre

Enfouies avant la destruction du ghetto de Varsovie en 1943 par son équipe, les archives Ringelblum sont retrouvées après la guerre. Elles deviennent la principale source historique de la tragique disparition des Juifs polonais. Un cube de verre exposant une feuille manuscrite des archives Ringelblum est érigé à l’endroit précis où les précieux écrits ont été déterrés, sous l’ancienne école, dans la cave du 68 rue Nowolipki. Deux parties des archives ont été retrouvées en 1946 et en 1950, tandis que la troisième reste introuvable.

Parmi les archives se trouvent les paroles du célèbre animateur des grands cafés littéraires d’avant-guerre, Wladislaw Szlengel, le « poète juif du ghetto », qui a écrit poèmes et chansons sur la vie dans le ghetto de Varsovie jusqu’à sa mort en 1943. Dominique Prusak rappelle que selon Halina Birenbaum, une rescapée, « ses textes étaient écrits dans la fièvre de la passion, alors que se déroulaient des événements qui nous semblaient les derniers du siècle. Ils interrogeaient nos sentiments, nos pensées, nos besoins, nos souffrances et nos combats implacables pour chaque minute de vie supplémentaire ». Les paroles de Szlengel dépeignent l’ambiance et les peines du ghetto à travers une description minutieuse du quotidien entravé par des persécutions, et ont été qualifiées par Emanuel Ringelblum de « marqueur de mémoire ». L’historien Jean-Yves Potel qui a édité en 2017 les écrits du poète, intervient également dans le documentaire. 
 

Un documentaire de Dominique Prusak, réalisé par François Teste

Une histoire particulière, un récit documentaire en deux parties, coordination : Christine Bernard.

 

Épisode 1/2 : La résistance par l’écrit 

Intervenants : 

Wioletta Bachur, conservatrice à l'Institut historique juif de Varsovie. 

Anna Zatonska, enseignante de la Shoah.  

Konstanty Gebert, rédacteur en chef du mensuel juif « Midrasz ».

 

Épisode 2/2 : La mémoire sous les pierres 

Intervenants :

Aleksandra Engler-Malinowska, historienne, créatrice de l'installation « Nowolipki 68 ».

Jacek Leociak, historien de la Shoah.

Karolina Szymaniak, chercheuse en langue Yiddish.

Jean-Yves Potel, écrivain, biographe de Wladyslaw Szlengel, éditeur de ses poèmes.

Konstanty Gebert, journaliste de l'histoire juive.