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Pologne : petit Pays dans un pays, partons à la découverte de Cachoubie !

Partons pour un tour pittoresque en Pologne du Nord, direction la Cachoubie : en y arrivant vous remarquerez rapidement - même si vous ne parlez pas polonais, quelque chose de bizarre… Les couleurs des drapeaux, la langue usuelle, les panneaux routiers, partout la culture cachoube est omniprésente. Partons à la découverte de la Kaszëbë - Cachoubie ainsi que de la culture cachoube, région historique, qui n’a pourtant jamais eu d’existence administrative autonome, et dont l’histoire connue remonte au 13e siècle.

La Cachoubie en images - Montage CanvaLa Cachoubie en images - Montage Canva
La Cachoubie en images
Écrit par Jan Grochala
Publié le 2 octobre 2024, mis à jour le 3 octobre 2024

Un peu d’histoire de la Cachoubie

D’après le professeur Gerard Labuda, même si le terme désignant la Cachoubie fut mentionné pour la première fois en 1238, dans la bulle du pape Grégoire IX, on peut supposer que l’histoire de cette région, sa culture et sa langue, remonte jusqu’à des temps beaucoup plus anciens.

On estime que l’histoire des Cachoubes (les habitants de la Cachoubie) remonterait au VIe, époque au cours de laquelle eurent lieu les migrations des peuples balto-slaves, souvent appelés « les premiers Cachoubes ».

Plus tard, au Xème siècle ce fut le temps de la christianisation de la Pologne (chrystianizacja Polski), symbolisée par le baptême de Mieszko I, premier souverain du futur État polonais, le 14 avril 966, que l’on considère également comme le baptême de la Pologne.

Ce voyage dans le temps nous permet de revenir au premier martyre polonais dont l’histoire serait liée au peuple Cachoube : Saint Adalbert de Prague (en polonais Święty Wojciech).  En 997, il aurait essayé de christianiser la Prusse, incluant la Poméranie.

Les historiens avancent, qu’ainsi, il aurait également baptisé les Cachoubes dont la culture a toujours été, et est encore aujourd’hui, fortement liée au catholicisme.

 

Logo Cachoubie
L’emblème de la Cachoubie : le griffon couronné dont l’histoire remonte jusqu’à la fin du Xème siècle où, dans la Poméranie Occidentale, renaît la dynastie des Griffon (également appelé la maison de Poméranie)

 

Dès 1238, des abbés ont commencé à écrire des textes où était mentionnée la Cachoubie. Grâce à eux, on sait que les Cachoubes, au Moyen Âge, occupaient de petites villes peu peuplées et vivaient de l’agriculture ; ce qui est toujours le cas aujourd’hui : la Cachoubie est considérée comme le jardin de la Pologne.

 

La Cachoubie, le jardin de la Pologne
De cette région, vous connaissez probablement les fraises de Cachoubie, appelées en langue cachoube « kaszëbskô malëna », qui, depuis 2009 bénéficient de l'appellation géographique protégée de l’Union européenne.
La Cachoubie est un lieu où les cultures prospèrent malgré la pauvre qualité des sols et, bien souvent, les cultures sur les étals de marché ont pris racine dans cette région. C’est le cas de l'orge, du blé, du triticale (un hybride entre le blé et le seigle), du maïs, des navets, des betteraves sucrières et des légumineuses vivaces mais également du seigle et des pommes de terre.
Emma Kozlowski

 

Les répressions contre les Cachoubes

La Pologne au 18e siècle fut marquée par un des événements le plus marquant de son histoire : après le partage de la Pologne par 3 de ses États voisins que sont la Prusse, la Russie et l’Autriche, le pays est rayé des cartes en 1795 et ce, pour une durée de 123 ans.

Les 3 pays, après avoir divisé la Pologne, commencèrent à restreindre la propagation de la culture polonaise ainsi que de la Cachoubie. L’héritage culturel et linguistique du Nord de la Pologne, sous la pesanteur de la censure prussienne s'éteignait.

C’est grâce à l’Église catholique que les valeurs cachoubes ont survécu notamment à travers les messes qui étaient dites dans la langue cachoube et non en allemand.

L’héritage de la Cachoubie s’est également maintenue grâce aux actes de plusieurs individus parmi lesquels on peut évoquer Florian Cejnowa, ethnographe qui voulait « éveiller l’âme cachoube ». Il a popularisé la langue et la culture cachoubes, perçues à l’époque, même par les autochtones, comme inférieures à allemandes ou à polonaises.

 

Le titre non-officiel de Król Kaszub (roi de Cachoubie) était octroyé à tous ceux qui influencent décisivement la préservation des valeurs cachoubes. Ce titre est largement reconnu en Cachoubie mais il est parfois, encore aujourd’hui, utilisé comme une moquerie.
Emma Kozlowski

 

Les décisions anti-polonaises et anti-catholiques d’Otto von Bismarck, chancelier impérial prusse entre 1871 et 1890, ont eu comme conséquences la fuite de la région par maints habitants qui ont émigré aux États-Unis et au Canada.

 

Un regain d’espoir pour la Cachoubie à l’aube du XXème siècle

L'intérêt porté à la Cachoubie et aux valeurs défendues par Florian Cejnowa a été revalorisé au début du XXème siècle. Des linguistes, comme Izydor Gulgowski ou Friedrich Lorentz, ont recommencé à s’intéresser à la langue cachoube. Au cours de cette même période parurent les premiers journaux cachoubes, comme « Drużba. Pismo dlö polścich Kaszubów » ou bien « Gryf », le premier journal socioculturel et littéraire cachoube.

De plus, naissent à cette époque Kaszubskie Towarzystwo Ludoznawcze (Association Folkrolique Cachoube) à Kartuzy et Towarzystwo Młodokaszubów (Association des Jeunes Cachoubes) à Gdańsk, deux auteurs qui ont publiés des œuvres polonaises en langue cachoube.

 

Un signe clair de l’importance de la culture de la Cachoubie au début du 20e siècle, est la présence de ses représentants, Antoni Abraham et Tomasz Rogala, au Traité de Versailles de 1919, qu’ils ont, par ailleurs, signés.

 

Le Traité de Versailles a conduit au partage des territoires des grands empires d’Europe, notamment du IIe Reich. Ce partage a eu pour conséquences qu’une partie de la Cachoubie revienne dans le giron polonais alors qu’une autre conserva une appartenance allemande, héritée de l’empire Prussien, notamment sur les terrains appartenant à Wolne Miasto Gdańsk (Ville libre de Dantzig).

 

La Cachoubie, touchée en plein cœur pendant la Seconde Guerre mondiale

Malgré une amélioration des conditions de vie des Cachoubes, les répressions restaient tout de même constantes depuis le 18e siècle et la Cachoubie, non remise de ces agressions, est fortement marquée par la Seconde Guerre mondiale

Le 1 septembre 1939, la guerre entre en Pologne avec la canonnade du cuirassé Schleswig-Holstein ciblant Westerplatte, une presqu’île située dans le corridor de Dantzig et à l'entrée du canal menant au port de Gdańsk.



Pologne Westerplatte, là où la Seconde Guerre mondiale a débuté le 1er septembre 1939

 

Peu de temps après le début de la guerre, les nazis commencent à exécuter les élites polonaises, notamment celles cachoubes. Les massacres de Piaśnica, Zbrodnia w Piaśnicy, entre l'automne 1939 et le printemps 1940, marque, selon certains, les premières atrocités nazies à grande échelle en Pologne occupée. Ces massacres ont eu lieu à proximité de la ville de Wejherowo, appelée en langue cachoube Wejrowò.

 

Cette ville, désignée comme de la Cachoubie par Słownik geograficzny Królestwa Polskiego le « Dictionnaire géographique du Royaume de Pologne » en 1880, fait aujourd’hui partie de l’agglomération de la Tricité qui regroupe les villes de Gdańsk, Sopot et de Gdynia.
Emma Kozlowski

 

La région a été particulièrement marquée par un réseau dense de camps de concentration et extermination. Le premier camp d’extermination en Pologne, Stutthof, a d’ailleurs été construit dans la région de Cachoubie, à 40 km de Gdańsk.

 

Une renaissance après la Seconde Guerre mondiale

Après la Seconde Guerre mondiale, la région de la Cachoubie a connu un épanouissement important.

Des journaux cachoubes ont recommencé à publier et l’intérêt porté par le communisme à la Cachoubie a permis de redynamiser la culture cachoube.

Les années suivant la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses initiatives visant à développer la culture cachoube sont mises en place. Ainsi, en 1946, le journal Zrzesz Kaszëbskô organise le « Congrès Cachoube » (Kongres Kaszubski) à Wejherowo. L’année suivante, en 1947, le musée Kaschubisches Museum Karthaus,le musée de la Cachoubie, est fondé à Kartuzy et permet à la culture cachoube d’être plus connue.

L’importance de l’héritage, culture et langue cachoubes a été remarquée par le pape Jean Paul II qui y fait son voyage en 1987.

La chute du communisme en Pologne en 1989 a permis à la culture cachoube de s’épanouir encore plus en permettant, entre autres, à ce que la langue cachoube soit aujourd’hui enseignée dans les écoles dans la région.

 

La culture cachoube, unique en son genre

Les symboles de la Cachoubie

Il n’y a aucun règlement officiel concernant les symboles de la Cachoubie, néanmoins on en peut distinguer quelques-uns qui sont tout à fait typiques.

Le symbole le plus important est le griffon, déjà mentionné plus haut. En Poméranie dite Orientale, le griffon est représenté noir sur un fond jaune, couleur qui peut faire penser à un champ. C’est pourquoi, les couleurs faisant penser les Polonais à la Cachoubie sont le jaune et le noir. Cependant, en Poméranie Occidentale, le griffon est rouge sur fond blanc ou argenté.

Même si la Cachoubie n’a officiellement pas d’hymne régional, deux chansons peuvent être perçues comme telles. Il s’agit de Zemia Rodnô et Kaszëbsczi marsz. Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une autre chanson très connue, « Kaszëbsczé nótë », souvent appelée l’Alphabet cachoube (pl. Alfabet kaszubski) qui est souvent perçue, bien que ce ne soit pas le cas, comme l’hymne de la Cachoubie.

 

 

Brève histoire de Zemia Rodnô et Kaszëbsczi marsz
Zemia Rodnô est l’hymne utilisé par ceux qui veulent souligner la différence entre les Polonais et les Cachoubes. Les paroles se réfèrent à l’agriculture qui a toujours été importante dans la culture de cette région.
Kaszëbsczi marsz a été écrite par Hieronim Derdowski en 1880. En 1921, le compositeur polonais Feliks Nowowiejski y ajoute la mélodie.
Cette pièce est perçue comme l’hymne de la Cachoubie par Zrzeszenie Kaszubsko-Pomorskie (l’Association de Cachoubie-Poméranie).
Emma Kozlowski

 

Les spécialités cachoubes

Puisque toute région peut être décrite par ses spécialités, n’oublions pas la gastronomie !

La cuisine cachoube, du fait de sa proximité avec la mer Baltique, est avant tout basée sur des plats de poissons. L'exemple le plus connu à travers la Pologne est le hareng à l’huile.

La cuisine cachoube utilise aussi des oiseaux dans ses plats, notamment de l’oie. Vous connaissez sans doute le saindoux et l’oie rôtie, deux plats typiques de la Cachoubie.

De plus, la région est connue pour de petites galettes sucrées appelées « ruchanki », préparées avec de la pâte à pain.

 

La littérature cachoube

Si l’agriculture est généralement assimilée à la Cachoubie, la littérature cachoube ne doit pas être dédaignée. On peut ainsi parler de chefs-d’œuvre de la littérature cachoube comme Le Tambour (allemand : Die Blechtrommel, pol. Blaszany bębenek), le roman de Günter Grass qui a décroché le prix Nobel de la littérature en 1999.

Ce livre raconte l’histoire d’un garçon, Oskar, vivant dans la Ville libre de Gdańsk et dont l’enfance de ce personnage est influencée par 3 cultures différentes : polonaise, allemande et cachoube. C’est un roman qui constitue un héritage littéraire très important pour la culture cachoube et c’est pourquoi on peut voir aujourd’hui à Gdańsk plusieurs hommages rendus au personnage du livre et à son auteur.

 

Günter Grass et son roman Die Blechtrommel (Blaszany bębenek) - image libre de droit
Günter Grass et son roman Die Blechtrommel (Blaszany bębenek)

 

De nombreux groupes de musique folklorique et des musées en plein air nous permettent aujourd’hui de nous rappeler la beauté de cette région unique.

 

La langue cachoube ou un dialecte du polonais ?

Même si, en écoutant la chanson traditionnelle cachoube, vous pouvez entendre des similarités avec la langue polonaise, non, ce n’est pas un dialecte du polonais !

La langue cachoube fait officiellement partie des langues régionales polonaises depuis 2005, ce qui signifie qu’on peut passer son baccalauréat en cachoube.

Cette langue est parlée par environ 87.000 personnes et elle est enseignée dans environ 400 établissements scolaires. Néanmoins ceux qui l’utilisent quotidiennement, ce sont surtout des personnes âgées. C’est pourquoi on estime que c’est une langue « en voie d'extinction ».

La graphie, c’est-à-dire l’alphabet, de cette langue a été unifiée par Florian Cejnowa au XIXème siècle. Aujourd’hui, les règles et le fonctionnement de la langue sont contrôlés par Rada Języka Kaszubskiego (l’équivalent polonais de l'Académie Française).

 

Soyez préparez avant votre voyage en Cachoubie et apprenez quelques expressions en cachoube :
 - Jô cë kòchóm : Je t’aime
 - Dobri dzéń : Bonjour
 - Do uzdrzeni : Au revoir
 - Witôj : Salut
 - Dzãkùja : Merci
 - Jo : Oui
 - No : Non

 

Comment se rendre en Cachoubie ?

Convaincus ? Partez à la découverte de la Cachoubie dès que vous serez en Poméranie !

Les villes les plus importantes de la Cachoubie sont : Kartuzy (souvent perçu comme la capitale de cette région) où vous pourrez visiter le musée de la Cachoubie, Pelplin avec sa belle cathédrale de l’assomption et Wejherowo qui a son propre musée de la culture cachoube.

Si vous êtes à Gdańsk, vous pouvez prendre le train SKM et aller confortablement dans chacune de ces villes.

 

Comment se déplacer en transport en commun dans la Triville (Gdansk, Gdynia, Sopot) ?

Néanmoins, pour découvrir la vraie magie de la Cachoubie, il faut prendre son vélo ou une voiture et voir les campagnes pittoresques avec les maisons traditionnelles.

L’occasion de prendre des photos de panneaux : les inscriptions vont être en polonais et en cachoube. Vous verrez la différence dès le premier coup d’œil.

 

Alors, ne réfléchissez pas trop et allez découvrir la beauté unique de la région polonaise de Cachoubie.

 

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