Depuis le mois d’octobre, les autorités ecclésiastiques de Catane ont choisi de mettre provisoirement un terme à la désignation des parrains et des marraines. En cause, la sécularisation d’une tradition religieuse qui ne servirait plus que d'ascenseur social, ou pis encore, à tisser des relations avec des personnalités influentes issues des rangs de la mafia.
Autrefois, le rôle d’un parrain ou d’une marraine dans l’Église romaine, était d’accompagner son ou sa filleul(e) dans son éducation religieuse et plus tard dans sa vie chrétienne. Mais d’après le vicaire général de Catane, Salvatore Gristina, il s’agit, aujourd’hui, d’une tradition dont la signification spirituelle a été totalement siphonnée par les intérêts personnels. Pour mettre fin à ce qui semble être une dérive sous influence mafieuse, l’Église catholique a décidé d’interdire le parrainage pour une durée de trois ans.
Les eaux du baptême, la nouvelle marque du Satan Cosa Nostra.
Si beaucoup se souviennent de l’emblématique scène du baptême dans le premier volet du Parrain, peu savent que cette coutume chrétienne a une résonance bien particulière chez les catholiques Siciliens. Moment de grandes réjouissances où familles et amis se retrouvent autour de la « nouvelle naissance » d’un nouveau-né, les baptêmes sont depuis longtemps, en Sicile, l’occasion de se constituer un réseau dont les ramifications s’entremêlent trop souvent avec celles de la pègre.
Le parrainage est depuis longtemps condamné par une partie de l’Église catholique Sicilienne. En 2014, par exemple, Mgr. Giuseppe Fiorini Morosini, archevêque de Reggio de Calabre-Bova, où la ’Ndrangheta est profondément ancrée, avait proposé que l’on suspende pendant dix ans cette tradition, mais sans toutefois trouver un écho favorable auprès du Vatican. En 2017, Mgr. Michele Pennisi s’en était quant à lui pris à un prêtre de la localité de Corleone après que ce dernier avait autorisé Salvatore Riina, fils du défunt et redouté chef de file de Cosa Nostra, Toto Riina, à parrainer un petit corleonesi. À la suite de cet incident, l’archevêque de Monreale avait mis en place une interdiction de 10 ans prévenant les membres de la mafia de participer au rituel du baptême.
Salvatore Cuffaro conteste cette décision
Interrogé par le New-York Times, Salvatore Cuffaro – ancien président de la Région sicilienne de 2001 à 2008, condamné à sept ans de réclusion criminelle, en réponse à ses liens avec Cosa Nostra – a affirmé avoir toujours respecté la sacralité du parrainage catholique. « Malgré ce que certains prêtres croyaient, je me suis occupé de tous mes enfants baptisés », a assuré l’ancien sénateur parrain d’« environ 20 enfants ». Insistant sur le fait que les membres de la mafia n’auraient jamais servi de parrain, il a assuré que l’attache unissant un filleul à cette figure tutélaire n’était « qu’un lien religieux » défait de toute influence illégale.