Rome vue autrement : l’exposition « Ville e giardini » au Palazzo Braschi
Le Palazzo Braschi présente jusqu’au 12 avril 2026 une exposition consacrée aux jardins et villas romains. Près de 190 œuvres sont exposées et retracent cinq siècles d’imaginaire pictural des jardins.


Jusqu’au 12 avril 2026, le musée de Rome au Palais Braschi accueille une grande exposition dédiée à l’un des patrimoines les plus fascinants de la capitale : ses jardins historiques. L’exposition « Villas et jardins de Rome : une couronne de délices » retrace pour la première fois de manière aussi vaste, le développement des jardins de Rome du XVIe siècle à la seconde moitié du XXe siècle. Près de 190 œuvres de genres variés – dessins, peintures, estampes, manuscrits – sont présentées au public.
Redonner vie à un patrimoine oublié
Le parcours s’ouvre avec une grande carte interactive des villas historiques de Rome, les existantes comme les détruites. « La mémoire est très importante », a souligné Alessandro Cremona lors de la présentation de l’exposition. Les œuvres, souvent peu connues ou inédites, offrent une richesse documentaire rare pour la recherche. Cette sélection permet de conduire de nouvelles études sur des complexes parfois peu analysés, révélant pour la première fois l’aspect originel d’espaces verts aujourd’hui disparus ou profondément remaniés et proposant de nouvelles clés d’interprétation. Pour raconter l’histoire de ses jardins et villas, le musée de Rome a réuni des prêts prestigieux provenant d’institutions italiennes et internationales, ainsi que de collections privées.
Comprendre Rome par les jardins
L’exposition sert à « mieux comprendre la ville ». Elle illustre comment les villas et les jardins ont été, au fil des siècles, l’expression du pouvoir, de la culture et du raffinement des papes, princes et cardinaux. En 1967, Michel Foucault était déjà convaincu de l’importance centrale des jardins. « Le jardin est la plus petite parcelle du monde et pourtant c’est la totalité du monde », avait-t-il affirmé à Paris lors de sa conférence « Des espaces autres ».
Des jardins strictement formels du XVIe siècle aux parcs publics du XXe, l’exposition révèle une évolution marquée par les ambitions politiques, les modes artistiques et les bouleversements urbanistiques.

Un parcours en six chapitres
La visite, enrichie de dispositifs multimédias et immersifs, est divisée en six sections. La première partie se concentre sur le XVIe siècle. À cette époque, Rome se redéfinit grâce au gouvernement pontifical renforcé. Les anciens lieux destinés à l’otium — les villas, les jardins de délices — sont réhabilités, devenant des références pour la renaissance des jardins. Les vignes et potagers disséminés dans la ville sont transformés en jardins attenants à des résidences. Les plus grands artistes du moment – Bramante, Peruzzi, Raphaël, Sangallo le Jeune, Giulio Romano – définissent un modèle de jardin romain destiné à être célébré. Les œuvres exposées documentent particulièrement la Villa Madama, la Villa Giulia, le Belvédère du Vatican, la Farnesina et la Villa Médicis.
Ensuite, au XVIIe siècle, les villas deviennent davantage des lieux fastes de démonstration du pouvoir. Les bâtisses occupent les zones encore libres près du Quirinal, des basiliques et des murs. Parmi elles, la Villa Borghese – immortalisée par Joseph Heintz le Jeune en 1625 – et les disparues Villa Ludovisi, Villa Giustiniani, Villa del Vascello, Villa del Pigneto Sacchetti. La réactivation des anciens aqueducs permet de créer des jardins luxuriants enrichis de fontaines monumentales, selon une conception hautement théâtrale destinée à émerveiller les visiteurs.
Au XVIIIe siècle, les jardins adoptent la mode française : parterres de broderie, bosquets en « pièces vertes ». Sont évoqués la Villa Patrizi, le Palazzo Colonna et ses jardins reliés par des ponts suspendus, le futur Jardin botanique dessiné par Fuga, ainsi que la célèbre villa du cardinal Alessandro Albani, chef-d’œuvre européen.
Les guerres, puis la modernisation de Rome après 1870, détruisent de nombreuses villas (Ludovisi, Montalto). Le modèle du jardin public se développe. Les nouveaux besoins urbains, les endiguements du Tibre, et l’explosion démographique – entre 1870 et 1900, Rome double sa population – modifient radicalement le paysage vert romain. La Villa Torlonia en est une exception notable.
Sous le régime fasciste, de nombreuses villas disparaissent pour laisser place à la ville moderne. De nombreux jardins publics sont conçus, notamment par Raffaele de Vico (Villa Glori, Parco Flaminio, etc.).
La section finale est consacrée aux usages sociaux et culturels des jardins romains. Depuis la fin du XVe siècle, la vie en villa intègre chasse, banquets, concerts, spectacles, collectionnisme. Au XVIIIe siècle, les villas deviennent des lieux ouverts au public international du Grand Tour. Et c’est au tournant du XXe siècle que les promenades dominicales à Villa Borghese et au Pincio deviennent rituelles, comme le peignent Leroux et Spadini. De quoi réinterpréter sa passeggiata au Pincio.
Maé BRAULT
Informations pratiquesFini le12avr.
Jusqu'au 12 avr. à 20:00
Adresse
Piazza di San Pantaleo 10
RM
rome






