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En Inde, 2020 s’est terminée comme elle avait commencé, par des manifs

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Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 6 janvier 2021, mis à jour le 19 décembre 2023

En Inde, 2020 aura été une année marquée par deux grandes manifestations pan-nationales : l'une impliquant l'égalité de citoyenneté pour 195 millions de musulmans indiens, l'autre sur les moyens de subsistance équitables et durables pour 50 % de la population du pays qui vit de la terre. L'année est terminée, mais les revendications des agriculteurs se poursuivent et les craintes de la minorité musulmane face à la loi sur la citoyenneté ne se sont pas encore apaisées.

 

Entre ces deux événements majeurs, la crise sanitaire et économique induite par la pandémie de la COVID-19 a profondément affecté l’Inde (comme partout dans le monde). Côté diplomatie, le gouvernement indien a eu du pain sur la planche entre la recrudescence des tensions avec la Chine le long de la ligne de contrôle (LAC) au Ladakh et des relations avec ses voisins proches, et plus particulièrement le Népal, pas toujours au beau fixe.


 

Début 2020 : la manifestation de Shaheen Bagh 

 

Début décembre 2019, le gouvernement indien a voté un amendement à la loi sur la citoyenneté, le Citizen Amendment Act (CAA) qui permet aux immigrés du Bangladesh, Pakistan et Afghanistan de demander la nationalité indienne en accéléré à condition qu’ils ne soient pas musulmans (Loi sur la citoyenneté : oppositions et protestations violentes). Ce vote a généré des manifestations de grande ampleur dans de nombreux Etats indiens. 

A Delhi, des femmes musulmanes ont investi la place Shaheen Bagh au nord de la ville pour exprimer leur désaccord et leurs inquiétudes face à cette loi qu’elles estiment discriminatoire (Shaheen Bagh, la manifestation pacifique des femmes de Delhi). La manifestation pacifique s’est poursuivie durant les mois de janvier et février et n’a finalement été interrompue que par les mesures de confinement contre la propagation du coronavirus annoncées en mars 2020. 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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L'octogénaire Bilkis est apparue comme le visage de la protestation contre la loi sur la citoyenneté et a été reconnue par le magazine TIME comme l'une des 100 personnes les plus influentes de 2020. 


Mais, dans un autre quartier de la capitale, fin février 2020, les protestations pacifiques ont dégénéré, les tensions entre manifestants pour et contre la loi se sont intensifiées puis transformées en émeutes violentes. Le quartier habité en majorité par des musulmans a été saccagé et 38 personnes sont décédées (Émeutes d’une rare violence à Delhi entre hindous et musulmans). Au même moment, le Premier Ministre Narendra Modi accueillait le Président américain Donald Trump.

L'enquête menée par la police de Delhi a conduit à l'arrestation d'étudiants et d’activistes manifestant contre la loi sur la citoyenneté, mais nombreux sont ceux qui dénoncent une enquête biaisée et l’intervention de groupes extrémistes hindous dans la propagation de la violence.


 

25 mars 2020 - juin 2020 :  le plus grand confinement au monde

 

Le 30 janvier 2020, le gouvernement du Kerala confirme la présence du premier malade du coronavirus en Inde (Coronavirus : Premier cas confirmé en Inde). 

Après une progression très lente de l'épidémie probablement due au peu de tests effectués, le 25 mars, le Premier Ministre déclare un confinement général du pays induisant l'arrêt complet de toute l'activité économique hormis les services de première nécessité, la fermeture des frontières externes de l’Inde mais aussi des frontières inter Etats (Coronavirus : Confinement total pour 1,3 milliards d'Indiens). Confrontée à la perte de leur source de revenus et à l'absence de moyens de transport, une majorité de travailleurs journaliers fuit les grandes villes dans lesquelles ils sont employés et tente de regagner leur village d’origine par tous les moyens. C’est un des plus grands mouvements de population de l’histoire indienne depuis la Partition de 1947. 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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De mars à juin, la société civile se mobilise et ONG et citoyens tentent de venir en aide aux plus démunis. 

Mi-mai, le gouvernement indien commence à autoriser certaines activités et promet des mesures de relance de l'économie (Coronavirus : Modi annonce un plan de relance et le confinement 4.0). A partir de juin 2020, le déconfinement de l’Inde est amorcé, en juillet le couvre-feu est suspendu (Covid-19, déconfinement phase 3 : le couvre-feu levé), mais la levée des interdictions ne se fait pas au même rythme dans tous les Etats. Le Maharashtra, l’Etat qui compte le plus de cas, se déconfine beaucoup plus lentement que les autres (Le Maharashtra passe le seuil de 1 million de cas de Covid-19). 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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A partir d'août 2020, l’Inde est le deuxième pays le plus touché par le coronavirus (Covid-19 Inde : 5 millions de cas, le plateau n’est pas encore atteint) et bat plusieurs fois le record mondial du nombre de nouveaux cas journaliers (Covid-19 : record mondial pour l’Inde pour le nombre de cas en un jour). Depuis octobre 2020, ce nombre est en baisse constante et le seuil des 10 millions de cas n’a été atteint que fin décembre 2020. 

Depuis juin 2020, des corridors aériens bilatéraux sont négociés et mis en place pour les voyageurs qui sont autorisés à se déplacer. Fin octobre 2020, l’Inde rouvre ses frontières sauf pour les touristes. (Inde : réouverture des frontières pour tous sauf les touristes).

L'économie indienne qui avait déjà commencé l'année 2020 en baisse par rapport à 2019 a été fortement affectée par le confinement strict et long du pays (Coronavirus : Impact sur l'économie indienne). En ce début d'année 2021, plusieurs indicateurs économiques sont encore dans le rouge. Les agences de notation et le Fonds Monétaire International ont prévu une contraction d’environ 10 % de l'économie en 2020.


 

Mai - juin 2020 : des relations diplomatiques tendues entre l’Inde et ses voisins

 

Inde - Chine

En mai 2020, la Ligne de Contrôle Actuelle (qui marque la frontière entre l’Inde et la Chine) connaît une recrudescence des tensions puis des affrontements entre les armées stationnées dans la vallée de Galwan au Ladakh. Après les pertes subies par les deux parties, l’Inde et la Chine ont accru leur présence militaire le long de la LAC (La frontière Inde-Chine, la LAC, sous haute tension). 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Plusieurs séries de pourparlers entre les généraux puis les ministres des deux pays ont lieu entre juin et décembre 2020, mais les tensions restent encore vives à la fin de l'année et chacun campe sur ses positions.

En juin 2020 puis en septembre 2020, en liaison avec les tensions à la frontière avec la Chine, le gouvernement indien interdit le téléchargement et l’utilisation de nombreuses applications mobiles développées en Chine. L’application TikTok, dont la croissance en Inde était exponentielle, perd ainsi son plus grand vivier d’utilisateurs dans le monde.


Inde - Népal

Par ailleurs, en mai 2020, l’Inde inaugure une route dans l’Himalaya permettant de relier Delhi et la frontière avec la Chine. Mais, cette route traverse un territoire disputé par le Népal qui ne tarde pas à répliquer en publiant une nouvelle carte du pays incluant ce territoire. Les relations diplomatiques entre les deux pays qui s'étaient nettement améliorées depuis quelques années se refroidissent alors rapidement.



Fin 2020 :  les agriculteurs manifestent contre les réformes du secteur

 

Au mois de juillet, alors que le pays sortait tout doucement du confinement, le gouvernement indien a promulgué trois ordonnances réformant le secteur de l’agriculture, qui autorisent notamment les entreprises privées à avoir un accès direct aux producteurs agricoles. Ces ordonnances ont été transformées en lois approuvées lors de la session parlementaire de septembre alors que l’opposition avait boycotté les bancs de l'assemblée pour protester contre l’absence de discussions sur le sujet avant le vote (Inde : La réforme de l'agriculture votée malgré une forte opposition). 

Les agriculteurs du Pendjab, le grenier à blé du pays, se sont rapidement mobilisés pour protester contre ces lois et ont entamé des manifestations dès le mois d’octobre qui se sont intensifiées progressivement.

En novembre 2020, ils ont lancé le mouvement Dili Chalo et se sont rendus en grand nombre à l'entrée de la capitale pour tenter de convaincre le gouvernement d’abroger les réformes (Bharat Bandh : grève générale le 8 décembre 2020). 

Depuis, rejoints par les agriculteurs de l'Haryana, du Rajasthan et d’autres Etats agricoles, ils campent en bordure de trois points d'accès au nord de la capitale malgré la pluie et le froid qui se sont abattus sur la ville à la fin de l'année (Agriculteurs et gouvernement : le désaccord persiste sur les réformes).

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Plusieurs sessions de discussions entre représentants des syndicats agricoles et du gouvernement ont eu lieu depuis le début du mouvement, mais, jusqu'à présent, aucun accord n’a été trouvé.

Le 4 janvier 2021, lors du septième cycle de pourparlers, les syndicats d'agriculteurs protestataires et les trois ministres représentant le gouvernement ont campé sur leurs positions : les dirigeants agricoles ont insisté sur l'abrogation des trois lois, alors que le gouvernement énumérait les divers avantages de ces lois.

La prochaine réunion aura lieu le 8 janvier. Les syndicats agricoles ont déjà annoncé que, si aucun accord n'était trouvé d’ici le 26 janvier, date de la commémoration de l'entrée en vigueur de la constitution indienne, ils organiseront un défilé de tracteurs et camions dans les rues de la capitale pour concurrencer le défilé annuel des forces militaires (Republic day, l'équivalent de notre 14 juillet).


 

Autres événements

 

Affaires de viol

Au cours de l’année 2020, l’Inde a mis en application la sentence de mort prononcée contre les quatre accusés dans la terrible affaire du viol de Delhi qui avait horrifié le pays en 2012 (L’Inde a exécuté les accusés coupables du viol de Delhi de 2012). Mais, en fin d’année, l’agression d’une jeune femme par quatre hommes dans l’Uttar Pradesh, puis la manière dont la police a traité la victime et mené l’enquête ont de nouveau fait la une des journaux (Une nouvelle affaire de viol enflamme l'Inde). Les lois votées après 2012 afin d'accélérer le traitement de ce type d’affaires ne sont pas encore complètement appliquées.

 

Litige d’Ayodhya

Le 30 septembre 2020, la Cour Suprême a acquitté les 30 personnes accusées d’avoir incité à la violence lors de la démolition de la mosquée de Babri à Ayodhya en 1992 (Démolition de la mosquée Babri : un verdict attendu depuis 1992).

Fin 2019, la Cour avait rendu son verdict dans le litige concernant le terrain entre les musulmans et les hindous : elle a alloué ce dernier à la construction d’un temple en l’honneur du dieu hindou Ram et a demandé aux autorités locales d’attribuer un nouveau terrain pour la reconstruction de la mosquée (Verdict historique de la Cour suprême sur le litige d’Ayodhya).

Le 5 août 2020, le Premier Ministre a posé la première pierre du temple de Ram. 


Amnesty International

Le 29 septembre, Amnesty International annonçait que suite au gel de ses comptes bancaires, l’ONG fermait tous ses bureaux en Inde (Amnesty International forcée de fermer ses bureaux indiens). 

Les ONG travaillant en Inde sont soumises à une réglementation stricte pour leur financement. Une nouvelle loi renforçant encore les contraintes pour celles qui reçoivent des dons de l’étranger a été approuvée lors de la session parlementaire de septembre. De nombreuses ONG, opérant en Inde et de tailles diverses, ont été affectées par cette modification de la loi. Elles sont actuellement à la recherche de fonds pour pouvoir continuer leur activité qui s’est avérée encore plus nécessaire depuis la crise sanitaire.


Météo

Au cours de l'année 2020, l’Inde a aussi subi plusieurs cyclones dont le cyclone Amphan qui a dévasté le Bengale occidental en juin (Cyclone Amphan : 72 morts et d’énormes dégâts au Bengale occidental) et le cyclone Burevi qui a provoqué de fortes inondations dans le sud de l’Inde fin novembre.

 



 

En ce début d'année 2021, la propagation du coronavirus en Inde semble s'être ralentie et le pays s'apprête à démarrer une campagne de vaccination de grande ampleur qui permettra au personnel de santé et aux personnes âgées d'être immunisées d’ici fin juillet.

Cependant, le gouvernement indien doit aussi trouver une solution concernant les revendications des syndicats d’agriculteurs, mais aussi continuer à négocier avec le gouvernement chinois pour maintenir la paix sur la ligne de contrôle dans le Ladakh.

De plus, l'agenda politique 2021 est bien rempli avec les élections législatives dans cinq États (Assam, Bengale occidental, Kerala et Tamil Nadu) et dans le territoire de Pondichéry.

 

 

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