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Agriculteurs et gouvernement : le désaccord persiste sur les réformes

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Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 15 décembre 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Le bras de fer entre les syndicats d’agriculteurs et le gouvernement national commencé en septembre 2020 continue. Alors que les premiers réclament une abrogation totale des trois réformes de 2020, le dernier maintient sa position sur l’importance de ces réformes pour le développement du secteur agricole indien. Depuis plusieurs jours, le gouvernement national tente de rallier à sa cause les syndicats qui ne se sont pas encore prononcés contre les réformes. Par ailleurs, les manifestations autour de la capitale prennent de plus en plus d’ampleur. De plus, après l'intervention du Premier ministre canadien sur le sujet fortement contesté par l’Inde, les médias internationaux ont commencé à s'intéresser au sujet et des manifestations ont été organisées dans certaines villes dans le monde en soutien aux agriculteurs indiens.

 

 

Que demandent les agriculteurs ? Quelle est la position du gouvernement national ? La rédaction tente de répondre à ces questions.


Rappel des événements 

En septembre 2020, le Parlement indien a voté trois réformes de l’agriculture qui sont contestées par plusieurs syndicats du secteur, et plus particulièrement par les agriculteurs des Etats qui alimentent les réserves du gouvernement en blé et riz, le Pendjab et l’Haryana (lire Inde : La réforme de l'agriculture votée malgré une forte opposition). 

Ces derniers ont d’abord manifesté leur désaccord dans les États respectifs, puis début décembre ont entamé une marche vers la capitale nommée Dili Chalo (“Delhi, nous voilà”) et occupent depuis les routes et points d'accès au nord de la capitale. Après avoir été stoppés par des canons à eau dans leur progression, des milliers d’agriculteurs campent aujourd'hui aux portes de la capitale.

Plusieurs sessions de négociations ont eu lieu entre syndicats d’agriculteurs et membres du gouvernement national sans succès à ce jour. Depuis le 12 décembre, les manifestants ont intensifié leurs blocages, en particulier sur l’autoroute Delhi Jaipur, ont organisé une grève de la faim d’une journée le 14 décembre et menacent de bloquer le passage entre Delhi et Noida, un des centres d'activités économiques les plus importants du pays le 16 décembre.

 

 

De son côté, le gouvernement national a entamé des discussions avec les syndicats d’agriculteurs des Etats qui ne participent pas encore aux manifestations et plus particulièrement avec ceux du Maharashtra, du Kerala… Le Premier Ministre réitère lors de chacune de ses interventions publiques sur d'autres sujets que les réformes sont essentielles pour le futur agricole du pays. 

 

Abrogation des nouvelles lois ou simples amendements ?


Depuis 1966-1967, années de la ''révolution verte” indienne, le gouvernement achète directement aux producteurs des stocks de plusieurs produits agricoles, et en particulier le blé et le riz, à un prix minimum garanti. Les objectifs sont d’approvisionner les gouvernements des Etats en cas de pénurie et de garantir aux producteurs un revenu minimum en cas de baisse des prix. 

Les agriculteurs réclament l’abrogation des trois réformes votées en septembre. Ils considèrent que les nouvelles réformes ne garantissent plus le prix minimum et les mettent à la merci des grandes entreprises agroalimentaires qui sont désormais autorisées à leur acheter leur production directement.

Un des slogans de la manifestation est “Non à Ambani - Adani” (ndlr : Mukesh Ambani dirige le conglomérat Reliance et est la treizième fortune dans le monde, Gautam Adani dirige le conglomérat du même nom qui vient de rafler la privatisation de 6 aéroports indiens).

 

 

Les syndicats qui manifestent rassemblent majoritairement des agriculteurs du Pendjab et de l’Haryana qui sont les principaux fournisseurs de blé et de riz du gouvernement. 

Le gouvernement dit qu'il n'abrogera pas ces lois, mais nous le forcerons à le faire”, a déclaré Jagjeet Singh Dallewal du Bharatiya Kisan Union-Ekta, un groupe d'agriculteurs du Pendjab. “Le poste frontière Delhi-Noida à Chilla sera fermé à 11 heures mercredi, si le Centre continue de fermer la porte aux agriculteurs”, a-t-il ajouté.

De son côté, le gouvernement a proposé des amendements aux réformes et a indiqué que le système du prix minimum garanti serait maintenu pour ses approvisionnements, mais a refusé d’abroger les nouvelles lois. 

Le ministre de l'Agriculture Narendra Singh Tomar a rencontré à plusieurs reprises des représentants de syndicats qui ne sont pas opposés à ces réformes. Le 14 décembre, le comité de coordination agricole AIKCC regroupant des agriculteurs du Maharashtra, du Telangana, de l’Haryana, du Pendjab, du Tamil Nadu, du Bihar, de l’Uttar Pradesh et du Kerala lui a confirmé son soutien et propose pour “sortir de l’impasse” que les gouvernements locaux soient autorisés à accepter ou rejeter l’application de ces lois dans leur État.

 


L’agriculture indienne, un secteur encore peu mécanisé en manque d’investissement

Le secteur agricole indien souffre aujourd’hui de son manque de mécanisation et dépend majoritairement d’une main-d'œuvre qui se déplace d’Etat en Etat au gré des besoins. Cette situation est apparue au grand jour lors du confinement strict du pays quand les travailleurs migrants ne pouvaient plus (ou ne voulaient plus) se déplacer pour travailler (lire L’agriculture indienne et le confinement : un défi de taille).

Partisans et opposants des réformes sont tous d’accord sur le besoin de moderniser le secteur, mais les nouvelles lois qui ont été présentées et votées au parlement sans consultation préalable ne font pas l'unanimité sur ce sujet.

 

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Les partisans des réformes affirment, qu’avec les nouvelles lois, les entreprises privées pourront investir dans le secteur afin d’en augmenter la productivité et plus particulièrement la mécanisation.

Les réformes auront un impact transformationnel sur le secteur agricole en améliorant la productivité, en modernisant les infrastructures, en permettant l'agrégation à grande échelle et en améliorant l'accès au marché”, a déclaré Sanjiv Puri, le président du Conseil national de l'agriculture de la CII (la Confédération de l’Industrie Indienne). 

De son côté, Kaushik Basu, ancien économiste en chef de la Banque Mondiale et conseiller économique du gouvernement indien de 2009 à 2012 considère que les nouvelles lois sont biaisées et ne profiteront qu’aux grandes entreprises agroalimentaires. Il affirme que le secteur doit être réformé mais que les nouvelles lois ne sont pas à l'avantage des agriculteurs.

 


 

Face aux manifestants décidés à poursuivre leur mouvement tant qu’ils n’obtiendront pas gain de cause et organisés pour tenir longtemps, le gouvernement doit trouver une solution pour les convaincre de la nécessité des réformes. Le chroniqueur de Bloomberg, Andy Mukherjee, suggère de rédiger une nouvelle proposition de loi.

 

 

 

 

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