Nous sommes allés à la rencontre d’étudiants qui ont choisi la Pologne pour effectuer leur Erasmus et leur avons tous posé les mêmes questions : pourquoi la Pologne, les avantages de ce pays, ses inconvénients, quel conseil auraient-ils aimé recevoir avant de venir poser leurs bagages ici, sans oublier quelques anecdotes piquantes. Rencontre cette semaine avec Margot, originaire de Corse et étudiante à Sciences Po Strasbourg, actuellement en échange à l’Université de Varsovie, Uniwersytet Warszawski dans le département des relations internationales, dont vous avez sûrement dû lire les nombreux articles et analyses, publiés dans les pages de notre média.
Le programme Erasmus : la plus européenne des aventures
- Le programme Erasmus est un programme mis en place par la Commission européenne, pour faciliter les échange et l'immersion internationale pour promouvoir l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport.
- Les étudiants peuvent profiter d’un semestre dans une université partenaire dans l’un des 33 pays participants. Créé en 1987, le programme est devenu Erasmus + en 2014 afin de s’ouvrir à un large public, pas uniquement étudiant : stagiaires, citoyens avec ou sans diplômes, dont l'objectif est de séjourner à l’étranger pour renforcer leurs compétences.
- Depuis 2009, 10.5 millions de personnes ont bénéficié d’Erasmus.
- En France, entre 2014 et 2020, ce sont plus de 600.000 personnes.
- Un étudiant français a le droit à une bourse de l’UE, variant de 300 à 600 euros par mois selon la destination et son coût de la vie.
Lepetitjournal.com Varsovie : Bonjour Margot, en quelques mots, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs ?
Je m’appelle Margot, j’ai 20 ans et je suis étudiante à Sciences Po Strasbourg en 3ème année. À Sciences Po, c’est une année un peu particulière : toute la promotion part obligatoirement à l’étranger pendant un an. Me voilà donc en Pologne ! À la rentrée 2024, je commencerai mon Master en Relation Internationales spécialisé en « Défense, Sécurité et Renseignements ».
Pourquoi avoir choisi la Pologne pour faire ton Erasmus ?
Le choix a été, au départ, un peu par défaut. En effet, en entrant à Sciences Po en 2021, je voulais me spécialiser dans les relations de Défense et Sécurité entre la Russie et l’Union européenne, et nous avions un partenariat avec l’Université de Moscou. Malheureusement, la guerre en Ukraine a éclaté le 24 février 2022, me forçant à chercher de nouvelles perspectives.
En ajustant mes vœux de destination pour mon année en Erasmus, et en gardant en tête cette volonté de travailler dans la sécurité de l’Europe, qui se dessine désormais contre l’ennemi commun russe, je me suis interrogée sur le meilleur endroit pour réaliser mon projet professionnel.
J’ai choisi la Pologne pour deux raisons : déjà pour mon intérêt des pays communément appelés « d’Europe centrale et orientale » et mon envie de découvrir leurs cultures, qui sont géographiquement si proches de l’Ouest européen, mais si différentes.
Ensuite, pour l’importance du pays dans une stratégie de protection du continent. L’effet cordon, dernier rempart face à l’ours, à l’image des pays de la coalition du Concert Européen face à la France tout juste sortie de l’ère napoléonienne. De plus, dans cette optique, la Pologne vise à devenir l’une des meilleures armées d’Europe dans les prochaines années. Sans oublier que la Pologne, avec les pays Baltes, prévenait depuis des années les pays Ouest européens des intentions de la Russie.
Pour toutes ces raisons, et après avoir été acceptée, me voilà en Pologne pour mon année à l’étranger.
Avant de débuter mon Erasmus, j’ai fait un stage de 5 mois à la rédaction de Lepetitjournal.com Varsovie, ce qui a bien préparé le terrain : grâce à mes missions sur l’actualité, la culture ou encore la société polonaise, j’ai pu acquérir pas mal de connaissances et me faire une solide expérience, rencontrer des gens. Commencer par le stage puis le programme Erasmus, c’était assez rassurant, car je n’étais pas seule.
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Pour toi, quels sont les avantages de vivre dans ce pays ?
Au-delà du sentiment de sécurité et du respect général qui se dégage du pays, qui en tant que jeune fille est très appréciable, c’est l’impression d’homogénéité.
Bien que la réalité politique soit plus compliquée que ce qu’elle n’en laisse paraître au premier abord, j’ai vraiment eu ce sentiment d’une société qui ne fait qu’un, unie peu importe la difficulté.
En comparaison avec la France, j’ai l’impression que la vie politique reste globalement de la sphère privée, que ton opinion politique ne t’empêchera pas de discuter avec autrui, sans oppression d’une quelconque idéologie et te catégorisant comme l’ennemi si tu ne partages pas dans le moindre détail leurs idées, qu’elles soient de droite, de gauche, du centre ou que sais-je encore.
La France donne parfois l’impression d’être au bord de la guerre civile, le pied sur une peau de banane, tandis que la Pologne, malgré ses différends internes, fait front face à l’adversité.
Vois-tu des points négatifs néanmoins, à la vie en Pologne, est-ce que
tu as connu des moments plus difficiles ?
C'est un peu classique mais je dirais que la nuit qui tombe à 15h30, les journées sans soleil et le blues des longs mois d’hiver sont un peu difficiles. Si les compléments en vitamines sont un must à avoir dans votre équipement de débutants face au froid polonais, préparez-vous à être décoiffés.
Dans un autre registre, je dirais aussi la distance avec ma famille et mes amis s’est fait ressentir dans ce mélange épicé. Si les Polonais sont adorables, ils ne remplacent malheureusement pas ce sentiment d’appartenance et de sécurité que j’ai pu trouver auprès de mes amis au cours de mes premières années d’études.
Malgré tout, ce sentiment reste biaisé par le fait que je pense avoir trouvé à Strasbourg, une petite famille d’adoption, car lorsqu’on quitte le domicile familial à 17 ans et qu’on se retrouve loin de tous nos repères dans une ville nouvelle, les relations que l’on peut se créer n’en sont que renforcées.
Enfin, et c’est un point important en tant que femme, les clichés et problèmes liés à la gynécologie dans le pays. J’ai eu la chance de faire un bilan complet avant de partir et ne pas avoir eu de problèmes depuis, mais j’ai une amie qui est allée chez le médecin pour des problèmes de digestion, donc rien à voir avec la gynécologie normalement, et qui s’est retrouvée face à un jeune docteur d’une trentaine d’années, qui ne voulait rien savoir de ses antécédents et l’a tout de suite catégorisée comme étant enceinte et a eu un discours déplacé quant au fait qu’elle devait absolument garder le bébé. En réalité, elle est très loin d’être enceinte, et son problème n’a pas été réglé.
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Aurais-tu un bel endroit à partager avec la communauté ?
J’ai beaucoup aimé les plages de Triville, qui sont à couper le souffle, même en hiver et par -10°Celsius. Ce que j’apprécie particulièrement en ce début d’été, ce sont les bords de la Vistule aménagés à Varsovie. Le soir, les jeunes, les moins jeunes, les familles et les étudiants s’y retrouvent pour profiter de ces soirées tempérées et partager des moments de convivialité.
Aurais-tu une anecdote à nous partager ?
Avec plaisir ! Je vais vous raconter un de mes petits moments « Oups ! » quand je suis arrivée, qui sur le coup ne m’a pas fait rire, mais qui est plutôt amusant avec le recul.
J’étais à Gdańsk depuis environ deux semaines, et je voulais me faire des pâtes à la carbonara, celles qui ne respectent pas la tradition italienne, avec de la crème fraîche au lieu des jaunes d’œuf. Je me rend dans le Biedronka à côté de chez moi et me retrouve confuse dans le rayon laitage, les “packaging” sont différents de ceux en France et je n’y suis pas accoutumée.
Munie de Google Traduction, je m’approche de l’une des vendeuses en train de faire la mise en rayon et lui montre mon téléphone avec ce qui est normalement la bonne formulation en polonais du produit que je cherche.
Elle me regarde comme si des antennes m’avaient poussé sur la tête et me mène devant les yaourts aux fruits.
Dépitée de mon échec, je me dis que je suis suffisamment autonome pour me débrouiller, et passe 10 minutes devant le rayon à lire toutes les étiquettes en essayant de résoudre mon casse-tête.
Et puis Bingo, je tombe sur un pot de la marque Président, qui ressemble franchement à la crème fraîche 50% que l’on trouve en France, je m’en saisis et règle mes achats.
En rentrant chez moi, je suis ravie, déjà parce que je vais pouvoir manger ce que je voulais mais surtout parce que je m’en suis sortie malgré la difficulté. Je prépare mon plat, fait chauffer la sauce à la poêle avec les lardons et verse le tout sur mes pâtes. Dès la première bouchée, je constate avec effroi mon erreur : c’est du Twaróg aux radis !
Quel conseil donnerais-tu à un étudiant qui souhaite partir en Erasmus en Pologne ?
Ne vous laissez pas décourager par les clichés qui entourent le pays, très Ouest européens et manipulés, la Pologne est très loin de ressembler à cette idée reçue de pays Post-Soviétique arriérés, autant sur la mentalité que sur l’état du pays en général.
La Pologne est un pays moderne, avec une économie florissante et des infrastructures soignées, ou du moins dans les villes, et les gens y sont sympathiques et ouverts d’esprits, une fois que l’on passe la première barrière du “dzień dobry”.
Apprenez les bases de la langue et faites attention au taux de conversion złoty-euro, car si tout semble peu cher, le laisser-aller peut vite chiffrer.
Dernier conseil, profitez-en pour voyager, la Pologne est un pays tellement riche et diversifié qu’il serait dommage de se priver de sa beauté. Même si le temps est maussade, les Polonais sont équipés et habitués, suivez leur exemple et découvrez aussi bien les villes que la campagne, chaque recoin à sa particularité !
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