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Voyage au cœur de la « Sicile Baroque et Rebelle » de Richard Heuzé

Richard Heuzé et la couverture de son livre Sicile Baroque et RebelleRichard Heuzé et la couverture de son livre Sicile Baroque et Rebelle
Écrit par Anaïs Lucien-Belliard
Publié le 18 juin 2021

Sicile Baroque et Rebelle n’est pas un guide touristique, pas plus qu’un livre d’histoire. C’est un voyage, une aventure quasi romanesque qui nous entraine au cœur de la Sicile des Siciliens. Écrit par un amoureux de l’Italie, Richard Heuzé, correspondant du Figaro à Rome pendant 30 ans et publié aux Éditions Nevicata, cette petite œuvre littéraire offre un magnifique panorama du pays d’Antonello di Messina.

 

Portrait d'un homme d'Antonello da Messina
Antonello de Messine, Portrait d'un Homme, huile sur toile (25.5 cm× 35.5 cm)


Nombreux sont les étrangers qui, lorsque l’on évoque la Sicile, s’empressent d’évoquer toutes les références mafieuses qui leur viennent à l’esprit, comme si ce pays mille fois conquis par des peuples venus de loin, ne se réduisait qu’à cela. Prenant le contrepied des clichés et de nos a priori, Richard Heuzé propose un portrait contrasté de cette île riche de ses paradoxes, la plus grande de Méditerranée. De Palerme à Catane, en passant par Gibellina, l’auteur n’épargne rien de l’histoire riche et parfois sombre de la Sicile.

 

Vallée des temples Agrigente
Photo: Vallée des temples, Agrigente | ©Sortiraparis

 

De Catane à l’Etna en passant par Luigi Pirandello

Sicile Baroque et Rebelle s’articule en deux parties : d’une part, une vibrante fresque revenant sur l’histoire ancienne et contemporaine de l’île, et d’autre part, trois entretiens avec Jean-Yves Frétigné, Francesco Giambrone et Leoluca Orlando.

 

Luigi Pirandello
Photo : Luigi Pirandello (1867-1936), écrivain italien, poète, nouvelliste, romancier et dramaturge originaire d'Agrigente en Sicile 

 

Terre de culture, terre sauvage, la Sicile de Richard Heuzé est un espace tumultueux de plaisirs et un lieu habité d’une beauté ancestrale et colorée. Mettant en avant la culture, les traditions et l’art de vivre sicilien, l’ex-correspondant du Figaro évoque le renouveau que l’île méditerranéenne a expérimenté au sortir de sa lutte contre la mafia. C’est le portrait d’une île libérée de l’atmosphère lugubre qu’avait jeté sur elle Cosa Nostra.

 

mafia Cosa Nostra

 

Fort d’une civilisation millénaire n’ayant survécu que grâce à sa capacité à « assimiler » et digérer des siècles d’invasions, la Sicile est décrite comme étant un nerf névralgique de la construction européenne. C’est un véritable monument occidental, le témoin d’une histoire interconnectée s’inscrivant dans la longue tradition des échanges commerciaux et culturels inter-méditerranéens.

 

Palais des Normands à Palerme
Palais des Normands de Palerme | source : Wikipédia

 

« Cadavre exquis » et défaite de Cosa Nostra

Parler de la Sicile sans évoquer son douloureux passé contemporain mafieux serait lui faire outrage. Sicile Baroque et Rebelle nous apprend ainsi que la première apparition du terme « mafia » remonte à 1866, lors d’un rapport  officiel d’une commission parlementaire qui enquêtait sur l’insurrection de Palerme qui avait eu lieu à l’occasion de l’arrivée de Garibaldi, six ans plus tôt. Alors qu’il « ne signifiait rien de précis » au début selon les mots du chercheur Salvatire Lupo, il est devenu le symbole du crime organisé au XXème siècle. Organisation cruelle et meurtrière, Cosa Nostra s’est rendue coupable de nombreux méfaits au cours de ces tristes années de domination. Véritable « pieuvre » sanglante, la mafia Sicilienne fait de Palerme la capitale du crime pendant plusieurs décennies. Surnommé la Belva, le fauve en italien, son parrain, Toto Riina règne sans partage jusqu’à son arrestation en 1993, année charnière dans la lutte de l’État italien contre la mafia.

 

Entretien avec Richard Heuzé

LPRome : Pourriez-vous nous ébaucher la genèse de Sicile Baroque et Rebelle ? Comment est née le projet de cet ouvrage ?

RH : L’éditeur belge Nevicata est un spécialiste du voyage. Il m’avait commandé en 2017 un premier ouvrage sur l’Italie qui a été réédité en 2019 dans sa collection « l’âme des peuples ». Son approche consiste à mettre en valeur un territoire, une culture, des traditions, une manière de vivre en dépassant les clichés. Je n’ai pas écrit un guide touristique de la Sicile, mais un récit qui retrace l’expérience acquise au cours des nombreux reportages dans cette île au cours de mes 25 années de correspondance en Italie pour Le Figaro. J’ai eu un infini plaisir à reprendre mes notes et à les actualiser.

LPRome : Si Sicile Baroque et Rebelle n’est pas un guide touristique, alors de quoi s’agit-il exactement ?

RH : Il s’agit d’un marqueur très personnel, destiné à un voyageur curieux d’appréhender la Sicile d’aujourd’hui. On ne peut pas la comprendre sans se référer à son passé prestigieux, à l’histoire des civilisations qui se sont succédées les unes aux autres depuis la plus haute antiquité sans se détruire, mais toujours en s’ajoutant, s’enrichissant et se complétant : Athènes, Carthage, Byzance, les Romains, les Normands, puis les Angevins, les Bourbons d’Espagne, les Savoie et Garibaldi, l’éphémère Ordre Nouveau instauré par les fascistes et la sanguinaire mafia dont j’explique la défaite en interrogeant les acteurs qui la combattent avec courage et succès.

LPRome : Quels sont les objectifs de votre ouvrage ?

RH : J’ai voulu parler de ce renouveau de la Sicile très perceptible depuis quelques années, de cette atmosphère de liesse et de liberté retrouvée. On la ressent fortement à Palerme comme à Catane et dans cette merveilleuse Sicile baroque qui gravite autour de Raguse et Noto. Peut-être ne s’en est-on pas encore rendu compte, mais la Sicile n’est plus cette île lugubre, cloîtrée par la terreur répandue par Cosa Nostra pendant trente ans.

LPRome : Pourriez-vous nous décrire votre rapport à la Sicile ? D’où vous vient cette passion quasi romantique qui vous a poussé à écrire sur l’île ?

RH : C’est la région d’Italie que je préfère, peut-être parce que c’est celle que je connais le mieux.  À chacun de mes voyages, je ressens le même pincement, un mélange d’appréhension, de plaisir et de plénitude. J’aime la beauté de ses monuments, ses couleurs vives, ses odeurs fortes, l’animation de ses rues et de ses marchés, son exubérance, sa cuisine savoureuse, sa vie tumultueuse et sa lumière, vive, chaude, aveuglante. Une lumière que les peintres ont capté sur leur palette, Guttuso à Palerme, Guccione et « le groupe de Scicli ».

LPRome : À quelle difficulté majeure vous êtes-vous heurté au cours de la rédaction de votre livre ?

RH : Être clair, concis, précis dans les souvenirs et les évocations. Donner à voir, susciter l’envie de découvrir, partager mes impressions et mes coups de cœur. C’est difficile de décrire l’âme des Siciliens puisque tel est le nom de la collection de Nevicata. Le Sicilien ne se livre pas facilement. C’est un peuple prudent, méfiant, peu loquace, mais fidèle dans ses amitiés et ses promesses. J’ai choisi de le présenter à travers trois personnalités emblématiques : Jean-Yves Frétigné, un narrateur hors-pair des civilisations de la Sicile. Le Surintendant du théâtre Massimo de Palerme Francesco Giambrone. Et l’incontournable maire de Palerme Leoluca Orlando, artisan de son renouveau spectaculaire depuis qu’elle a été proclamée capitale italienne de la Culture en 2018. Aux côtés de tant d’autres, la photographe Letizia Battaglia, la metteuse en scène Emma Dante, l’éditeur Antonio Sellerio, l’historien de la mafia Salvatore Lupo, le galeriste Massimo Valsecchi qui vient de restaurer un joyau de Palerme, le palais Butera, et le chef étoilé Ciccio Sultano dont la cuisine fait découvrir un terroir toujours en mouvement.

LPRome : Pourriez-vous nous dire un mot sur l’éditeur Nevicata chez qui Sicile Baroque et Rebelle a été publié ?

RH : Fondé en 2008 à Bruxelles, Nevicata est né comme éditeur de livres de voyage avec l’ambition de faire découvrir et partager l’histoire, les mentalités et les émotions des pays et des villes qu’il propose de parcourir. Sa collection principale, « l’âme des peuples », comprend 67 titres dont les derniers parus portent sur la Mongolie, le Vietnam, le Valais et maintenant la Sicile. D’un format de poche facile à emporter avec soi, d’une couverture toujours très attrayante et colorée (orange pour la Sicile), elle se singularise par un graphisme très esthétique. Pour en rendre la lecture plus facile, chaque ouvrage est conçu sur le même modèle : un récit principal de l’auteur suivi de trois grandes interviews de personnalités de la politique, de l’université ou de la culture qui ont un rapport direct avec le sujet traité.

LPRome : Où peut-on trouver Sicile Baroque et Rebelle ?

RH : À Rome, « La Sicile baroque et rebelle » est en vente à la librairie Stendhal (Piazza San Luigi dei Francesi). Quand en janvier 2020, j’ai annoncé à sa Directrice, Marie-Ève Venturino, que je mettais en chantier un livre sur la Sicile, elle m’a immédiatement sorti de ses rayons une série d’ouvrages en français qui ont enrichi ma bibliographie. À commencer par la passionnante « Histoire de la Sicile des origines à nos jours » de l’historien Jean-Yves Frétigné que le lecteur retrouvera dans mon livre. Marie-Eve m’a invité à faire en septembre une présentation à la librairie Stendhal tandis que le Centre Culturel français de Palerme sous la direction d’Erice Biagi m’accueillera le 12 juillet, dans le cadre des festivités de Sainte Rosalie, la patronne de la ville. Enfin l’ouvrage se trouve dans les deux librairies italiennes de Paris, la « Libreria » rue du Fb. Poissonnière et la « Tour de Babel » rue du Roi de Sicile.

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