Édition internationale

Éléonore Caroit : « Défendre l’AEFE est une question personnelle »

En visite en Italie du 4 au 6 décembre 2025, la ministre déléguée auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée de la Francophonie, des Partenariats internationaux et des Français de l’étranger est notamment allée à la rencontre des élèves du Lycée français Chateaubriand à Rome. Alors que l’AEFE connaît une crise structurelle de son financement, Éléonore Caroit a répondu à nos questions en exclusivité. Au programme : restructuration de long terme, dialogue avec l’ensemble des acteurs et défense de l’accès au réseau pour les Français et Françaises de l’étranger.

Eléonore caroitEléonore caroit
Écrit par Maé Brault
Publié le 7 décembre 2025, mis à jour le 8 décembre 2025

Depuis son entrée au gouvernement Lecornu II, le 12 octobre 2025, la ministre déléguée de la Francophonie, des Partenariats internationaux et des Français de l'étranger multiplie les déplacements. Jeudi 4 décembre, Éléonore Caroit a participé à une table ronde au sommet du Grand Continent à Saint-Vincent dans la vallée d’Aoste, avant de rejoindre la capitale italienne. Vendredi 5 décembre, elle a visité une classe de CM1 et une classe de 4ème de l’établissement français Chateaubriand de Rome. Dans la matinée, la ministre déléguée a également échangé avec des parents d’élèves concernant l’épineux sujet de la réforme de l’AEFE. Lepetitjournal.com a pu lui poser des questions.

 

Vous avez-vous même fait votre scolarité dans le réseau des lycées français de l’étranger et avez montré à plusieurs reprises votre attachement au réseau. Mais face au problème structurel de financement du réseau de l’AEFE et dans un contexte de restriction budgétaire, comment espérez-vous pérenniser son financement sur le long terme ?


Je pense qu'il faut faire une réforme structurelle qui mette à plat les finances de l'AEFE pour lui permettre d'avoir une viabilité financière. Cela veut dire mettre fin à des situations dérogatoires qui font qu’aujourd'hui l'AEFE est débitrice de créances très importantes de nombreux établissements, qu'elle n’arrive pas recouvrer. On estime à un peu plus de 60 millions d'euros le montant de ces créances à travers le monde que l’AEFE devrait pouvoir recouvrer, mais qu’elle n'est pas en mesure de faire. 
Il y a aussi une question d'optimisation des moyens financiers. Aujourd’hui, 80 % de ses moyens financiers sont de la masse salariale. Il faut rationaliser un certain nombre de choix. Je donne l'exemple des aides à la scolarité ou les bourses scolaires qui sont examinées à la fois localement et à l'AEFE : il faut mettre fin à des procédures qui peuvent apparaître comme des doublons. 
Ensuite, il faut revoir le statut de certains établissements pour que ce que ça coûte à l'Agence, notamment en termes d'homologation, soit véritablement répercuté. 

La priorité doit être de permettre l'accès des Français et des Françaises à des établissements de scolarité française à l'étranger, chaque fois que cela est possible.

Ce qui est important pour moi, c'est qu'on garde en tête que la priorité doit être de permettre l'accès des Français et des Françaises à des établissements de scolarité française à l'étranger, chaque fois que cela est possible : il est nécessaire de maintenir ce rayonnement. Il faut vraiment mettre en œuvre un certain nombre de dispositifs, parfois de tarifs différentiels chaque fois que cela est possible, pour permettre aux Français, notamment les plus modestes, de scolariser leurs enfants, surtout quand ils n’ont pas accès aux bourses. Beaucoup sont « entre les deux » : ils ne remplissent pas tous les critères des bourses, mais ils n'ont pas non plus la possibilité financière de scolariser deux, trois ou plus enfants dans le réseau.  

Il y a un vrai attachement à ce réseau, et c'est comme ça d'ailleurs qu'on fait l'influence.

Cette réforme de l'AEFE va être définitivement mise en place avec tous les acteurs de l'écosystème que ce soient les professeurs, les représentants du personnel, les parents d'élèves, les parlementaires, les élus locaux, à travers leurs syndicats. Il y a un vrai attachement à ce réseau, et c'est ainsi d'ailleurs qu'on fait l’influence. Je veux permettre à toutes ces forces vives qui sont attachées à l’AEFE d'avoir aussi des marges de manœuvre pour pouvoir investir, pour pouvoir trouver des fonds y compris en créant des fondations. Pour pouvoir avoir une réforme efficace, il est extrêmement important de prendre en compte les spécificités et les besoins de chacun des établissements, les différences de statuts et les différences de régimes juridiques dans lesquels ils sont implantés.

 

éléonore caroit
De gauche à droite : la députée des Français de l’étranger Caroline Yadan, la ministre déléguée Éléonore Caroit, le proviseur Daniel Pestourie, l’enseigante de la classe.

 

 


Y aura-t-il un renforcement et une augmentation des bourses si les frais de scolarité augmentent ? 


Ce sont des arbitrages qui sont difficile d'annoncer aujourd'hui parce que le budget total de l'AEFE va dépendre des arbitrages budgétaires qui vont être faits au parlement par les parlementaires. Mon intention est de permettre à l’Agence de revenir à une situation d'équilibre, d'avoir aussi plus de marge de manœuvre financière. Et à côté de ça évidemment, de maintenir une enveloppe d'aide à la scolarité importante pour permettre de répondre aux besoins. Les besoins peuvent toutefois évoluer rapidement, - il suffit par exemple d’une crise politique dans un pays pour que plus de familles aient besoin de soutien à la scolarité. Il est donc nécessaire de garder un peu de flexibilité dans la façon dont cette enveloppe, qui est mondiale, est répartie à travers le monde. 

 

 

Le 18 décembre prochain le conseil d'administration de l'AEFE se réunit. Quelle sera la prochaine étape ? 


Le prochain conseil d'administration devrait largement entériner les décisions qui ont été votées lors du précédent. Ce sera aussi l'occasion de détailler la série de mesures annoncées le 27 novembre. Les étapes suivantes seront donc de lancer les principales orientations, inviter les parties prenantes à s'impliquer, non seulement dans la décision, mais aussi dans la mise en œuvre de ses choix qui passent par des modifications en matière de gouvernance, de finance et de réduction des situations dérogatoires. Pour la suite, nous allons présenter un calendrier – qui devrait être annoncé le 18 décembre – qui permettra de détailler plus précisément les différentes étapes de cette réforme structurelle. 

 

 

Quelle réponse apportez-vous aux familles inquiètes de la situation ? 


Avant d'être ministre des Français de l'étranger, avant même d'être députée des Français de l'étranger, je suis une Française de l'étranger, je suis une ancienne du réseau AEFE, une ancienne parent d'élèves du réseau AEFE. Pour moi, défendre ce réseau est une question personnelle. C’est aussi pour cela que j'ai la lucidité de me rendre compte que ce réseau a besoin d'une réforme en profondeur. On ne peut pas se contenter de petites mesures correctives d'année en année, on ne peut pas avoir un système qui est structurellement déficitaire ou dépendant d'une subvention qui est votée par le Parlement. C'est pour toutes ces raisons que j'ai à cœur de mener cette réforme ambitieuse, que je compte sur leur soutien, et surtout sur leur contribution exigeante pour mener cette réforme. 
Je proposerais chaque fois que c'est possible des droits différenciés pour permettre aux Français les plus modestes d'avoir accès au réseau, des formules innovantes pour permettre aussi de trouver des solutions lorsque les lycées sont en grande difficulté. Les familles trouveront toujours une oreille attentive, mais surtout une volonté d'action dans leur ministre des Français d’étranger. 

 

 

Et le plan de restructuration s'étalera sur combien d’années ?


J’aimerais que l’on ait pu mettre en œuvre les principales mesures de ce plan d’ici un an à 18 mois. Cela n’est pas évident dès lors qu’il s’agit d’une réforme profonde dont certains points ont trait à la masse salariale et à l'organisation. Ma volonté est toutefois d'aller rapidement car je pense qu’il ne faut pas laisser traîner une situation qui n'est pas souhaitable. 

 

 

Par ailleurs, votre déplacement à Rome, et notamment vos visites à la FAO et au FIDA, s’inscrivent dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme. Quel rôle la France et l’axe franco-italien ont à jouer dans ce paysage mondial fragmenté ?


Je suis ici pour défendre le multilatéralisme et un agenda qui est ambitieux en matière de partenariats internationaux, d'investissement durable et en matière de santé, parce que la France va accueillir à Lyon, le 7 avril prochain, le sommet One Health et que la France va avoir la présidence du G7 l'année prochaine. Ce seront des occasions, en particulier pour la présidence du G7, de pouvoir porter et mettre en œuvre l'agenda de transformation de toute l'architecture du financement du développement, qui vise à ne pas opposer développement économique avec action climatique et durabilité. C'est un agenda qui passe par toutes les organisations onusiennes, je suis là afin d’expliquer ce que la France va faire et renforcer notre relation bilatérale. J’ai une rencontre avec mon homologue, le vice-ministre en charge du développement. Nos deux pays sont unis par le traité du Quirinal et partagent une coopération renforcée. L’objectif est de voir comment la France peut embarquer l’Italie dans cet agenda multilatéral.

 

Visite de la ministre Éléonore Caroit, en Italie

La ministre s’est entretenue avec les dirigeants des agences onusiennes dans un contexte de remise en cause du multilatéralisme : l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM), dans le prolongement du Sommet Nutrition pour la Croissance que la France a accueillie en mars à Paris et en préparation du Sommet « Une seule santé » qui se tiendra à Lyon en 2026.
La ministre a également rencontré son homologue italien le vice-ministre des Affaires étrangères Edmondo CIRIELLI en charge de la politique de développement, afin de travailler sur nos priorités communes et sur la politique d’action extérieure de l’UE. 
Enfin, comme lors de chacun de ses déplacements, la ministre est allée à la rencontre des Français vivant à Rome, se rendant notamment au Lycée français Chateaubriand de Rome. Elle s’est entretenue également avec les experts Français exerçant dans les agences onusiennes. Elle a rencontré notamment les experts techniques internationaux (ETI) établis à Rome ainsi que les jeunes experts associés (JEA) et les agents mis à disposition.
Dans le cadre du Sommet du Grand Continent 2025 qui réunit plus de 180 acteurs internationaux, la ministre a participé à une table ronde sur les financements durables.

 

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos