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Nathalie Loiseau : "Nous avons plus que jamais besoin de l'Italie"

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Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes, a donné une conférence à la Bocconi à Milan / S.Her
Écrit par Sophie Her
Publié le 19 mars 2018, mis à jour le 19 mars 2018

Au lendemain de la présentation au gouvernement français de son projet des consultations citoyennes, Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, donnait jeudi dernier une conférence à la Bocconi sur la refondation de l’Europe.

C’est devant un amphithéâtre complet que l’ancienne directrice de l’ENA, Nathalie Loiseau, s’est exprimée sur la refondation de l’Europe jeudi 15 mars à l’Université de la Bocconi de Milan dont la première population d’étudiants étrangers est française. Un calendrier parfait, deux semaines à peine après les élections législatives italiennes qui laissent les européistes dans une grande perplexité face à cette nouvelle situation d’instabilité politique dans la Péninsule. Organisée par le recteur de l’école de droit de la Bocconi, Stefano Liebman et Laurent Mandrieux, directeur du LLMaster et par ailleurs professeur en propriété intellectuelle, la conférence a réuni près de 200 personnes parmi lesquelles des universitaires, des patrons de grandes entreprises mais aussi de grands cabinets d’avocats milanais. Le Consul général de France à Milan, Cyrille Rogeau, était également présent.

Un discours européen fort sans grand commentaire sur le scrutin italien

Alors que le scrutin italien du 4 mars a fait émerger des urnes la victoire d’un ensemble hybride composé des populistes du Mouvement 5 étoiles et des souverainistes de La Ligue du Nord, la position européenne de l’Italie est bien fragile. Difficile en effet dans ce contexte d’imaginer une coalition européiste, contrairement à l’Allemagne. En votant ces deux forces antisystème, l’électorat a reconduit le pays dans une nouvelle forme de bipolarité qui ne permet pas la formation d’un gouvernement majoritaire. Charge donc au président de la République italienne, Sergio Mattarella d’en décider.

De tout cela, peu de mots de la part de la ministre qui a lancé avec force un appel sur la nécessité d’avoir les Italiens avec la France et l’Allemagne pour la reformation de l’Europe. « Nous avons plus que jamais besoin de l'Italie avec le Brexit. La voix de l'Italie doit être écoutée ». Une position qui s’inscrit dans la mouvance des relations franco-italiennes qui se concrétisera cet automne par la signature du Traité du Quirinal, un accord bilatéral entre la France et l’Italie comparable au Traité de l’Élysée signé entre la France et l’Allemagne en 1963. « L'objectif du traité du Quirinal est de donner une forme politique nouvelle à notre relation avec l'Italie comme nous l'avons fait avec l'Allemagne », avait alors déclaré Emmanuel Macron en septembre dernier à Lyon lors du 34e sommet franco-italien. Pour Pauline, étudiante à HEC en échange Erasmus : « Nathalie Loiseau est dans la juste continuité d’Emmanuel Macron. Elle a rappelé le besoin de solidité dans le couple franco-allemand. Mais il est sûr que le résultat des élections italiennes est un revers pour Emmanuel Macron qui ne va pas forcément le servir dans sa politique européenne », a-t-elle commenté.

Interpelée par un étudiant sur ses convictions européennes dans un contexte de globalisation, Nathalie Loiseau a fait valoir la force que représente un marché de 450 millions de personnes. Pour elle, « la globalisation est un fait, ce n’est pas une idée. L’Europe est le seul endroit au monde où l’on met en avant la liberté, l’entreprenariat et l’égalité sociale. On ne peut pas revenir en arrière mais pour autant on peut se battre » précise-t-elle, consciente de la nécessité de plus de coordination et de coopération au sein de l’Union européenne. « Aujourd'hui si on veut avancer en Europe, il faut laisser les avant-gardes progresser et ne pas forcer ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas aller de l'avant. L'Europe à plusieurs vitesses existe déjà ! »

« De nombreux citoyens européens souhaitent plus d’échange. On se doit de les écouter »

La veille, Nathalie Loiseau présentait en Conseil des ministres son projet de consultations citoyennes sur l’Europe. Une proposition fermement défendue par Emmanuel Macron dont elle assurera le pilotage et la coordination avec les Etats membres participants. Ces concertations se dérouleront sous forme de débats et de consultations en ligne d'avril à octobre de sorte à garantir des restitutions au Conseil économique, social et environnemental (CESE) en novembre et présenter les contributions lors du Conseil européen de décembre.

Sur le papier, tout le monde pourra organiser un événement à condition de s’engager au pluralisme, à la transparence et à la restitution : les élus, les associations, les entreprises et tous les citoyens sans différence d’âge, de genre, de profession ou de provenance géographique. Une façon de recueillir les attentes des citoyens européens et de les intégrer dans le projet de refondation de l'Union européenne. Car pour elle, si les Européens ne participent pas à la vie politique « c’est parce que les questions qu’on leur pose sont trop complexes. Je pense qu’on doit revoir l’approche notamment sur ce qu’est la politique et l’Europe. » Une position plus modérée pour Giacomo, doctorant de droit européen à l’Université de la Bocconi : « Les concertations citoyennes sont à mon avis une idée très innovante. Je suis un peu pessimiste suite aux résultats des élections italiennes. J’espère que le discours changera et que l’Europe ne sera pas qu’un instrument ». Pour Théo, étudiant à l’IESEG en échange Erasmus : « J’ai voté Macron dans l’espoir d’une Europe plus forte. L’intervention de la ministre me conforte dans mon choix. Pour moi, les sondages ne signifient pas grand chose. Le projet des concertations citoyennes est une bonne idée car elles impliquent tous les acteurs de la société civile. Reste à voir comment elles seront concrètement mises en place. »

Évoquant des dossiers de politique internationale comme la Syrie, la Russie ou encore l’Afrique, Nathalie Loiseau rappelle là aussi la nécessité de la refondation de l’Europe pour notamment plus de solidarité et de coordination. « Les défis auxquels nous sommes confrontés se moquent des frontières. Pour y répondre l'Europe doit se réformer, mieux protéger ses citoyens dans la mondialisation. »

Porteur d’une ambition forte pour une Europe souveraine et démocratique, Emmanuel Macron a en effet soumis de nombreuses propositions pour la refondation de l’Europe. Sa proposition des listes transnationales pour les élections au Parlement européen de 2019 a cependant été rejetée par les eurodéputés le 7 février dernier.

Satisfaite de pouvoir intervenir à la Bocconi, notamment devant des étudiants, Nathalie Loiseau poursuivait le lendemain sa visite en Italie où elle rencontrait à Parme l’Autorité européenne de sécurité alimentaire.

 

Sophie Her
Publié le 19 mars 2018, mis à jour le 19 mars 2018

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