Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Italie : La transition numérique de la justice accélérée par la crise

justice numérique italiejustice numérique italie
@pixabay
Écrit par Pirola Pennuto Zei & Associati
Publié le 8 juin 2020, mis à jour le 9 juin 2020

A quelque chose malheur est bon… Il aura fallu la pandémie Covid-19 pour accélérer le processus de transition numérique des juridictions italiennes. Et peut-être plus forte que le virus sera la menace de la Commission Européenne de ne pas accorder à l’Italie les aides prévues par le Recovery Fund et le MES à défaut d’une réforme globale des procédures civiles et pénales pour en réduire la durée qui, par rapport aux autres Etats de l’Union, apparaît encore exorbitante (4 voire 5 années en moyenne pour mettre fin à un procès civil seulement de premier degré).

L’ère numérique de la justice italienne avait déjà commencé à la suite de l’entrée en vigueur du Décret-Loi n. 90/2014 qui a rendu obligatoire le procès civil électronique depuis le 30 juin 2014, soit le dépôt électronique, par le biais du portail « Consolle Avvocati », de tout acte et pièce de la part des avocats des parties constituées dans le cadre d’un contentieux civil ou d’une procédure de juridiction volontaire, ainsi que des demandes finalisées à obtenir l’émission d’une ordonnance d’injonction de payer.

Cela a représenté un changement radical dans l’administration de la justice et l’organisation interne des différentes juridictions qui a consenti non seulement aux avocats d’éviter des queues parfois kilométriques pour déposer leurs actes auprès des Greffes, et retirer ceux déposés par les parties adverses ou les décisions prononcées par le Juge au cours de la procédure, mais également de rendre plus efficace la gestion du dossier de la part de celui-ci. A cela s’ajoute la réduction importante des coûts liés au personnel qui était employé dans les tribunaux et qui, tout d’un coup, a été remplacé par les ordinateurs.
 
Or, le « lockdown » décidé par le gouvernement italien pour limiter la diffusion de la pandémie provoquée par le Covid-19 a entrainé une accélération de la transition numérique de la justice. A la clé : l’instauration sur tout le territoire national de l’administration de la justice à distance pour certains types de contentieux pour lesquels la présence des parties n’est pas indispensable, forçant ainsi les avocats (et surtout les magistrats) encore réticents, à devenir de véritables opérateurs de justice numérique.

 

Audiences par visoconférence

En particulier, dans le secteur civil, l’art. 83 du Décret-Loi n. 18/2020 (« Decreto Cura Italia »), après avoir prévu la suspension des délais concernant les procédures en cours et le renvoi des audiences déjà fixées à une date postérieure au 15/04/2020 (ensuite prorogée au 11/05/2020 par le « Decreto Liquidità »), a attribué aux Responsables des Bureaux Judiciaires la faculté d’adopter des protocoles réglementant, jusqu’au 30/06/2020, le déroulement des audiences pour lesquelles la présence physique des personnes autres que les parties et leurs conseils n’est pas nécessaire (i) soit par le bais de systèmes de connexion à distance indiqués par le Directeur Général des Systèmes informatiques du Ministère de la Justice (notamment les portails « Skype for Business » ou « Teams ») (ii) soit par le dépôt électronique de notes synthétiques contenant les demandes que les parties auraient formulées à l’audience et l’adoption ensuite de la décision du Juge sans besoin d’instaurer préalablement un véritable contradictoire présentiel.  

La possibilité de tenir les audiences par visioconférence a été également étendue - toujours jusqu’au 30/06/2020 - aux procédures pénales, au cas où l’inculpé se trouverait dans un centre de détention ou en détention provisoire.

Même les procédures de règlement alternatif des litiges (ADR) n’ont pas été dispensées du respect de la règle des réunions à distance au vu des risques de contamination encore en cours. La loi de conversion du « Decreto Cura Italia » (Loi n. 27/2020) a ainsi introduit la possibilité d’organiser une médiation « électronique » avec l’accord de toutes les parties et ce même au-delà de la fin de la période d’urgence sanitaire (actuellement fixée au 31/07/2020), l’avocat pouvant authentifier - par sa signature numérique - la signature de son propre client connecté dans un autre endroit et apposée sur le procès-verbal de conciliation en cas d’issue positive de la médiation.

Il apparait cependant que la majorité des magistrats est contraire à la tenue des audiences à distance. Selon eux, le débat contradictoire présentiel qui s’instaure dans la salle d’audience ne peut pas être remplacé par une chambre virtuelle à cause du risque d’interruption de la connexion (et donc du blocage de l’audience), de violation de la confidentialité (des tiers pourraient être présents, sans apparaître sur la vidéo, à l’endroit où sont connectées les parties et/ou leurs conseils et entrer donc en possession d’informations confidentielles concernant le dossier) et d’éventuels attaques de la part de pirates informatiques (qui pourraient s’introduire dans la salle d’audience virtuelle et voler des données personnelles protégées par la loi).

Mais le défi à poser aux détracteurs du procès numérique n’est-il pas celui du nécessaire arbitrage entre risque sanitaire et risque de déni de justice et de l’équilibre difficile à trouver entre les contraintes légitimes de sécurité sanitaire, comportant le risque de voir perdurer les mesures de distanciation sociale et le droit tout aussi légitime à la continuité du fonctionnement de la justice.

 

justice italienne


 
En collaboration avec Manuela Molinari, avocat au barreau de Milan – Pirola Pennuto Zei & Associati

 

Sujets du moment

Flash infos