De la Vallée d’Aoste au Piémont, quelque 70 trésors cachés sont visitables gratuitement grâce à l’App «Chiese a porte aperte». Une initiative unique en Europe, qui tend à se développer à travers l’Italie.


Le silence règne sur la colline du petit village de Montiglio, au cœur des doux paysages piémontais du Monferrato. Au sommet, l’église de San Lorenzo, datant du Xe siècle, surgit au milieu des cerisiers. Pour y accéder, le téléphone fait office de clé digitale, via l’innovante App « Chiese a porte aperte » (Eglises à portes ouvertes, en français). Une technologie qui non seulement ouvre les portes à un patrimoine artistique caché, mais en dévoile aussi l’histoire. A l’intérieur du lieu sacré, un havre de paix balayé par les rayons de soleil, une voix s’enclenche automatiquement. Ici, le narrateur est le sculpteur du lieu. Il guide le visiteur à travers un récit envoûtant fait de son et de lumière.
Unique en Europe, le projet Chiese a porte aperte naît pour donner une nouvelle vie à des églises souvent fermées, pour la plupart isolées.
« L'idée est née du désir de rendre accessibles les biens ecclésiastiques situés en dehors des villes, mais qui conservent de véritables chefs-d'œuvre d'art. Ces lieux connaissent généralement peu de visiteurs, des horaires irréguliers et des ressources limitées. La technologie permet à chacun d'entrer, en toute autonomie, d'écouter, d’admirer et de comprendre », explique Roberto Canu, coordinateur du système Chiese a porte aperte.

Une visite sensorielle
Après avoir téléchargé gratuitement l’application, il suffit de choisir l’église de son choix, et de réserver un horaire. A l’entrée du lieu, un QR code invite le visiteur à débloquer la porte. A l’intérieur, la narration s’enclenche dans la langue de son choix (italien, français ou anglais pour l’instant). Une musique envoûtante et un récit simple, illuminé par un jeu de lumière identifiant les fresques, les sculptures et autres détails à admirer, accompagnent le spectateur à vivre le lieu.
L’histoire est racontée à la première personne. C’est ainsi que le peintre Guiglielmetto accueille et invite à la découverte des magnifiques fresques décorant la petite église de San Sebastiano (XVe siècle), nichée à Pecetto Torinese sur les collines autour de Turin. Ou encore, que Saint Pons raconte les éléments de fresques préservés depuis le VIIIe siècle dans la chapelle qui porte son nom, San Ponzio, au cœur de la campagne des Langue, à Monticelli d’Alba.
« Nous voulions éviter la solitude technologique, c'est pourquoi nous n'utilisons pas d'écouteurs. La narration est diffusée dans le lieu, pour être écoutée ensemble », ajoute Roberto Canu.
Une communauté bienveillante
Si la technologie est l’actrice principale, le projet vit grâce aux volontaires, véritables voix du territoire.
« Seules les églises entourées d’une communauté bienveillante sont ouvertes. Le projet repose sur la présence de personnes réelles qui nous aident, signalent d’éventuels dysfonctionnements, nous racontent des histoires locales sur lesquelles construire nos récits », explique Roberto Canu. Ce sont aussi des volontaires disponibles pour venir à la rencontre des visiteurs, à l’instar de Francesco, 86 ans, ancien dirigeant chez Fiat où il fait sa carrière. « L'application nous aide, mais je suis toujours disponible si besoin. J’aime accueillir les personnes, voir les touristes qui arrivent parfois de loin pour découvrir notre petite église. C’est ma façon de donner », raconte le volontaire passionné de Montiglio Monferrato.

Plus de 70 lieux culturels à découvrir
Conçu par la Fondazione CRT et Consulta Regionale des Biens culturels ecclésiastiques, réalisé avec le soutien de la Région du Piémont, le projet compte aujourd’hui plus de 70 lieux entre le Piémont et la Vallée d’Aoste. Et à l’horizon 2026, le Latium, l’Ombrie et la Lombardie s’apprêtent également à ouvrir les portes de lieux artistiques méconnus. Fort de son succès – plus de 1000 visites par mois – le projet aspire à se diversifier sur l’ensemble du territoire. En plus des églises, deux tours médiévales situées dans les Langhe ont déjà intégré le circuit.
« Nous travaillons également sur l’ouverture de moulins, de parcs archéologiques, des lieux de mémoire appelés à vivre », ajoute Roberto Canu. Un projet voué à se transformer de Chiese a porte aperte en « Culture à portes ouvertes ».
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