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Le nouveau Corto Maltese à la Libreria Stendhal : Un mythe réactualisé

La bande-dessinée de Corto Maltese projetée dans la librairieLa bande-dessinée de Corto Maltese projetée dans la librairie
Écrit par Simon Deniaud
Publié le 2 novembre 2021, mis à jour le 2 novembre 2021

Ce samedi 30 octobre 2021, la Libreria Stendhal accueillait Bastien Vivès et Martin Quenehen, respectivement dessinateur et scénariste du nouvel opus de la bande dessinée Corto Maltese, Océan Noir. Le Petit Journal de Rome était présent et vous propose de revenir sur cette soirée.

 

Ces dernières années, le duo espagnol Juan Diaz Canales et Ruben Pellejero s’étaient déjà attelés à remettre sur planche le héros amoral préféré de BD en France comme en Italie, égérie de la littérature dessinée. A de multiples reprises d'ailleurs, les deux auteurs ont indiqué avoir opté pour le symbole de la sensualité, du désir, vu comme cette image rêvée de l’homme Hugo Pratt, par Hugo Pratt, pour représenter le héros intemporel.
 

soirée Corto Maltese Librairie


Océan Noir, une réappropriation de Corto Maltese

Cette nouvelle bande dessinée, Océan Noir, est évidemment bien différente de ce que faisait Hugo Pratt, mais force est de reconnaître en toute objectivité que le contrat a été rempli avec brio, dans la mesure de ce qu’on pouvait attendre. On découvre avec plaisir le travail soigné produit autour du dessin, un rendu assez uni qui rappelle la palette d’Hugo Pratt, les dialogues et le scénario eux-mêmes sont par beaucoup d’aspects très proches de ce que l’on souhaite d’un tel retour sur le rythme très caractéristique de Pratt. Le dessin fait évidemment la part belle à l’interprétation, et l’on s’éloigne plus que dans le cas de Pellejero du trait original. 

 

De manière subjective chacun y trouvera à redire avec plus ou moins de pertinence. Certains aspects propres à Hugo Pratt, comme la réserve, le toucher, la suggestion, l’onirisme et le rêve, et la peinture des paysages, la contemplation, la représentation mystique et la délicatesse de Pratt dans l’art de suggérer les émotions, ne sont pas toujours présents dans Océan Noir. Mais le dynamisme, le rythme, la plupart des dialogues et des scènes expriment un travail laborieux et ambitieux. 

 

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On évitera de trop gâcher le plaisir, en révélant les arcanes, et les éléments de l’histoire, mais l’on remarque qu’un choix fort est finalement l’aspect le plus réussi de cette reprise, que l’on ne cachera pas. Corto Maltese est enfin transplanté de son XXe siècle aux carrefours de l’humanité et au coeur d’une société modernisée, mondialisée et encore vaporeuse et mystérieuse sur ses abords, dans ce XXIe siècle que l’on connaît mieux. Choix ambitieux donc, et les auteurs se sont aussi penchés sur cette question ainsi que sur le statut de la piraterie, de l’aventure, ces thèmes qui unissent au monde Corto Maltese.

 

Retour sur la soirée du 30 octobre

Samedi, la Libreria Stendhal était plongée dans une atmosphère particulièrement attentive, ce qui rappelle, s’il en est besoin, la célébrité du personnage de fiction, et par la même occasion, la témérité d’une telle démarche. Mais le public apparaît réceptif et charmé par cette adaptation que la plupart a lu. 

Les deux auteurs ont d’abord une approche très différente de ce la BD elle-même : Quenehen en est lecteur assidu depuis l’adolescence, tandis que Bastien Vivès révèle qu’il a mis beaucoup de temps avant d’aimer Corto Maltese. Il aborde notamment la collaboration de Pratt avec Manara (Un été indien), et ses discussions avec Quenehen, comme des déclencheurs d’un intérêt nouveau. Ainsi si Bastien Vivès est interrogé sur les aspects techniques de la réappropriation du personnage, le scénariste, lui, répondra principalement aux questions qui concernent le mythe de Corto Maltese en lui-même.

 

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Le début de la conférence est très marquée par l’aspect de ce personnage, qu’on aimerait être et que chacun pourrait chercher à s’approprier. Bastien Vivès revient à plusieurs reprises sur cet aspect d’identification, qui a marqué son travail, et sur la recherche du désir à travers le dessin. Quenehen s’attache à rappeler les niveaux de lectures divers, qui permettent de relire Corto Maltese de nombreuses fois, en comprenant à chaque fois quelque chose de différent.

L'un des intérêts de ce dialogue était de se poser la question de cette présence que Corto pouvait avoir à une ère où l’aventure paraît lointaine, où la piraterie, disent-il est toujours considérée comme un fléau. Comment alors percevoir ce gentilhomme de fortune ? Lui qui ouvre le bal dans cet habit ambigu qui ne fait pas le Moine. Et c’est bien ainsi que l’on peut réactualiser les mythes, qui se révèlent comme neufs chaque fois qu’ils sont répétés, car c’est ainsi que le sacré se renouvelle dirait Mircea Eliade.

Belle réussite aussi pour la librairie qui affichait comble, et l’on ne pourrait dire à quel point il est agréable de revoir un tel lieu de vie si animé, surtout lorsque l’union paraît aussi unanime et tacite autour d’un sujet dont on sent bien que beaucoup pourraient s’attacher à évoquer une nuit entière.

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