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Minute franco-italienne : Un morpion sur la citrouille

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Écrit par Françoise Danflous
Publié le 3 novembre 2020, mis à jour le 3 novembre 2020

Nouveau voyage linguistique entre la France et l’Italie, à l’encontre du « morpion » cette fois, et de ses curieuses correspondances en français et en italien. Surprenant !

Un beau, gras et noirissime morpion pour Halloween, ça changerait des sempiternels araignées, mille-pattes et vilaines mouches qu'on nous sert depuis des lustres. Surtout que, moche et méchant comme il est, il aurait vite sa place à la fête.

Ce que le mot « morpion » nous montre d'abord, c'est un mor antipathique mais sans histoire, naturellement venu de « mordre », planter ses crocs dans la chair fraîche et les esprits, à la manière du crotale, du froid et de la malveillance. Logique, c'est la grande occupation de l'animal. Mais l'italien, en bon esthète, en saisit de prime abord la laideur, non la morsure, le nommant « piattola », raccourci pour « blatta » (« blatte ») et « piatto » (« plat ») ; un cafard aplati, tout pour plaire.
Notre bestiole ne pouvant être que mal accompagnée, elle se propose toujours avec deux acolytes, l'un détestable, l'autre encore pire. Un enfant très peste et importun (ce que désigne figurément le « morpion » français) et un personnage aux manières insistantes et déplacées (la « piattola » des Italiens). Peut-être les mêmes individus, pris à des âges différents de l'un et l'autre côté de la frontière. Et quelque chose qui, à l'entendre, ressemblerait au mot « morpion » ?
C'est ici et par un curieux retour de correspondances qu'un « marpione » italien nous en renvoie l'écho, désignant familièrement une créature fourbe et perfide qui aime agir loin du regard, exactement comme l'animal qui lui prête son nom. Le marmot, le pot de colle et le retors : trois nouvelles panoplies pour Halloween !

Ne croyons pas pour autant que, à l'image de l'animal, le « morpion » soit tout le temps cramponné à nous. Le mot qui le désigne porte en lui une foule de gens remuants et de grands territoires. En effet, le mor-pion dit littéralement qu'il mord le soldat, « pion » désignant le fantassin envoyé à la conquête du monde par troupes et à pied, qui donna, on le voit vite, le « pionnier » (« pioniere » en italien), infatigable défricheur de Far West.

Eh oui. À l'encontre de l'insecte qu'il désigne et s'attache là où l'on sait, son mot nous emporte jusqu'aux rives opposées de l'Océan où il nous invite à connaître le verbe de sa famille. Car au Québec, une migraine peut « morpionner » une soirée (comprenons: la pourrir) ou le temps s'ennuager, « se morpionner » (se gâter).  Mais tiens, au fait, si on fouille un peu, l'italien de la rue et des plus jeunes n'a-t-il pas aussi son rare mais néanmoins tout vivant « marpionare » pour désigner une tentative importune de séduction et nous gâcher à son tour bien des moments?
Alors, on le pose ce petit morpion plein de désobligeances sur la cucurbitacée la plus rondouillarde d'Halloween ?

 

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