Françoise Danflous, lexicographe, nous offre une échappée linguistique franco-italienne. Pour ce premier rendez-vous, découvrons l’entrée de la focaccia dans le dictionnaire, qui porte en elle une petite révolution.
Pas facile de faire entrer une focaccia tout entière entre les pages d’un dictionnaire, vous pensez bien. Et pourtant, c’est le tour que réussirent les petits Larousse et Robert il n’y a pas si longtemps. Une véritable et goûteuse focaccia italienne, « pain plat à croûte fine, parfumé à l’huile d’olive et aux herbes aromatiques (sauge, romarin), parfois agrémenté de jambon, de tomates », sans la moindre modification orthographique (on lui a laissé son -a final) ou phonétique (elle garde aussi ses cc).
Un sort que ne connurent pas quelques années auparavant la « cassata », qui fut d’emblée francisée en cassate, ni le célébrissime ciao arrivé sous la double forme, bien rassurante à nos oreilles hexagonales, de ciao et tchao. La focaccia du dictionnaire (même si elle se prononce focaccià) porte en elle une petite révolution. Elle montre que, de nos jours, un mot étranger entré dans l’usage – et l’on sait combien la focaccia est dans l’air du temps de nos assiettes quotidiennes – peut circuler librement dans la langue française puis être adopté à tous les égards possibles. Bref, la tendance n’est plus à estropier le mot venu d’ailleurs pour lui donner des allures francophones (exception faite du pluriel focaccias), à l’encadrer de guillemets ou à l’écrire en italique pour en signaler l’étrangeté. Eh oui, on peut désormais manger une belle et bonne focaccia en français ! C’est ainsi qu’une langue vit et bouge et s’enrichit. Burrata et ciabatta ont fait le même voyage quelques mois plus tôt – la piadina attend son tour en salle d’embarquement.
Petit secret, c’est justement parce que les mots focaccia, burrata et ciabatta figurent dans le Larousse qu’ils ont été admis par la fédération internationale de Scrabble francophone. Raison de plus pour applaudir !