Édition internationale

Pierric Bonnard (Business France) : « Rapprocher les écosystèmes franco-italiens »

L’attractivité du marché italien pour les entreprises françaises s’affirme, et inversement. Pour en parler, rencontre avec Pierric Bonnard, directeur régional de Business France pour la zone Europe du Sud depuis près d’un an.

Pierric BonnardPierric Bonnard
Pierric Bonnard, directeur régional de Business France pour la zone Europe du Sud
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 24 juin 2025, mis à jour le 25 juin 2025

Quel parcours vous a conduit en Italie, à la tête de Business France pour la zone Europe du Sud ?

Je suis arrivé à Milan en septembre dernier, dans une fonction régionale, pour la zone Europe du Sud chez Business France, soit 11 pays entre l’Espagne, le Portugal, la Grèce, Chypre, Malte et les Balkans occidentaux.

Mon parcours a toujours été axé sur le développement international de l’économie française. J’ai commencé ma carrière comme attaché scientifique dans une ambassade en Finlande - où j’ai pris le virus de l’international -, d’abord dans des postes axés dans la coopération technique puis désormais plus résolument dans une posture d’internationalisation de l’économie française. Des missions que j’ai exercé à Paris, à deux reprises au Royaume-Uni, pendant sept ans aux Etats-Unis et deux ans en Russie.

 

Concernant l’Italie, l’une des missions de Business France est centrée sur les nouveaux entrants sur le marché italien. Quelle est la réponse des entreprises françaises ?

Notre objectif est en effet de donner l’envie d’Italie à des entreprises françaises qui n’ont pas forcément ce marché dans leur priorité, puis on les aide à s’implanter. Business France peut se définir comme « passeur transalpin ».

Si l’Italie est le deuxième partenaire économique de la France, en termes de flux, étonnement, le pays ne fait pas partie des priorités des entreprises françaises se lançant à l’international. Elles investissent principalement en Allemagne, de plus en plus en Espagne, puis dans des pays frontaliers francophones comme la Belgique et la Suisse. L’Italie s’assure une place dans le top 5, mais elle vient seulement après.

Notre objectif est de faire remonter le pays dans ce classement, d’autant que le moment est opportun pour venir en Italie.

 

Pourquoi l’Italie est-elle attractive aujourd’hui, pour des entreprises françaises ?

Il y a d’abord un attrait conjoncturel et macro-économique : l’économie italienne est en bonne santé. Le pays se porte de mieux en mieux et il est bien sûr plus souhaitable de rentrer sur un marché en croissance.
En tant que pays membre de l’Union européenne et pays frontalier, la proximité géographique est un autre atout considérable.
Il existe aussi l’attrait de la proximité culturelle, avec des modes de consommation proches.

Par ailleurs, l’Italie est un pays qui investit beaucoup aujourd’hui, grâce notamment aux fonds du PNRR (Plan National de Relance et de Résilience). Le pays est en chantier, les infrastructures sont mises à jour, modernisées. Ce sont autant d’opportunités pour les entreprises françaises.

Au niveau sectoriel, l’Italie représente aussi une opportunité pour certains grands acteurs industriels français dans plusieurs domaines : dans le nucléaire par exemple, avec le regain d’intérêt de l’Italie pour l’énergie nucléaire ou encore dans les biens d’équipement grâce à la volonté d’expansion du ferroviaire italien.

 

Aujourd’hui, où se trouvent principalement les entreprises françaises en Italie ?

On compte 2.300 entreprises françaises implantées en Italie, parmi lesquelles les grands acteurs économiques français ainsi qu’un tissu de PME.
Géographiquement, elles se concentrent principalement dans le Nord de la Péninsule, et notamment en Lombardie dont la majorité dans la Province de Milan. Suit la région du Piémont avec le pôle de Turin, avec des entreprises comme Michelin, L’Oréal et Alstom. Le Latium arrive en 3ème position avec 10% environ des entreprises françaises (principalement les services, mais aussi le luxe, la défense…). Suivent l’Emilie-Romagne (biens d’équipement et de consommation en particulier), la Vénétie (luxe), la Toscane (luxe et transports).

Il est intéressant de noter qu’un intérêt pour le Mezzogiorno se développe, motivé par une politique italienne qui se veut attractive grâce à un arsenal de mesures incitatives visant à encourager les entreprises à s’établir dans la région. Et c’est un message entendu par les entrepreneurs français.

D’autant qu’aujourd’hui, le Sud croît plus vite que le Nord, alors que sa croissance était avant deux fois plus faible. La courbe s’est inversée, un rééquilibrage s’opère.

 

Le V.I.E (Volontariat international en entreprise), dont s’occupe Business France, est un autre thermomètre permettant de mesurer l’action des entreprises françaises à l’étranger. A-t-il du succès en Italie ?

L’activité est en croissance : on compte aujourd’hui 425 V.I.E. en poste dans près de 200 filiales d’entreprises françaises en Italie ; il n’y en a jamais eu autant.
Autre singularité de l’Italie : beaucoup de jeunes italiens font des V.I.E., environ 250, dans des filiales françaises dans le monde. Cela est très positif car ce sont des jeunes talents italiens qui font leurs armes à l’international dans un environnement français, ce qui nourrit la relation transalpine sur le long terme.
 

On voit un intérêt des Italiens pour la France comme terre d’investissements, qui ne faiblit pas et qui a vocation à augmenter.

Cette année, quatre projets italiens majeurs ont été annoncés lors du sommet Choose France 2025, organisé en mai dernier. Dans quelle mesure le marché français attire-t-il les entreprises italiennes ?

Dans le cadre de notre mission, qui est de concourir à l’accélération de l’économie française, Business France œuvre pour faire venir les entreprises italiennes sur le marché français, les inciter, mais aussi accompagner celles qui ont déjà pris la décision de s’y établir.

Et nous sommes ravis de voir, d’année après année, que cet engouement a vocation à augmenter. On compte entre 120 et 150 décisions d’investissements italiens en France tous les ans, dans des domaines très divers : l’agroalimentaire avec des groupes comme Ferrero, dans le transport avec par exemple Ferrovie dello Stato, dans le nucléaire avec Newcleo, le luxe avec HModa…

En 2024, l’Italie a confirmé sa position parmi les cinq premiers investisseurs dans l’hexagone.

On note ainsi une forme de rééquilibrage des volumes d’investissements entre ce que la France a pu faire en Italie et ce que l’Italie fait aujourd’hui en France. Le nombre d’entreprises est d’ailleurs plus ou moins égal : 2.300 entreprises françaises en Italie et 2.000 entreprises italiennes en France.

C’est intéressant car pendant longtemps, l’asymétrie perçue des investissements était un sujet de rivalité transalpine.

 

De manière plus générale, quelle est l’image de la France, en termes d’attractivité ?

La France a essayé et réussi à améliorer son image à l’international en termes d’attractivité dans bien des domaines, avec des initiatives comme Choose France, le sommet de l’IA en février dernier, Viva Tech en juin qui est devenu le grand rendez-vous européen de la tech ou encore le salon du Bourget. Sur ces évènements, l’ensemble du dispositif Business France est sollicité pour leur donner une dimension internationale en s’assurant que les meilleurs acteurs de tous les pays soient présents, et c’est le cas. Nous sommes également actifs sur les évènements internationaux comme le CES de Las Vegas où nous organisons des rencontres franco-italiennes entre la tech française et la tech italienne afin de favoriser les fertilisations croisées de ces écosystèmes.

C’est aussi le cas sur l’Italie par le biais des Clubs, comme la French Tech ou le Club Santé, qui sont de réelles plateformes collaboratives franco-italiennes - et non franco-françaises -, l’objectif étant le rapprochement des écosystèmes.
Et d’après mon expérience à l’internationale, je peux dire que la meilleure des choses se passe en Italie.

 

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