Édition internationale

PIERRE-LOUIS BERTINA – "Il faut jouer la carte France en Italie"

Écrit par Lepetitjournal Milan
Publié le 7 juin 2024

 Après avoir notamment travaillé au Brésil, au Chili, en Corée, à Hong Kong et aux Etats-Unis, mais toujours pour Alstom, le spécialiste du train français, Pierre-Louis Bertina est désormais à la tête d'Alstom Ferroviaria depuis 2010. Français d'origine piémontaise, c'est au titre de son mandat de président des Conseillers du Commerce Extérieur Français en Italie que la rédaction l'a rencontré.

Crédit photo : S.H pour lepetitjournal.com

Lepetitjournal.com : Vous êtes arrivé en Italie en 2010, suite à votre nomination en tant que président de Alstom Ferroviara. Quelques mois après, vous êtes devenu Conseiller Economique Extérieur Français, un réseau dont vous êtes désormais président pour l'Italie. Pouvez-nous nous expliquer ce que sont les C.C.E. ?
Pierre-Louis Bertina : Les Conseillers du Commerce Extérieur est un réseau d'hommes et de femmes d'entreprise, choisis pour leur compétence et leur expérience à l'international. Nous sommes 4.300 dans le monde, tous bénévoles, tous avec une double carte de visite.
En Italie, le comité est composé d'une cinquantaine de personnes pour la  plupart dirigeants des filiales françaises implantées dans la Péninsule. Le réseau des CCE est un point de rencontre des hommes de premier plan.

Il existe partout dans le monde de très nombreux réseaux de chefs d'entreprise. Quelle est la spécificité de celui des CCE ?
Notre mission est de mener une action de veille sur les dossiers sensibles du commerce extérieur et de remonter nos analyses aux pouvoirs publics français. Nous travaillons en étroite collaboration avec la "maison France" du pays de destination : le réseau diplomatique, Ubifrance, l'AFII, les Chambres de Commerce, etc.
Beaucoup de pays envient notre organisation car elle n'a pas une approche sectorielle. Les CCE sont multisectoriels. C'est là notre valeur ajoutée. Nous avons juste envie de travailler ensemble. Ici en Italie, nous avons tous la même perspective : celle d'améliorer les relations économiques entre la France et l'Italie.

Concrètement que fait le réseau. Comment travaille-t-il ?
Le réseau des Conseillers du Commerce Extérieur a trois missions : Conseiller, parrainer et former.
Conseiller dans la mesure où nous apportons un regard d'expert à l'international aux décideurs économiques (ministères, ambassades, etc.). Parrainer, car nous accompagnons des Petites et Moyennes Entreprises à l'international et dans notre cas sur le sol italien. Enfin, nous formons les jeunes aux métiers de l'international. Nous accompagnons par exemple un certain nombre de V.I.E (Volontariat International en Entreprise). Nous serons à titre d'exemple partenaire le 22 novembre prochain du Grand Prix V.I.E pour l'Italie qui se déroulera à Turin.
Nous ne travaillons pas selon des indicateurs, mais sur des sujets. Ici par exemple en Italie, nous menons des réflexions sur le thème des pôles de compétitivité pour l'énergie, le textile ou bien encore la cosmétologie.

Vous...président de CCEF en Italie, quelle mission vous êtes-vous fixée ?
Je souhaite consolider l'esprit d'équipe que j'ai trouvé en arrivant et faire du lobbying en faveur des actions du réseau. Pour moi, il faut chercher toutes

les raisons d'améliorer les relations économiques entre la France et l'Italie. Il faut donc être très opportuniste et très collaboratif avec la "maison France".
Notre vie professionnelle nous place sur le terrain, au coeur des services, du business industriel et des réalités du pays : cela doit nous permettre de détecter les actions susceptibles d'aboutir à des résultats concrets moyennant des actions que nous pouvons partager avec les institutions Françaises présentes localement.

Votre fonction au sein d'Alstom sur un marché stratégique et au c?ur des partenariats économiques franco-italiens, mais aussi votre mission au sein des CCE vous permettent de poser un regard critique sur les relations économiques franco-italiennes. Pourquoi selon vous les Italiens ont-ils tendance à stigmatiser le rachat par des Français d'entreprises nationales ?
Le problème de fond italien est industriel. Le gouvernement italien n'a pas de politique industrielle. Le tissu économique italien est composé majoritairement de PME. Les Italiens ont donc tendance à envier les autres pays de leurs multinationales. Ces mêmes multinationales qui achètent leurs PME ! En fait, les entreprises italiennes ne savent pas grandir. Les italiens ont une capacité remarquable pour construire des PME dynamiques et des réseaux compétitifs. Mais les fleurons nationaux s'arrêtent au niveau de la personne, éventuellement de la famille, ce qui limite leur développement à l'international. Mais les statistiques montrent que l'Italie est plus dynamique à l'export que la France. Et de son côté, elle rachète des PME françaises.
En fait, entre la France et l'Italie, il y a une mauvaise appréhension réciproque. Mais les pays sont en syntonie.

Quelles sont selon vous les grandes différences culturelles du monde des affaires entre la France et l'Italie ?
L'Italie fonctionne comme un hub, en réseau. L'état italien est capable de pousser certains sujets comme celui de la défiscalisation pour inciter le travail en réseau. Là où en Italie bien souvent on entend pourquoi pas, en France les portes se ferment.

Avec la crise, on entend souvent dire que c'est la fin des expatriés. Qu'en pensez-vous ?
Une société qui travaille dans un pays ne se limite pas aux frontières du pays. Plus une entreprise grandit, plus elle doit se localiser en démultipliant la croissance par les locaux. L'expatrié est donc celui qui permet de faire le lien. C'est ce qui lui donne une raison d'être dans le pays de destination. Chaque expatrié est un ambassadeur !
Nous sommes en période de crise. Tout le monde déclare donc qu'il n'y a plus d'expatriés. Mais une petite pincée est toujours nécessaire !

Propos recueillis par Sophie Her (Lepetitjournal.com de Milan) ? mardi 22 octobre 2013

Alstom Ferroviaria est présente en Italie depuis 1998. Elle fournit notamment les trains pour la Ferrovie dello Stato Italiane et pour NTV et emploie 2.600 collaborateurs.

Informations pratiques : CCEF Italie : http://cceitalie.cnccef.org

 

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Publié le 21 octobre 2013, mis à jour le 7 juin 2024

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