Avec pour objectif de limiter la charge administrative pesant sur les entreprises, la directive « Omnibus I » tente notamment de rendre le cadre européen plus efficace, notamment pour les PME.


La directive COM (2025)81 qui fait partie de l’ensemble « Omnibus I », présentée par la Commission européenne le 26 février 2025 et qui est encore en cours d’examen par les colégislateurs, a pour objectif de simplifier la charge réglementaire résultant de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) et de la Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD). En particulier, les modifications de la CSRD et de la CSDDD mirent à réduire le nombre d'entreprises auxquelles elles s'appliquent, à limiter la charge administrative pesant sur les entreprises et à simplifier la législation relative au développement durable. La directive UE 2025/794 « Stop the Clock », entrée en vigueur le 17 avril 2025, fait partie de l’ensemble « Omnibus I ». Elle prévoit le report de certaines obligations de reporting en matière de durabilité, afin de donner aux entreprises plus de temps pour s’y conformer.
Plus de durabilité, moins de contraintes pour les entreprises ?
Cette intervention réglementaire s'insère dans le contexte de la nécessité de réduire les charges administratives et de déclaration pour les entreprises, tel que cela est prescrit par la Déclaration de Budapest adoptée le 8 novembre 2024. La réforme s'inscrit dans une tentative plus large de rendre le cadre juridique européen plus efficace et moins contraignant pour les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), tout en maintenant les objectifs de durabilité du Green Deal européen.
La pression réglementaire croissante imposée par la CSRD et la CSDDD a soulevé de nombreuses questions au sein des entreprises, en particulier des plus petites, qui craignaient de perdre du terrain par rapport à leurs concurrents américains ou asiatiques, soumis à des réglementations moins rigoureuses.
Quels impacts pour les entreprises soumises à la CSRD ?
La CSRD, entrée en vigueur le 5 janvier 2023 et transposée en Italie en septembre 2024, a introduit des obligations strictes en matière de reporting sur le développement durable pour les grandes entreprises et les PME cotées, en les obligeant à se conformer aux European Sustainability Reporting Standards (ESRS). La directive exige également que les entreprises publient des informations sur la chaîne de valeur dans la mesure nécessaire pour comprendre les impacts, les risques et les opportunités en matière de développement durable.
La directive « Omnibus I » apporte des modifications substantielles à la CSRD, notamment :
- Exclusion du champ d'application de la CSRD des entreprises ayant jusqu'à 1000 employés et des PME cotées en bourse, réduisant ainsi de 80% le nombre d'entreprises obligées de fournir les rapports. Les obligations de déclaration ne s'appliqueraient qu'aux grandes entreprises de plus de 1000 employés (c'est-à-dire les entreprises de plus de 1000 employés et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions d'euros ou dont le bilan est supérieur à 25 millions d'euros). Ce nouveau seuil rapprocherait la CSRD de la CSDDD.
- Introduction d'une norme d'information volontaire pour les PME, basée sur la norme VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for nonlisted SMEs) développée par l'EFRAG, selon laquelle les grandes entreprises ne pourront plus exiger des PME plus d'informations que celles prévues par la norme volontaire VSME.
- Révision des standards de reporting (ESRS) par un acte délégué afin de supprimer les obligations jugées moins pertinentes, en favorisant une approche plus proportionnée et en réduisant le nombre de données à communiquer.
- Une plus grande flexibilité dans le calendrier de mise en œuvre en reportant de deux ans les obligations de reporting sur la durabilité : les grandes entreprises, qui n’ont pas encore commencé à appliquer la directive, seront concernées seulement à partir de 2028 (sur la base de leur exercice 2027).
Quels impacts pour les entreprises soumises à la CSDDD ?
La CSDDD, qui est entrée en vigueur le 25 juillet 2024 et devrait être transposée par les États membres au plus tard le 26 juillet 2027, exige des grandes entreprises qu'elles surveillent et préviennent les impacts négatifs sur les droits de l'homme et l'environnement dans leurs chaînes de valeur. La directive est perçue comme une charge réglementaire importante, en particulier lorsque les chaînes de valeur sont très complexes et étendues; les PME peuvent également subir des effets d'entraînement indésirables.
La directive « Omnibus I » introduit les simplifications suivantes :
- Réduire le champ d'application de la due diligence, en limitant les obligations systématiques de due diligence aux seuls partenaires commerciaux directs, sauf en cas de contournement ou d'indications d'incidences négatives réelles ou probables.
- Réduction de la fréquence des obligations de surveillance, en ramenant les contrôles périodiques d'une fois par an à une fois tous les cinq ans, avec des évaluations ad hoc le cas échéant.
- Suppression de l'obligation de rompre les relations commerciales en cas d'impacts négatifs graves, mais maintien de l'obligation de les suspendre.
- Abrogation des règles communes en matière de responsabilité civile : la proposition abroge le régime uniforme de responsabilité civile. Les principes d'accès à la justice et de protection des droits restent en place.
- Révision du régime des sanctions : le seuil de 5% du chiffre d'affaires mondial, prévu comme sanction maximale, est supprimé. La Commission a l'intention d'élaborer des lignes directrices pour définir des critères uniformes.
Risques pour la compétitivité du marché européen ?
A côté des partisans de la simplification, les changements proposés par la directive « Omnibus I » ont fait l'objet de vives critiques. En particulier, par les investisseurs et les acteurs du monde financier, qui estiment qu'une simplification excessive risque de nuire à la crédibilité et à la compétitivité du marché financier européen.
En outre, certains États membres ont exprimé leur position officielle. Parmi eux, l'Espagne s'est prononcée contre tout affaiblissement de la réglementation environnementale actuelle, proposant plutôt d'accorder aux PME un délai plus long pour s'adapter aux exigences en matière de rapports, sans toutefois renoncer à leur caractère obligatoire. L'Italie, pour sa part, est en faveur d'un report de l'application de la CSRD pour les grandes entreprises et suggère d'accorder aux PME un délai plus long et des exigences simplifiées pour s'adapter. La France a également demandé à l'UE un report de la mise en œuvre de la CSRD et de la CSDDD et une simplification des charges pour les entreprises.
Un effet boomerang sur la protection des droits de l’Homme et de l’environnement ?
Les changements introduits par la directive « Omnibus I » représentent une tentative significative d'équilibrer les exigences de durabilité avec la nécessité de réduire les charges administratives pour les entreprises européennes, en particulier les PME.
La réforme cherche à éviter le risque de "over-regulation" qui pourrait pénaliser la compétitivité des entreprises de l'UE par rapport à celles d'autres juridictions. Toutefois, certains défis subsistent, notamment la nécessité de garantir une mise en œuvre cohérente au niveau national et le suivi des effets à long terme sur les PME et les chaînes de valeur mondiales.
Bien qu'il soit incontestable que les récentes modifications réglementaires visent à rationaliser le cadre réglementaire pour les entreprises, certaines de ces modifications, comme la restriction des obligations de due diligence aux seuls partenaires commerciaux directs, pourraient conduire à une forme de déréglementation, avec des répercussions possibles sur la protection des droits de l'homme et de l'environnement, tout au long de la chaîne de valeur. De même, la proposition de supprimer l'obligation de mettre fin aux relations commerciales en cas d'impacts négatifs significatifs, ainsi que la suppression de la limite minimale pour les sanctions financières, représentent un net assouplissement des règles.

Costanza Bianchi
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