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Que se cache-t-il derrière le nouveau programme d’intelligence artificielle de Meta ?

Surprise pour les internautes : une nouvelle fonctionnalité d’intelligence artificielle générative (« IA ») a fait son apparition sur les plateformes du groupe Meta, marquant une étape supplémentaire dans la course de ce dernier à l’IA. Ces outils promettent d’aider les utilisateurs dans diverses tâches, de manière rapide et personnalisée. Pour autant, cette innovation soulève de nombreuses interrogations. Cette course à l’IA est-elle légitime ? Le débat s’intensifie.

un mannequin féminin regarde un écran d'ordinateur d'IAun mannequin féminin regarde un écran d'ordinateur d'IA
Photo de Andres Siimon sur Unsplash
Écrit par CastaldiPartners
Publié le 12 mai 2025, mis à jour le 13 mai 2025

« Je veux écrire une histoire », « Je veux me sentir moins stressé(e) », « J’ai besoin d’aide pour mes devoirs », « Je veux comprendre un nouveau concept ». Au mois d’avril, ces messages prédéfinis sont apparus dans la barre « recherche » de WhatsApp, Messenger (Facebook) et Instagram. Il s’agit du déploiement de l’assistant IA de Meta, conçu pour interagir avec les utilisateurs de manière naturelle et contextuelle.

 

La course à l’IA…et aux données

Ces nouveaux assistants numériques peuvent désormais rédiger des textes, fournir des conseils sur la vie amoureuse ou professionnelle, et même simuler des entretiens d'embauche. Pour cela, l’internaute n’a qu’à saisir une recherche avec le soutien de l’IA, ou cliquer sur l’un des messages prédéfinis et déjà disponibles au-dessous de la barre de recherche de chaque plateforme.

Derrière cette simplicité d’usage se cacherait une stratégie plus vaste : collecter des données pour améliorer les performances de l’IA, dans une démarche perçue par certains comme une réponse directe à la montée en puissance de ChatGPT, détenue par un concurrent de Meta. Cela expliquerait le communiqué de presse du 29 avril 2025, par lequel Meta a annoncé également le lancement imminent de « Meta IA », doué d’outils encore plus puissants, en promettant aux utilisateurs des fonctionnalités inédites.

Une course technologique inédite, où le véritable gagnant est celui qui détient le plus vaste réservoir de données.

 

Des services gratuits, mais à quel prix ?

Bien que ces nouveaux services soient officiellement gratuits, leur utilisation repose sur une contrepartie bien réelle : les données personnelles des internautes. En d’autres termes, les données personnelles deviennent la « monnaie » permettant aux internautes d’utiliser ces systèmes d’intelligence artificielle générative, qui nécessitent à leur tour d’une quantité massive d’informations pour s’entraîner et fournir des réponses de plus en plus pertinentes et adaptées à chaque individu. Une véritable transaction économique, mais des doutes restent quant à la légitimité ou à l’intérêt d’un pareil échange.

 

Quels types de données personnelles pourraient être impactés par cette nouvelle fonctionnalité ?

D’après les premières précisions partagées par le groupe Meta, les données personnelles susceptibles de collecte par les nouveaux agents IA seraient celles partagées avec les assistants numériques et celles qui seraient déjà accessibles au public conformément aux politiques en vigueur. Si par exemple vous dites à l’assistant IA que vous aimez la cuisine italienne, lors de votre prochain voyage ou déplacement, les annonces publicitaires visibles sur votre profil Facebook ou Instagram pourraient vous diriger vers le restaurant italien le plus proche. De même, un commentaire sur une page publique de presse pourrait alimenter le profil d’un utilisateur sur le plan social ou économique.

 

Innovation technologique et données personnelles : un équilibre en évolution

Les experts s’interrogent sur la conformité de ces nouvelles fonctionnalités par rapport au Règlement européen en matière de données personnelles (« RGPD »).

Le RGPD est une réglementation européenne exigeante transparence et conformité dans la collecte et le traitement des données personnelles. Son but : protéger les internautes contre toute utilisation abusive d’informations permettant de les identifier. Ce règlement interdit les collectes injustifiées, sauf en cas de consentement ou d’intérêt légitime. Le RGPD garantit plusieurs droits aux utilisateurs, dont celui d’être informés sur l’utilisation de leurs données, d’y accéder, et de s’opposer à certains traitements automatisés, comme ceux menés par les IA du groupe Meta. Ce droit d’opposition peut être exercé à tout moment, sauf si des raisons impérieuses justifient la poursuite du traitement.

De plus, le « IA Act », récemment introduit dans le système juridique européen, impose des règles plus contraignantes de transparence vis-à-vis de toute société introduisant ou utilisant des systèmes d’IA générative. Bien que l’innovation technologique nécessite des données pour entraîner des modèles d'IA performants, la règlementation en vigueur impose des limites.

Si les puissances technologiques n’arrêtent pas leur course à l’IA, la réglementation européenne cherche à ralentir et mieux encadrer ce processus, au bénéfice des utilisateurs.

 

Les experts tirent la sonnette d’alarme

La frontière entre traitement légitime et profilage abusif est donc floue.

Loin d’être satisfaites par les déclarations de Meta, les autorités compétentes expriment des inquiétudes sur la perte de contrôle des utilisateurs sur leurs données personnelles. Les principales préoccupations sont notamment le manque d’informations claires, complètes et transparentes sur le fonctionnement des nouveaux outils d’IA du groupe Meta, d’un côté, et l’insuffisance de détails concernant la méthode et la durée de traitement des données par les différentes plateformes, de l’autre. À ce jour, le site internet du groupe Meta ne fournit que des réponses synthétiques à ces questions, ce qui constitue une violation sérieuse des articles 5 et 13 du RGPD.

Autre sujet sensible qui serait affecté par les nouvelles politiques de Meta : les droits d’auteurs. Les outils de Meta, en effet, chercheraient des réponses pertinentes aux questions des utilisateurs à travers les informations publiées sur internet, sans pour autant en citer la source. Sur ces bases, les syndicats de catégorie ont annoncé qu’ils vont saisir Meta en justice, confirme le journal français Le Monde.

 

Quelles mesures de protection pour les internautes ?

L’autorité italienne pour la protection des données personnelles n’a pas tardé à réagir contre cette course de Meta à l’IA. Dans son communiqué de presse du 29 avril 2025, l’autorité a rappelé aux internautes qu’ils peuvent exercer leur droit d’opposition à la collecte de leurs données par le nouvel assistant de Meta jusqu’au 27 mai 2025. L’opposition, si elle est exercée avant la fin du mois de mai, permet d’exclure toutes les informations personnelles de l’entraînement de l’intelligence artificielle de Meta. Si elle est exercée plus tard, elle ne concernera que les contenus publiés après cette date, et non ceux déjà en ligne. Dans son communiqué, l’autorité italienne partage les liens pour procéder à l’exercice du droit d’opposition aux nouvelles politiques Meta, et annonce que toutes les autorités européennes sont en train de vérifier la conformité de ces nouvelles mesures IA avec le RGPD.

Un avenir entre innovation et protection des libertés individuelles L’intégration de l’intelligence artificielle par Meta dans ses plateformes sociales soulève des enjeux considérables en matière de vie privée et de transparence et de respect des droits fondamentaux. Si ces outils peuvent améliorer l’expérience des internautes, ils reposent sur une logique de collecte intensive des données, parfois au détriment des principes posés par le RGPD.

La gratuité apparente de ces services cache une réalité plus préoccupante : une monétisation implicite des données personnelles. Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, les experts mettent en garde contre les possibles abus des nouvelles politiques Meta, et notamment contre le risque que les données personnelles fournies, volontairement ou non, aux nouveaux programmes IA, puissent rester sur le web, sans limite de temps. L’avenir de l’intelligence artificielle, pour être durable et éthique, devra passer par un véritable équilibre entre innovation et protection des libertés individuelles.

Il est donc essentiel que chaque utilisateur soit dument informé sur l’ensemble de ces enjeux et décide d’exercer son droit d’opposition, le cas échéant, dans les délais convenus.

Irene Malusa

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