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Le Guépard de G. Tomasi Di Lampedusa: Lire le livre ou voir le film ?

Il Gattopardo le guépard lampedusaIl Gattopardo le guépard lampedusa
(wikipedia.it)
Écrit par Artémisia
Publié le 13 décembre 2018

Tomasi di Lampedusa ou Visconti ?  Le Prince de Salina ou Burt Lancaster ? Tancredi ou Delon ? Angelica Sedara ou Claudia Cardinale ? Le roman ou le film ? Sans le roman, pas de film... Mais lequel choisir entre Le Guépard (Il Gattopardo), l’un des plus grands classiques de la littérature italienne et le chef-d’œuvre du cinéma italien, adaptation du roman par Visconti.


Le roman décrit, à travers le regard lucide du Guépard/Prince de Salina, la fin d’un monde, celui de l'aristocratie sicilienne, avec le débarquement des troupes de Garibaldi en 1860. Le Guépard livre ainsi des réflexions empreintes de nostalgie et d'un « humour sans illusion » sur l’avènement d’une bourgeoisie aussi pragmatique qu’inculte incarnée par Calogero Sedara, maire et riche propriétaire foncier, et l’alliance obligée de ces deux mondes pour que l’élite se perpétue. C’est cette transition que résument admirablement « les paroles énigmatiques » de Tancredi : « Affinché niente cambi, bisogna che tutto cambi » (« Il faut que tout change pour que rien ne change »).

Une Sicile aride et sensuelle

Comme Milan Kundera en a l’intuition dans L'Art du Roman (« Découvrir ce que seul un roman peut découvrir, c'est la seule raison d'être d'un roman »), il est des domaines qui n’appartiennent qu’au roman. Il en va ainsi dans Il Gattopardo des pensées profondes de Salina mais également de la description d’une Sicile aride et sensuelle, vénéneuse aussi (« Cette violence du paysage, cette cruauté du climat, cette tension perpétuelle de chaque aspect, ces monuments, aussi, du passé (…). Toutes ces choses-là ont forgé notre caractère qui demeure donc conditionné par des fatalités extérieures autant que par une terrifiante insularité spirituelle »).
L'impétueuse beauté d'Angelica (« Sous la masse des cheveux couleur de nuit (...), il y avait l'aube de ses yeux verts, immobiles comme ceux des statues et, comme eux, un peu cruels ») symbolise à sa façon cette terre aimée, désirée (« dans ces baisers il reprenait possession de la Sicile ») et dans le même temps décriée (« Nulle part la vérité n'a une vie aussi brève qu'en Sicile »).

« Un chef d’œuvre inspiré par un autre chef-d’œuvre »

Pour autant, nombreux sont ceux qui auront d’abord – ou même exclusivement - vu le film qui, à total contre-courant de la vogue néoréaliste, valut à Visconti la Palme d’or au Festival de Cannes de 1963.
Le film propose une séduction immédiate. Il fait revivre avec grâce un passé révolu dans le présent du cinéma. C’est ainsi que, face à la caméra de Visconti, le Guépard reprend vie sous les traits de Burt Lancaster.
Le film s'attache à reproduire fidèlement la lettre du roman : ainsi de la poussière qui macule les visages et les vêtements de la famille Salina à l’arrivée dans sa villégiature de Donnafugata et des fresques de la salle à manger de la villa Salina  où se scellera l’union décisive d'Angelica et Tancredi. Mais le film reprend sa liberté lorsque, après la scène du bal, il s’achève sur une remarquable ellipse : Salina s’éloigne lentement dans les rues sombres de Palerme alors que le roman s’intéressera aux dernières heures du Prince et même aux vieux jours de ses filles.
Il Gattopardo déploie sa force romanesque et son charme subtilement désuet à travers ces deux formes artistiques complémentaires que sont le roman et le film, visage double d’un seul et même Janus, offrant ainsi des possibilités virtuoses pour exprimer sa riche sensualité et son sens.

Ainsi, plus encore que le mariage de Tancredi et Angelica, guère heureux selon l'auteur, c’est l’union même de la littérature et du cinéma qui se scelle ici. Car, comme l’annonce avec solennité la bande-annonce du film, « C’est le cas, peut-être unique, d’un chef d’œuvre inspiré par un autre chef d’œuvre ».

En somme, du roman ou du film : préférez les deux !

 

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