Le détachement d’un salarié, par exemple entre la France et l’Italie, est une pratique courante. Mais comment est-elle règlementée par la législation italienne ? Eclairage avec une série de questions-réponses.
Comment le détachement en Italie est-il règlementé? Qui demeure responsable du traitement économique et réglementaire du salarié détaché ? Le consentement du salarié à détacher est-il toujours nécessaire ?
Mais aussi, que se passe-t-il si une entreprise établie dans un autre État membre de l'Union européenne (par exemple, la France) ou dans un État non-membre de l'UE détache en Italie un de ses salariés ?
Une série de questions doivent se poser avant de détacher un salarié dans l’Union européenne ou en dehors de ses frontières.
Qu’entend-on par « détachement » ?
Selon la législation italienne, le détachement se réalise lorsqu’un employeur (« l’employeur d’origine »), afin de satisfaire son propre intérêt, détache temporairement un ou plusieurs salariés auprès d’un autre employeur étranger (« l’entreprise d’accueil ») pour y exécuter une prestation de service (article 30 du décret législatif n. 276 de 2003).
En d’autres termes, il s’agit d’une relation tripartite, dans laquelle l’entreprise qui reçoit le salarié détaché bénéficie de son travail, étant entendu que le salarié détaché demeure le salarié de l’entreprise détachante.
Qui demeure responsable du traitement économique et réglementaire du salarié détaché ? Et en matière de prévention et protection sur le lieu de travail ?
C’est l'employeur qui détache qui demeure responsable, pendant toute la durée du détachement, du traitement économique et réglementaire du salarié détaché.
De la même manière, les congés, les permissions, les augmentations, les promotions, etc. restent à la charge et sous la responsabilité de l'employeur d’origine, qui procède au détachement, qui conserve le devoir de veiller à la bonne exécution du contrat conclu avec le salarié détaché.
Il faut préciser également que toutes les obligations en matière de prévention et de protection incombent à l'entreprise d'accueil, à l'exception de l'obligation de l'entreprise d'origine d'informer et de former le salarié sur les risques typiques généralement liés à l'exercice des tâches pour lesquelles il est détaché (article 3 du décret législatif n° 81 du 9 avril 2008).
Obligations préalables au détachement de salariés :
L’entreprise qui envoie ses salariés sur le territoire italien doit communiquer le détachement au Ministère du Travail et des Politiques Sociales italien dans un délai de 5 jours, par le biais du formulaire unique « Unilav ».
Quelles sont les conditions de légitimité du détachement ?
Pour que le détachement soit légitime, il doit remplir certains critères cumulatifs, qui ont été détaillés par la circulaire du Ministère du Travail n. 28 du 24 juin 2005, c’est-à-dire :
· Un changement dans l'exercice du pouvoir de direction (dans le sens que le salarié détaché est soumis au pouvoir de direction et disciplinaire de l'employeur destinataire pendant la durée du détachement) ;
· Le maintien de la titularité de la relation de travail de la part de l’employeur d’origine, qui détache ;
· L’existence d'un intérêt au détachement de la part de l'employeur qui détache.
Sur ce point, l’article 30 du décret législatif n. 276 de 2003 permet une interprétation assez large de la notion d’intérêt, de sorte que le détachement peut être légitimé par tout intérêt productif de l'entreprise qui détache le salarié et qui ne coïncide pas avec celui de la simple fourniture de main-d'œuvre.
Comme le précise la jurisprudence établie, l’intérêt productif doit être spécifique, pertinent, concret et persistant pendant toute la durée du détachement (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 7 avril 2015, n. 6944).
L’intérêt qui justifie le détachement peut être aussi de nature solidaire et consister en l'utilité d'accroître la polyvalence fonctionnelle individuelle des salariés (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 11 septembre 2020, n. 18959).
Le détachement peut être également utilisé comme mesure alternative à une procédure de chômage, dans le cas où se vérifie une réduction de l'activité productive.
Dans ce cas spécifique, l’intérêt au détachement serait justifié par l’exigence de soutenir l’entreprise, qui se trouve dans une situation temporaire de crise, par le remboursement du coût de la main-d'œuvre détachée.
Il est important de souligner que l’absence totale d'intérêt de la part de l'employeur qui détache le salarié rend le détachement illégal et constitue donc un cas de mise à disposition illicite de main-d'œuvre, avec pour conséquence la constitution d'une relation de travail au sein de l'entreprise qui accueille le salarié détaché, au même niveau contractuel que celui dont il bénéficie (Cour de Naples, arrêt du 2 octobre 2019).
· Le détachement chez l’employeur destinataire doit être « temporaire ».
Selon la circulaire n. 3 de 2004, la notion de temporalité coïncide avec celle de non-définitivité, indépendamment de la durée du détachement, étant entendu que cette durée doit être fonctionnelle à la persistance de l’intérêt de l’employeur d’origine.
Le détachement (à condition qu'il ne soit pas définitif) est également autorisé pour de longues périodes, à condition qu'il soit lié à une date certaine ou à l'achèvement d'un travail ou d'un service (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 2 septembre 2004, n° 17748). En l’absence de caractère temporaire, on n’est pas en présence d’un détachement, mais d’un transfert.
Que se passe-t-il si l’employeur d’origine n’a plus d’intérêt à détacher ? Il doit révoquer le détachement
Dans cette hypothèse, la motivation du détachement cesse, avec pour conséquence le droit et l'obligation pour l'employeur d'origine de révoquer le détachement, même si une durée (prévue) plus longue a été communiquée au salarié.
En effet, la disparition de l'intérêt pour des faits imputables à l’employeur « destinataire » peut être qualifiée comme un « cas de force majeure » à l’égard du salarié détaché, en bloquant toute contestation de sa part (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 21 mai 1998, n° 5102).
Le détachement requiert-il le consentement du salarié à détacher ?
En ligne de principe, le détachement ne requiert pas le consentement du salarié, sauf s’il entraîne un changement de tâches.
Le détachement peut également impliquer un transfert auprès d’une unité de production située à plus de 50 kilomètres de celle où le salarié est affecté.
Dans ce cas spécifique, le détachement ne peut avoir lieu que pour des raisons techniques, organisationnelles, productives ou de remplacement, dûment justifiées.
Le détachement réalisé en Italie par une entreprise française : le détachement « transactionnel »
Ce détachement, qui trouve sa source dans le décret législatif 136 de 2016, se réalise lorsque, dans le cadre d'une prestation de services, une entreprise établie dans un autre État membre de l'Union européenne ou dans un État non-membre de l'UE détache en Italie un ou plusieurs salariés au profit d'une autre entreprise.
Pensons, par exemple, à une entreprise qui a son siège social en France et décide de détacher un ou plusieurs de ses salariés en Italie.
L’employeur qui détache en Italie a essentiellement trois obligations :
· L’obligation de communication du détachement
En fait, il doit communiquer le détachement au Ministère du Travail et des Politiques Sociales italien au plus tard au début du détachement, ainsi que communiquer toute modification ultérieure dans un délai de cinq jours.
La communication préalable du détachement doit contenir certaines informations (ex. les coordonnées de l'entreprise détachant les salariés, le nombre et l’identité des salariés détachées etc.).
· L’obligation de conservation d’une copie en langue italienne des documents
Il doit conserver, en préparant une copie en langue italienne, le contrat de travail, les bulletins de paie, les documents indiquant le début, la fin et la durée du temps de travail journalier etc.
· L’obligation de désigner un représentant ayant élu domicilié en Italie chargé d'envoyer et de recevoir les actes et documents utiles.
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