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Le métavers : le lieu de travail de l’avenir ?

Avec le développement du métavers, ce nouvel univers influencera inévitablement le droit du travail. Remarques préliminaires sur un phénomène futur (mais pas si loin...).

un homme porte un masque de réaité virtuelle devant un ordinateurun homme porte un masque de réaité virtuelle devant un ordinateur
Photo de Paul Einerhand sur Unsplash
Écrit par Lia Meroni
Publié le 14 avril 2025, mis à jour le 15 avril 2025

À l’état actuel, il semblerait que le “métavers” soit sur toutes les lèvres.
Il s’agit d’un phénomène qui a littéralement explosé en octobre 2021, lorsque Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, a annoncé le changement de nom du groupe auquel appartenait l'ensemble de l'entreprise (y compris Instagram, WhatsApp et d'autres médias sociaux), en « Meta », une référence claire au « métavers ».

Pour chercher de simplifier au maximum, le « métavers » est une réalité virtuelle (ou, selon une partie de la doctrine, plusieurs réalités virtuelles), où la personne réelle, à travers un « casque » spécial et sous la forme d’un « avatar », se connecte et interagit avec d’autres personnes (ou plutôt, avec leurs « avatars ») et avec les choses autour de lui, toujours virtuelles. Une réalité physique entièrement digitalisée donc.

 

Mais, s’agit-il d’une réalité encore loin, presque futuriste et visionnaire ? Ou pas ?

Il semblerait que ce ne soit pas le cas, en considération de l’impact du métavers sur la société et sur notre vie quotidienne, à l’instar du travail agile (ou « smart working ») ou le travail rendu à travers les plateformes numériques, qui comportent la connexion de l’utilisateur.

À cet égard, il est intéressant de souligner que l’Université italienne de Camerino a été la première à avoir lancé un projet didactique expérimental dans le métavers l'année dernière. Quelque 52 étudiants ont participé à un cours de « Social Media Management » entièrement organisé dans le métavers, et faisant partie du cours de licence en informatique pour la communication numérique.
Les étudiants, munis de lunettes virtuelles, les « Meta Quest3 » ou « Oculus », ont donc eu l’opportunité de suivre le cours dans le métavers de manière presque « normale », bien que sous la forme d’avatars.

Le secteur de l’éducation n’est pas le seul « impacté » par le métavers. Pensons, par exemple, aux secteurs les plus divers, comme celui de la mode.
De ce point de vue, Gucci a « déplacé » ses produits dans le métavers et a vendu son sac à main virtuel à un prix encore plus élevé par rapport au prix « ordinaire ». Par l'intermédiaire de Roblox, une plateforme de jeu en ligne, le grand nom du fashion a réussi à vendre le modèle de sac à main virtuel, Gucci Dionysus, pour environ 4.115 dollars, par rapport à sa version physique, « réelle », qui coûte environ 3.400 dollars.

Cependant, il existe de nombreuses questions et de doutes sur ce phénomène, qui semble s’imposer de plus en plus sur notre vie quotidienne : le métavers peut-il être qualifié de « lieu de travail », à l’instar du lieu de travail physique ? Ou s’agit-il plutôt d'un instrument par lequel la performance du travail est rendue possible ?

Et encore : l’avatar du travailleur en chair et en os qui se déplace dans cette dimension artificielle est-il soumis aux horaires de travail et aux directives de son employeur ?

Il serait sans doute difficile, voire prétentieux, de tenter de donner une réponse satisfaisante à toutes les questions qui peuvent se poser sur une réalité encore inexplorée et ce n'est certainement pas l'objectif de cet article.
Puisqu’il s’agit d’un phénomène novateur encore inconnu aux yeux du juriste en droit social, cet article vise à fournir quelques observations préliminaires sur le métavers et son influence inévitable sur le droit du travail.

 

La technologie impliquée dans le métavers : élément indispensable ou simplement accessoire ?

Beaucoup d’auteurs et d’experts du métavers ont essayé de fournir une définition complète et exhaustive sur ce phénomène novateur et, sous certains aspects, encore inconnu.

Pour M. Weinberger, auteur allemand : « Le métavers est un réseau interconnecté de mondes virtuels omniprésents qui se superposent en partie au monde physique et l'améliorent. Ces mondes virtuels permettent aux utilisateurs, représentés par des avatars, de se connecter et d'interagir les uns avec les autres, d'expérimenter et de consommer du contenu généré par l'utilisateur dans un environnement immersif, évolutif, synchrone et persistant.» 

Il est particulièrement intéressant de partager la réflexion d’un auteur italien, M. Maio, selon lequel dans le métavers, contrairement à ce qui se passe dans le travail agile, la technologie représente une partie essentielle et indispensable, et non un élément accessoire, qui permet d’insérer le travailleur, par le biais d'écrans sensoriels, dans une dimension numérique immersive .

Autrement dit, « si le travailleur agile qui preste son activité professionnelle à distance allume l’ordinateur pour s'échapper des locaux de l'entreprise, le méta-travailleur porte des lunettes particulières pour s'y rendre.»

En doctrine, une question très débattue est celle de savoir si le métavers est un seul ou s’il peut exister plusieurs métavers, plusieurs réalités virtuelles.

Selon une partie de la doctrine, il y a plusieurs métavers, qui doivent être entendu comme des « mondes virtuels immersifs en trois dimensions ». D'autres, en revanche, font valoir son caractère unique, selon lequel « le métavers est un réseau essentiellement de mondes virtuels qui peut être expérimenté de manière synchrone et persistante par un nombre effectivement illimité d'utilisateurs avec un sentiment de présence individuelle et avec une continuité des données, telles que l'identité, l'histoire, les droits, les objets, les communications et les paiements. »

Pour chercher de clarifier, le métavers est un espace virtuel et artificiel qui reproduit la réalité physique, dans laquelle l’utilisateur est complètement « plongé » et dans laquelle il met en œuvre des actions ordinaires, faisant partie de sa vie quotidienne, y comprise son travail.

 

Métavers et droit du travail : une connexion possible ?

Le droit du travail est, par définition, un droit vivant, en constante évolution, qui suit et a toujours suivi les changements historiques, culturels, politiques et technologiques inhérents à la société.
Un droit « caméléon », qui a la capacité de s’adapter aux changements de la société, selon les différents moments, aussi historiques, connus par celle-ci.

Pensons, par exemple, au travail agile (« smart working »), qui a été introduit pour la première fois en 2017, avec la loi n. 81 de 2017, qui a ensuite connu une augmentation exponentielle pendant la période du Covid-19, dans le sillage, donc, de l'énorme changement social dont nous avons tous été témoins pendant la période de la pandémie.

A fortiori donc, on peut aisément comprendre comme le droit du travail ne peut pas ignorer les réseaux sociaux, le web et, pour ce qui est de notre intérêt, le métavers, étant donné qu’ils font partie de la réalité.

La technologie est sans doute destinée à modifier la réalité (ou, quand même à avoir un impact important sur celle-ci), mais, pour bien fonctionner, elle doit, en même temps, être accueillie et acceptée par la réalité.

Un certain degré de « complicité » semblerait être nécessaire, étant donné que la réalité change aussi parce que la technologie est au moins en partie disposée à changer  .
Il semblerait que, à l’état actuel, le droit du travail ait une attitude d’acceptation, presque de curiosité à l’égard du métavers.
Bien évidemment, seulement les développements futurs sur ce sujet assez complexe pourront nous donner une réponse claire…

 

L’avatar : la reproduction digitalisée d’un travailleur en chair et en os ?

Parmi les différentes questions auxquelles la doctrine cherche de répondre, figure celle de la qualification juridique de l'avatar, c'est-à-dire la représentation numérique d'une personne réelle, en chair et en os.

L'avatar peut-il travailler, comme un travailleur normal, bien qu’inséré dans une dimension totalement artificielle ? Est-il soumis à des directives dans le métavers ? Qui est son employeur ?

Puisque le métavers est généralement entendu comme la représentation virtuelle de la réalité physique et puisque la personne physique, sous la forme d’un avatar, peut effectuer ses activités quotidiennes, il semblerait qu’il puisse également travailler.

À cet égard, comme rappelé par M. Maio, le métavers est tout à fait un lieu virtuel qui permet d’allouer dans le « cyberespace » les activités professionnelles qui seraient autrement exercées en présence, sans tenir compte de la distance physique existante parmi les personnes concernées, comme l’organisation de réunions, présentations, meetings et encore négociations, assemblées, audiences et arbitrages .

Selon une partie de la doctrine, l’avatar serait un produit artificiel de la personne physique, une sorte d’objet et seraient également des « objets » les comportements qu’il met en œuvre dans le métavers.

Par conséquent, il ne pourrait pas être qualifié à l’instar d’un travailleur « ordinaire » en chair et en os.
À la lumière des observations ci-dessous, l’avatar ne travaillerait qu'en apparence dans le métavers.
Si on adopte cette thèse, le travail, en tant qu'activité humaine, ne peut être effectué que par une personne humaine et non par sa représentation, par le « médium » par lequel le travail effectué par la personne physique produit des résultats dans le métavers  .
Seuls le temps et les développements futurs du métavers pourront dissiper les doutes.

 

Le métavers : un véritable lieu de travail ? Une simple extension virtuelle du lieu de travail physique ?

Une question plus complexe : du point de vue du droit du travail, le métavers peut-il être considéré comme un véritable lieu de travail ?

Aussi sur ce point, en l’absence d’indications univoques et « officielles » de la part de la doctrine et de la jurisprudence, il semblerait très difficile (voire audacieux) de qualifier le métavers comme un lieu de travail assimilable à un lieu de travail physique.

Surtout si on décide de suivre la thèse soutenue par M. Donini et Novella, selon laquelle l’avatar ne peut pas être qualifié comme un travailleur physique, étant réduit à un simple « objet ».

Une solution envisageable, comme suggérée par M. Donini, pourrait être celle de considérer le métavers comme un lieu de travail pas entièrement « digitalisé » et « artificiel » mais plutôt comme une « réalité mixte augmentée », dans laquelle des éléments réels sont superposés dans un environnement virtuel.

Il s’agit d’une supposition, qui pourra être confirmée ou démentie, en fonction des futurs développements sur le sujet.

 

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