Fruit d’une coproduction italienne, française, allemande et brésilienne, « Il Traditore » du cinéaste octogénaire, Marco Bellocchio, revient sur la genèse du « maxi-procès de Palerme », qui propulsa le juge Giovanni Falcone, en première ligne de la lutte antimafia en Italie.
Au début des années 80, la Sicile est la plaque tournante du trafic d’héroïne. Tentant de se soustraire à la justice italienne et aux rivalités intra-mafia, Tommaso Buscetta (Pierfrancesco Favino), dit le « patron des deux mondes », quitte la Sicile pour le Brésil avec sa nouvelle épouse et deux de ses enfants. Pour lui, les Corléonais, dévorés par l’hybris et l’appât du gain, ont trahi les valeurs fondamentales de Cosa Nostra, dès lors qu’ils ont commencé à s’en prendre aux femmes et aux enfants. Extradé pour la seconde fois et torturé, Buscetta accepte finalement de collaborer avec la justice et de livrer les membres de sa « famille ».
Dans son film, Bellochio dépeint au travers d’une cinématographie théâtrale et rétro la complexité du monde auquel appartenait celui que l’on appelait autrefois, Don Masimo. Il n’hésite pas à mettre en lumière les failles et l’hypocrisie latente d’un personnage habité par la nostalgie de la mafia d’antan. Entre doute et empathie pour le protagoniste, le spectateur peine à démêler le vrai du faux et à évaluer la sincérité d’un homme plein d’ambivalences. « J’ai été et je reste un homme d’honneur. Ce sont eux qui ont trahi l’idéal de Cosa Nostra » avance le personnage face aux juges.
Plus qu’un film de gangster, « Il Traditore » place coups de feu et bain de sang au second plan, et met en exergue la tension psychologique et mentale qui écrase les personnages jusqu’à l’ultime dénouement. Portrait saisissant et douloureux d’une période pas si lointaine de l’histoire italienne, ce drame politico-historique est aussi un bel hommage à la figure du célèbre juge antimafia, Giovanni Falcone, décédé lors d’un attentat, le 23 mai 1992. La première du film avait même été fixée pour coïncider avec l’anniversaire de sa mort.
À l’instar de « Il divo » (Paolo Sorrentino, 2008), de « Call Me by Your Name » (Luca Guadagnino, 2018), de « L'Incroyable Histoire de l'Île de la Rose » (Sydney Sibilia, 2020), ou encore de « Padrenostro » (Claudio Noce, 2020), « Il Traditore » est symptomatique de cette fascination nostalgique du cinéma italien pour son passé récent. Avec son esthétique du passé, son mal du pays visuel, ses décors et costumes faux-vintage, ce film qui a représenté l’Italie aux Oscars 2020, mérite le coup d’œil. D’autant plus qu’il est désormais disponible sur Netflix.