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CHRONIQUES NAPOLITAINES - Crèches et santons

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Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 10 décembre 2017, mis à jour le 20 décembre 2016

En décembre, les boutiques de souvenirs troquent leur marchandise plastique bon marché contre les santons en terre cuite qui vont orner pendant quelques semaines la crèche, qu'on soit croyant ou pas. Naples en effet est la patrie de la pizza, mais aussi de la crèche, qui atteint ici des sommets de raffinement, d'inventivité et de fantaisie, réunissant ainsi en un seul art toute la chaleur de l'Italie du Sud.

Alors pour le plaisir des yeux, on se risque avant Noël dans la rue San Gregorio Armeno, réputée pour ses magasins exclusivement consacré à l'art de la crèche, les « presepi ». Se risquer est en effet l'expression juste tant en cette saison, l'Italie entière s'est donné rendez-vous ici. On vient avec la grand-mère, la tante du Piémont, le petit en poussette, le cousin des Pouilles et on met une heure au bas mot pour descendre du côté droit les 30 mètres de rue. Malheur à celui qui voudrait jeter un regard sur les boutiques de gauche et dérangerait ainsi la lente procession des badauds en sens inverse ascendant. 

 

Il y en a pour tous les goûts, toutes les bourses, de toutes les couleurs, de toutes les tailles. D'abord, acquérir la crèche elle-même, élaborée souvent sur plusieurs étages, dans un mélange kitsch de petites maisons entourées de chêne-liège et de mousse, aux cascades rebondissant, aux fenêtres éclairées de minuscules ampoules, aux arbres portant encore des feuilles sèches et aux moulins tournant rapidement. Pour les irréductibles romantiques, un décor antique sera toujours possible, avec les colonnes d'un temple en ruine se dressant au milieu d'un paysage boisé et de porches voûtés dignes du plus beau palazzo napolitain du XVIIIème s. 

Nicola, dans une rue avoisinante, fabrique des crèches depuis 50 ans. Entré comme petit apprenti chez son oncle quand il avait 21 ans, il forme aujourd'hui deux jeunes qui assureront la relève après lui. Les crèches qu'il élabore tout au long de l'année sont des merveilles d'ingéniosité et de créativité, construites avec une base de bois sur laquelle il colle et assemble patiemment tous les éléments qui permettront d'accueillir les santons ensuite. Certains modèles atteignent 1,70 m de haut et on ne se lasse pas de le voir ajouter mille détails, un arbre, une balustrade à une maison, des tuiles rondes à une autre, une fontaine, un four rougeoyant ou un chemin pavé de minuscules pierres. De telles crèches constituent un véritable patrimoine traditionnel, qu'on se transmet de génération en génération dans une famille, chacun l'enrichissant par sa contribution au fur et à mesure des années.

L'autre élément fondamental est évidemment le santon, qu'on choisira en fonction de la taille de la crèche. De 2 à près de 50 cm, ils sont obligatoirement peints à la main avec les yeux en verre et les bras et jambes en bois ou en céramique pour les plus grands, habillés de tissus chatoyants : velours rouge, soie bleue, guipure de dentelle, gansage doré rehaussent la finesse des détails du visage pour les personnages principaux. A côté de la Sainte Famille qui sera installée dans la grotte de la crèche, pour les santons secondaires, on se laisse alors séduire par la variété extraordinaire des métiers représentés : les habituels bergers côtoient des femmes portant un panier, des marchandes d'oignons, des bouchers, des meuniers, des bûcherons, des poissonniers, des boulangers ou des joueurs de flûte. On peut évidemment trouver les accessoires miniatures pour accompagner les santons : moutons, fruits, légumes, viande, poissons multiples, pains et croissants sont tous fabriqués avec précision et réalisme. Entre le danseur de tarentelle, habillé comme un marquis de la Renaissance et le célèbre pizzaiolo napolitain, représenté en train d'enfourner une pizza, ce sont plusieurs siècles de vie napolitaine qui défilent sous nos yeux.

A mi-chemin dans la descente de la rue, on quitte un moment le brouhaha des chalands pour pénétrer dans l'église de San Gregorio Armeno. Pour qui veut se faire une idée du baroque le plus exacerbé, San Gregorio Armeno est un passage obligé. Erigée sur un temple antique dédié à Cérès, elle fut agrandie et transformée en joyau exhubérant au XVIème s. : du plafond à caissons peints et sculptés aux colonnes de marbre rose et jaune, le regard se perd dans les dorures, les trompe-l'?il, les anges replets rebondissant sur des nuages blancs ou les statues de saintes aux airs découragés. Tout n'est que chef-d'?uvre de virtuosité technique et de prouesse artistique.

On ressort de l'église un peu hébété pour replonger dans la rue des crèches où s'interpellent les artisans, les flâneurs, les diseurs de bonne aventure la perruche sur l'épaule tandis qu'un polichinelle ? célèbre personnage napolitain ? agite son tambourin en éreintant de vieux chants, avant de réajuster ses lunettes, modernité oblige, sur son masque noir à nez crochu, costume traditionnel oblige. 

On prend son courage à deux mains pour remonter la rue à gauche cette fois-ci, on a bien compris les règles tacites, et sous les derniers rayons du soleil de décembre, on s'assied chez Mario pour déguster une sfogliatella chaude, autre merveille de la ville, légère coquille de pâte feuilletée fourrée d'une crème de ricotta à la vanille.

 

Clarisse P. - (Lepetitjournal.com de Rome) - Rediffusion 

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