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Italie: la nullité du licenciement pour "mariage", réservée aux femmes

Mariage italieMariage italie
pixabay
Écrit par Lablaw
Publié le 18 décembre 2018, mis à jour le 18 décembre 2018

Pendant l’année suivant leur mariage, les femmes italiennes se voient protégées par la loi contre un éventuel licenciement qui serait jugé discriminatoire, pour « raison de mariage ». Une protection qui ne vaut pas pour les hommes.

Selon la Constitution italienne, l'État est tenu d'instaurer des conditions de travail permettant à la femme de remplir sa fonction familiale essentielle, offrant à la mère et à l'enfant une protection spéciale adéquate (article 37 de la Constitution).

La protection contre le licenciement pour raison de mariage

Et sur la base de ce principe fondamental, la loi italienne protège les travailleuses contre le licenciement pour « raison de mariage » (il en est de même pendant le congé de maternité), en prévoyant notamment une interdiction spécifique de licenciement à partir du jour de la demande de publication de mariage jusqu'à un an après sa célébration. Cette interdiction a été introduite par une loi de 1963, avant de se confirmée en 2006 ultérieurement par un décret législatif (n.198/2006, Code de l’égalité des chances).
La raison d'être de la règle est claire : éviter que l'employeur, craignant une grossesse et de ce fait les éventuelles plus nombreuses absences de la travailleuse, ne décide de mettre fin au contrat de travail de manière anticipée.
S’agissant d’une hypothèse de nullité du licenciement, la protection fournie est la même, que la travailleuse ait été embauchée avant le 7 mars 2015 (avec l’application de l’article 18 de la loi 300/1970) ou après cette date (avec application du décret législatif n ° 23/2015, dit : Tutele Crescenti – Protections Croissantes). La loi prévoit alors la réintégration de la travailleuse sur le poste de travail, assortie d’une condamnation de l'employeur à une indemnité pour dommages et intérêts. Cette dernière est égale à la rémunération acquise à compter du jour du licenciement jusqu'à la réintégration effective, à laquelle s’ajoute le paiement des cotisations de sécurité sociale et de l’assistance tout au long de la période écoulée entre le licenciement et la réintégration.

Licenciement discriminatoire

Le caractère discriminatoire du licenciement, et donc sa nullité, est présumé ex lege, du simple fait qu'il a été communiqué à la salariée dans l'année suivant la publication du mariage.
L'employeur a malgré tout la possibilité de démontrer que le licenciement ordonné à l’employée est justifié par d'autres raisons, comme une faute grave de l’employée, la cessation de l'activité de l’entreprise ou encore l’expiration de la durée du contrat de travail ou le résultat négatif de la période d’essai.

L’égalité des chances au masculin ?

La jurisprudence s'interroge depuis longtemps sur la possibilité d'étendre la protection contre les licenciements dus au mariage également aux hommes. Alors que la loi ne vise spécifiquement que les travailleuses, cela pourrait constituer un traitement inégal pour les travailleurs. A noter : la plupart des droits aux permissions et aux congés parentaux a récemment été étendu aussi aux pères/travailleurs.
A deux reprises, le Tribunal de Rome (arrêt du 16 janvier 2017) et le Tribunal de Vicence (arrêt du 24 mai 2016) ont affirmé que l’hypothèse discriminatoire du licenciement (aux termes de l’art. 35 D.Lgs. n. 98/2016), s’applique également au marié.

Des décisions basées sur le principe de « l'égalité des chances au masculin » et le fait que ladite règle vise à protéger le droit de fonder une famille.
Pour autant, plus récemment (le 12 novembre 2018), la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence, se déclarant dans un sens défavorable au travailleur. Selon le juge, « la présomption de nullité du licenciement pour mariage » s’appuie sur la protection de la maternité et n’est donc réservée qu’exclusivement aux salariées.
La Cour de cassation rappelle ici la récente décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de juin dernier, selon laquelle « le congé maternité vise à permettre à la mère de se remettre de son accouchement et d'allaiter son bébé si elle le souhaite. Il est donc, par nature, spécifique aux femmes et lié au sexe féminin. Par conséquent, les femmes et les hommes ne se trouvent pas dans une situation similaire » (CEDH, 14 juin 2018, Cristaldi/Italie, n.41).

Pour la Cour suprême, l'interprétation littérale de l'art. 35 du D.Lgs. n.198/2006 - qui accorde une protection renforcée aux (seules) femmes - n'est pas discriminatoire, ni même contraire aux principes européens ou supranationaux, dès lors que selon ces derniers, « le principe d'égalité n'empêche pas le maintien ou l'adoption de mesures qui préviennent des avantages spécifiques en faveur du sexe représenté » (l'article 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne).

Bien entendu, on ne peut exclure que le licenciement ordonné au travailleur masculin, dans l'année qui suit la demande de publication du mariage, peut également dissimuler une discrimination. Dans cette hypothèse, la présomption prévue à l'art.35 du D.Lgs. n.198/2006 ne sera toutefois pas valable. Mais l'existence d'une intention discriminatoire de la part de l'employeur devra nécessairement être prouvée par le travailleur.

Reste que si l’on tient compte de l'évolution de la conscience sociale collective, ainsi que de l'introduction en Italie des unions civiles (PACS) entre personnes de même sexe (presque comparables au mariage), cette loi apparaît de plus en plus anachronique et l'on espère que le législateur interviendra pour la mettre à jour.

 

Angelo Quarto lablaw avocat

 

Lablaw
Publié le 18 décembre 2018, mis à jour le 18 décembre 2018

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