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Ginori 1735, génie audacieux de la porcelaine italienne depuis près de trois siècles

Au cœur de la manufacture Ginori 1735 aux portes de Florence, plongée dans l’univers artistique et audacieux du génie de la porcelaine italienne qui séduit le monde entier depuis presque 300 ans. Héritière de savoir-faire ancestraux, la griffe propriété du groupe Kering, ne cesse de se réinventer, dans un marché en pleine expansion.

Salle modèles en procelaine GinoriSalle modèles en procelaine Ginori
Manufacture Ginori 1735 | Photo : courtesy Ginori 1735
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 6 octobre 2025, mis à jour le 8 octobre 2025

A trente minutes de Florence, à Sesto Fiorentino, le château d’eau désaffecté dominé par une immense sphère, à l’inscription « Ginori » écrite en lettres de porcelaine blanche d’un mètre de haut, est visible alentour, tel un emblème parmi les collines toscanes.
 

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Manufacture Ginori | Photo : courtesy Ginori 1735

 

C’est là que la compagnie a installé sa manufacture en 1950. L’histoire débute néanmoins bien plus tôt, à quelques kilomètres, à Doccia. Ginori 1735 renvoie aux origines de l'entreprise au XVIIIe siècle, lorsque le marquis Carlo Andrea Ginori ouvrit la future manufacture de Doccia au sein même de la villa du domaine familial. Cette majestueuse bâtisse surplombant les collines, est « l’origine d’un projet fou qui annonce une véritable révolution à Doccia », nous raconte l’un des héritiers du fondateur, depuis le grand salon de cette villa à l’atmosphère chargée d’histoire, aujourd’hui inhabitée.

Ginori 1735, le roi toscan de l’or blanc

Carlo Ginori est un aristocrate qui se transforme en entrepreneur en cherchant la formule parfaite de l’or blanc, porté par un XVIIIe siècle friand d’objets en fine porcelaine. Un véritable défi pour un privé, à une époque où les rois Louis XV et Louis XVI ont fait de la porcelaine une affaire royale avec la Manufacture royale de porcelaine de Sèvres, l’Empereur d’Autriche avec la Manufacture de Vienne ou encore le roi de Saxe avec la porcelaine de Meissen. Le marquis toscan fait alors venir les meilleurs artisans d’Europe : des peintres, des tourneurs et modeleur arrivèrent notamment de Limoges et de Paris.
 

fabrication de vases en porcelaine


La crème de la créativité

La manufacture excelle initialement dans les domaines de la sculpture et de la statuaire. Elle étend par la suite son expertise aux arts de la table. L’architecte milanais Gio Ponti (1891-1979), directeur de la création de 1923 à 1933, propulsera la manufacture dans la modernité. Il développe les techniques décoratives, modernise les couleurs, les formes et les motifs, révolutionne les manières de fonctionner, et signe de nombreux modèles devenus intemporels.

En 1954, le designer Giovanni Gariboldi imagine une collection aux lignes géométriques et parfaites dont les tasses s’emboîtent pour former une composition verticale, répondant au désir d’un nouvel art de vivre. Ce service Colonna remporte la même année un Compasso d’oro lors de la première édition du prestigieux prix international de design (à voir à l’ADI Museum à Milan).

La griffe a néanmoins connu des moments difficiles. Elle est sauvée de la fermeture par Gucci, florentine également, qui rachète la manufacture en faillite en 2013 avec pour mission de la transformer en véritable marque de luxe, en la reconnectant à ses propres racines.

 

Mehdi Benabadji, PDG de Ginori 1735 : "Ajouter un chapitre avec humilité et audace"


 

Depuis 2016 dans le giron de la maison mère, le groupe Kering, Ginori 1735 vit un plein essor. Déjà, le styliste italien Alessandro Michele, directeur de la création en 2014 pour quelques temps, avant d’être nommé à la tête des collections de la marque de mode, insuffle un souffle neuf. Il remet notamment l’ancienne collection Oriente italiano au goût du jour en la déclinant en des couleurs invitant à un délicieux “mix & match”, jusqu’à la propulser en tête des ventes partout dans le monde.

Depuis, Ginori ne cesse de s’entourer de la crème de la créativité, à l’instar de Luca Nichetto, Luke Edward Hall et Virgil Abloh, qui ont tous les trois signé des collections pour la maison, dont Le Voyage de Neptune.

 

pièces en porcelaine
Courtesy Ginori 1735

 

300 ans de porcelaine artistique

La griffe a retrouvé ses fastes d’antan grâce à une formule qui allie tradition et innovation. Dans l’usine de Sesto Fiorentino, le savoir-faire de la maison se transmet depuis près de 300 ans. Dans cet espace d’environ 10.000 mètres carrés, quelque 220 artisans et artistes sont à l’œuvre, dans une atmosphère hors du temps, entre le silence d’un travail manuel et artistique minutieux et le bruit des machines. Ils y produisent des milliers de pièces chaque jour.

Le processus de création de chaque produit Ginori 1735 commence dans le laboratoire de modelage, un lieu unique et magique où sont conservés les premiers moules de la manufacture. Dans ce vaste open space situé au premier étage, les moules sont modelés comme autrefois, à la main, au milieu d'étagères remplies de statues anciennes et de bas-reliefs qui ornent les murs. « Certaines de ces sculptures ont servi à créer les visages des huit personnages de la collection de fragrances d'intérieur LCDC, La Compagnia di Caterina [rendant hommage à l'histoire de Catherine de Médicis] conçue par Luca Nichetto », nous explique Alessandro Salvestrini qui dirige les ateliers de production.

 

assiettes peintes à la main Ginori 1735

 

Un mariage parfait de technologie et d'artisanat

Au rez-de-chaussée, un mélange de kaolin, de feldspath et de quartz est coulé dans le moule pour créer les formes. Au séchage, les finitions sont faites manuellement. Les créations sont ensuite trempées dans la couleur, selon un angle précis, et toujours par des mains expertes, avant d'être envoyées au four.

Chaque pièce est ensuite façonnée par une main experte qui ajoute les poignées, boutons, becs et autres détails de design. Le produit final est ensuite cuit à 1 000 °C et recouvert d'une glaçure spéciale qui le rend brillant et durable après une nouvelle cuisson à 1 400 °C. Si la porcelaine est décorée, elle est recuite une ou plusieurs fois, selon la complexité du décor.

« Les pièces sont ensuite minutieusement analysées par un personnel spécialisé. Seules celles qui ne présentent aucun défaut passent à l’étape suivante : la décoration », précise Alessandro Salvestrini

Il s’agit de la phase la plus contemplative, un processus minutieux qui comprend plusieurs étapes, telles que l'application d'un décalque, le filage, l'aérographie et la peinture à la main.

dessin main vase Gio Ponti


Dans un coin où règne un calme absolu, les artistes peignent méticuleusement les pièces les plus prestigieuses, « selon les mêmes techniques qu’il y a 300 ans », indique Giovanni, responsable de l’atelier « Dipinto a Mano ».

Ici, l'air a une odeur différente de celle du reste des autres ateliers : c'est celle de la térébenthine, de la résine de pin, un élément entièrement naturel utilisé depuis la fondation de la manufacture pour diluer les pigments en poudre et les métaux précieux comme l'or pur, l'or brillant et le platine. Le travail des peintres prend forme lentement, avec calme, précision et maestria. « Chaque pièce est unique. Pour réaliser un vase, il faut compter 200 heures de travail en moyenne entre le dessin et la peinture », nous explique Giovanni, à l’œuvre sur la réalisation d’un vase Gio Ponti, qui portera le numéro 10. Un chef-d’œuvre qui témoigne de l'histoire de la tradition et de l'artisanat qui ont fait la renommée de la Maison florentine dans le monde entier.

 

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