Entre Padoue et Venise, le long du canal Naviglio del Brenta, les fabriques mondiales de chaussures de grandes marques de luxe se concentrent sur un territoire long de 30km. Reportage dans l’un des principaux berceaux de la chaussure, où sont encore formés les artisans entre savoir-faire traditionnel et innovation.
Dans un paysage plat et romantique qui longe le canal du Brenta, entre Padoue et Venise, d’immenses édifices à l’architecture ultra-moderne côtoient de splendides Palais vénitiens du XVIe et XVIIe siècles, ces fameuses « villas paladines », autrefois résidences de villégiatures de la noblesse de la Sérénissime.
Sept siècles d’art, d'histoire, et d'innovation
C’est là que dès le XIIIe siècle, les "calegheri", virtuoses cordonniers vénitiens, œuvraient pour les nobles de la Sérénissime en produisant des chaussures précieuses et sophistiquées. Lorsque Napoléon a mis fin à la glorieuse République de Venise en 1797, certains de ces artisans qui habitaient dans la cité des Doges, faute de travail, furent contraints de se transférer le long de la Riviera del Brenta, influençant ainsi la croissance de ce territoire, jusqu’à donner naissance à l’un des plus importants districts de la Péninsule.
Dans la Botte, et en Vénétie en particulier, le tissu productif et artisanal du secteur du luxe est encore préservé. Aussi, des petits ateliers artisanaux aux grandes manufactures d’importantes marques de luxe, le district compte aujourd’hui près de 500 entreprises couvrant tous les métiers de la filière. 20 millions de paires par an y sont produites, dont 92% sont destinées à l’export, d’après les chiffres annoncés par la Chambre de commerce Venezia Rovigo.
Riviera del Brenta : le fief de la chaussure en chiffres
- 7 siècles de savoir-faire
- 470 entreprises de toute la filière
- 10.000 employés
- 20 millions de paires de chaussures produites / an
dont 98% pour les femmes.
- 94% d’exportation
- 2 milliards d’euros de chiffres d’affaires / an
Riviera del Brenta, terre de conquête des marques de luxe
Parmi ces grands noms du luxe, Bottega Veneta, Armani ou encore Yves Saint Laurent y ont leur manufacture. Louis Vuitton a aussi centralisé sa production de chaussures dans la petite localité de Fiesso d’Artico dès 1998, et en rachetant deux entreprises familiales en 2001 pour créer sa propre « Manufacture de Souliers ». Dans cette même localité, Chanel a racheté en 2000 le fabricant de chaussures de luxe Ballin – fondé en1945 par les frères Guido et Giorgio Ballin -, dont la maison française était l’un des clients principaux.
Comme aux siècles derniers, les artisans y réalisent les modèles de A à Z. En témoigne la visite au siège de HIM CO (High Italian Manufacturing), à Fosso’, entreprise spécialisée dans la production et la distribution de marques de luxe contemporaines. Dans cet immense édifice moderne, près de 400 paires de chaussures sont produites chaque jour. L’entreprise collabore avec 16 marques internationales, à l’instar de Jill Sander, Lanvin, Victoria Beckham, Cerutti ou encore Chloé.
Chaque styliste y a son bureau de style, alors que le vaste open space permet aux différents métiers de se côtoyer. À partir du modéliste qui conçoit et dessine, plus de 200 employés sont à l’ouvrage, supportés par les techniques et les machines les plus innovantes. La découpe, la réalisation du prototype, des talons, des semelles et des décorations, l’assemblage, la couture, le finissage…
La plupart de ces employés spécialisés, des artisans, sont issus du Politecnico Calzaturierio, inévitablement situé au cœur de la Riviera del Brenta, à Vigonza, depuis sa création en 1923.
Il ne s’agit pas seulement d’une école de formation, mais aussi de transmission d’un message, celui d’une culture, d’une passion et d’une tradition
Entre tradition et innovation
« Avec la formation initiale et la formation continue, 300 personnes sont formées à tous les métiers de la chaussures chaque année, avec un taux d’insertion professionnelle de 98% », explique la responsable des formations du Politecnico Calzaturiero.
Les salles de cours, meublées des machines innovantes, reproduisent l’environnement de l’entreprise, jusqu’à l’atelier de la chaussure de luxe qui est entièrement fait-main. « Il ne s’agit pas seulement d’une école de formation, mais aussi de transmission d’un message, celui d’une culture, d’une passion et d’une tradition », nous explique-t-on.
Un message qui célèbre l’importance de préserver les savoir-faire traditionnels de la manufacture made in Italy, tout en les faisant évoluer grâce aux nouvelles technologies.
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