Vladimir Poutine, Tony Blair, Dominique Strauss-Kahn… 35 dirigeants et plus de 100 milliardaires sont exposés par les Pandora Papers, révélant de nombreux secrets fiscaux. Cinq ans après les Panama Papers, 12 millions de pages de documents dénoncent les agissements de nombreuses personnalités publiques grâce à l’investigation de plusieurs centaines de journalistes.
Au moins 11,3 trillions de dollars sont détenus offshore dans le monde, selon une étude de l’OCDE. Face à ces agissements financiers de l’ombre, des journalistes d’investigation travaillent jour et nuit pour mettre la lumière sur les rouages de l’évasion fiscale. Les Panama Papers avaient créé une onde de choc en 2016 en mettant en cause des noms célèbres tels que le prince Charles ou Lewis Hamilton. Mais selon les spécialistes, les Pandora Papers seraient « sous stéroïdes […] plus larges, plus riches et détaillés ». Une aventure gigantesque qui marque de grandes innovations dans le monde de l’investigation : c’est la première fois qu’autant de journalistes à travers le monde sont réunis dans ce cadre.
Pandora Papers : des chiffres sous stéroïdes
Le Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ) est né en 1997, puis devenu indépendant vingt ans plus tard. Basé à Washington, cet organisme a été à l’origine de plusieurs fuites de documents comme les Panama Papers ou les Paradise Papers. Cette fois-ci, plus de 600 journalistes à travers 117 pays ont réuni leurs forces de recherche pour éplucher 12 millions de pages de documents divers : images, mails, rapports, notes...répartis dans 2,94 téraoctets de données. Les Pandora Papers ont été dévoilés dimanche 3 octobre 2021 à 150 organes de presse partenaires, dont The Guardian, Le Monde ou encore The Washington Post.
Un an et demi d’investigation a permis d’aboutir à la plus grosse fuite de données de cette série, dénonçant les combines de plus de 100 milliardaires, 35 dirigeants étatiques et 300 fonctionnaires. Les Pandora Papers exposent en effet 29'000 sociétés offshores, révélant les rouages internes de l’optimisation fiscale dans plus de 90 pays. Les entreprises en question sont engagées par de riches personnalités pour créer des structures offshores et des fonds dans des paradis fiscaux en Suisse, à Monaco, au Panama ou encore à Dubaï. Londres est considérée comme la plaque tournante de ce système financier, puisque la capitale britannique est le domicile d’une multitude d’avocats, d’agents et de dirigeants gérant les fonds de cette clientèle fortunée.
Des noms ressortent dans la liste : Tony Blair, Boris Johnson, le roi de Jordanie…
Parmi la longue liste de personnes mises en cause par les Pandora Papers, certains noms ressortent. Boris Johnson et le parti conservateur britannique en font partie : la fuite de données comporte des divulgations sur les principaux donateurs du parti. Mais BoJo n’est pas le seul Premier ministre mentionné : Tony Blair, à la tête du gouvernement entre 1997 et 2007, a été dénoncé par les Pandora Papers. Bien que les agissements dont il est question ne soient pas illégaux, les documents démontrent que le couple Blair a économisé 312’000£ en taxes foncières lors de l’achat d’une propriété londonienne à une famille bahreïnie fortunée. On comprend alors les failles facilitant l’optimisation fiscale pour une multitude de riches propriétaires terriens.
Le Roi Abdullah II de Jordanie se révèle quant à lui être à la tête d’un empire immobilier secret de 100 millions de dollars, grâce à la création de plus de 30 sociétés offshores. Il possèderait ainsi des propriétés éparpillées entre Malibu et Londres, en passant par Washington D.C.
La lecture de la liste des Pandora Papers permet de faire le tour du monde : trois anciens présidents panaméens, le Président de Chypre, le Premier ministre de la République Tchèque, ou encore l’ancien Président du FMI : Dominique Strauss-Kahn. Les politiciens ne sont pas les seuls dont les secrets financiers ont éclaté au grand jour, puisqu’on mentionne également la chanteuse Shakira ou la mannequin Claudia Schiffer.
Les Pandora Papers visent dans un premier temps le cabinet d’avocats Alcogal, basé au Panama, qui est impliqué dans la création de sociétés offshores pour dissimuler la fortune de plus de 160 personnalités politiques et publiques. L’explosion d’un tel scandale met en évidence le monde des finances de l’ombre et les rouages complexes permettant une optimisation fiscale constante, plus ou moins légale. On comprend également grâce à cette fuite de données que les États-Unis s’avèrent être un paradis fiscal de premier choix. L’État du Dakota du Sud par exemple, abrite des milliards de dollars de richesses liées à des individus accusés de délits financiers dans le passé.
Réactions immédiates de nombreuses personnalités
A la vue de ces révélations, Joe Biden s’est engagé à diriger des efforts internationaux pour apporter de la transparence au système financier mondial. Il semble cependant que l’onde de choc créée par les Pandora Papers le 3 octobre n’en finisse pas de s’agrandir. Même si, dans la plupart des pays, les faits en question ne sont pas susceptibles de poursuites, ils entachent l’image d’une élite déjà critiquée, et ont suscité des réactions immédiates de part et d’autre du globe.
Bien que le nom de Vladimir Poutine n’ait pas été directement cité, il est suspecté de posséder une fortune cachée, et certains de ses proches collaborateurs ont été dénoncés par les Pandora Papers. Son porte-parole au Kremlin a qualifié ces documents « d’allégations non fondées », et s’est empressé de renvoyer la balle aux États-Unis en critiquant l’évasion fiscale qui a lieu sur le territoire américain.
En Grande-Bretagne, les déclarations sont allées de bon train aujourd'hui. L’Institut Tony Blair a accusé The Guardian de déformer délibérément l’achat des locaux du couple Blair, et affirme que Tony et Cherie ont toujours payé l’intégralité de leurs impôts et n’ont jamais eu recours à des systèmes d’évitement offshore, quels qu’ils soient. Le Premier ministre actuel rejette également en bloc les divulgations de l’ICIJ : « tout ce que je peux dire à ce sujet, c'est que tous ces dons sont examinés de manière normale, conformément aux règles qui ont été établies sous un gouvernement travailliste. Donc, nous les contrôlons tout le temps. ». De son côté, Rishi Sunak, le chancelier de l'Échiquier, a déclaré que la réputation de Londres comme étant la capitale mondiale de l’évasion fiscale "ne devrait pas être une honte”. Il promet également que les autorités fiscales britanniques examineront les leçons à tirer de cette fuite de données.