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Peut mieux faire : la Pologne 29e sur 50 pays européens selon le LGBT Equality Index

La Pologne a reçu son classement par le LGBT Equality Index qui la classe 61e sur les 196 pays du monde passés à la loupe et 29e parmi les 50 pays du continent européen. Un résultat pas très « gay » qui tombe au coeur du « mois des Fiertés ». Le “Pride month” a avant tout pour but de sensibiliser aux causes LGBT+ mais le LGBT Equality Index montre le long chemin qu’il reste à parcourir pour arriver à une acceptation de ces minorités dans le monde. Décryptage des tendances européennes actuelles sur l'état des lois et de l'opinion publique à l'égard de ces minorités, en Pologne et chez ses proches voisins.

Photo de la marche des fiertés de Poznań de 2016Photo de la marche des fiertés de Poznań de 2016
Photo de la marche des fiertés de Poznań de 2016
Écrit par Emma Kozlowski
Publié le 24 juin 2024, mis à jour le 29 juin 2024

La Pologne, un pays “LGBT-friendly” ?

D’après le LGBT Equality Index, la Pologne ne serait pas vraiment tendre avec les personnes lesbiennes, gay, bisexuelles, transgenre ou intersexes. Classée 61e parmi les 196 pays du monde, un classement acceptable ; au regard de l’Europe, la Pologne fait partie des mauvais élèves en se classant 29e sur 50, après Chypre, Malte ou encore le Monténégro et la République Tchèque. Son score global sur l’index est de 53 sur 100, mais que cela signifie-t-il ? 

 

💡 C'est toujours mieux de savoir de qui on parle, cela évite de juger trop vite…

- LGBT+ est l’acronyme pour Lesbien, Gay, Bisexuel, Transgenre et plus, incluant le reste de la communauté comme les personnes intersexuelles par exemple.

- Une personne bisexuelle est attirée par les hommes et les femmes.

Une personne transgenre est quelqu’un qui adopte l'apparence et le mode de vie d'un sexe différent de celui de sa naissance. 

- Une personne intersexuelle ou intersexe est une personne naissant avec des caractéristiques sexuelles ne correspondant pas aux définitions classiques de la masculinité ou de la féminité.

 

Le calcul du LGBT Equality Index 

L’index est calculé en faisant la moyenne de l'indice juridique, qui évalue les droits et libertés juridiques dont jouissent les personnes LGBT+, et de l'indice d'opinion publique, qui évalue l'opinion du grand public dans chaque région. Afin de calculer l’opinion publique, le LGBT Equality Index utilise des enquêtes et des sondages réalisés par d'autres organisations. 

 

État des lieux des lois polonaises 

Avec un indice juridique de 62 sur 100, on constate que les lois polonaises ne sont pas particulièrement restrictives pour les personnes LGBT+. 

Cependant, en matière de droits, il reste des différences significatives entre les personnes appartenant à la communauté LGBT+ et les autres citoyens. 

En Pologne, des lois protégent les droits LGBT+ sur certains points, en théorie. Ainsi, l'homosexualité a été complètement décriminalisée en 1970, les discriminations liées à l’attirance sexuelle ou à l’identité de genre sont illégales dans le cadre de l’emploi, le changement de genre est possible si médicalement approuvé et il n’y aurait pas de censure concernant les LGBT+. 

Mais elles restent restrictives sur d’autres, renforçant les stéréotypes et creusant l’écart des droits entre les personnes de la communauté et les autres citoyens. Il est ainsi impossible pour un couple de même sexe de se marier, il est possible d’être discriminer en tant que personne appartenant à la communauté LGBT+ pour obtenir un logement, l’adoption par les couples LGBT+ est illégal et les thérapies de conversion (NDLR : moyen utilisé pour essayer de rendre une personne LGBT+ exclusivement hétérosexuelle et cisgenre.) ne sont pas bannies, tout comme les interventions chirurgicales sur les enfants intersexes. 

 

💡 Personnes intersexes et opérations chirurgicales abusives

Alors qu’une personne transgenre est quelqu’un qui ne se sent pas en accord avec son genre assigné à la naissance et qui, de ce fait, décide d’adopter l'apparence et le mode de vie d'un sexe différent de celui de sa naissance, quelqu’un d’intersexe nait avec des caractéristiques sexuelles ne correspondant pas aux définitions classiques de la masculinité ou de la féminité.
L'intersexuation est également parfois appelée DSD pour “Disorders in Sexual Development”, ou en français : Troubles du Développement Sexuel (TDS). 

Cette différence de caractéristiques sexuelles peut concerner un ou plusieurs aspects et varie selon chaque individu. 
- Ces caractéristiques peuvent concerner des caractéristiques sexuelles primaires comme les organes génitaux internes ou externes, les systèmes reproductifs, les niveaux hormonaux et les chromosomes sexuels.
- Ces caractéristiques peuvent aussi être sexuelles secondaires, apparaissant à la puberté et concerne la pilosité, la poitrine et l’élargissement ou pas du bassin.

AVERTISSEMENT : une femme au bassin étroit ou un homme glabre ne sont pas nécessairement intersexes : avis aux harceleurs ou ex-harceleurs de cours de récré.

Ces altérations de caractéristiques sexuelles peuvent avoir des impacts sur le long terme chez les personnes intersexes comme l’infertilité ou une prévalence de syndrômes. Encore peu d’études se sont penchées sur le sujet

La méconnaissance de leur condition par les personnes intersexes elles-mêmes, ou encore de la part du personnel médical peut également être néfaste.
En effet, des maladies catégorisées comme uniquement féminines ou masculines peuvent ne pas leur être diagnostiquées efficacement en raison de leur apparence plus conforme à un genre qu’à l’autre alors qu’elles arborent des caractéristiques sexuelles de l'autre genre. Certains traitements proposés peuvent aussi ne pas être adaptés à des taux hormonaux inhabituels ou fluctuants. 

Des experts estiment que jusqu’à 1,7 % de la population française naîtrait avec des caractéristiques intersexuelles.

Au cours de l’enfance d’une personne intersexe, des opérations chirurgicales sont généralement faites, sans le consentement éclairé de l’individu du fait de son jeune âge, dans le but de lui rendre une apparence conforme aux stéréotypes masculin/féminin.

Ces procédures sont souvent irréversibles et peuvent avoir des effets sur le long terme tels que l'infertilité, des douleurs, une perte des sensations sexuelles et des souffrances psychologiques à long terme, dont la dépression. 

 

L’opinion publique reste méfiante et peu favorable aux LGBT+ en Pologne : « Pas de ça chez nous ! » 

L’indice d'opinion publique en Pologne est de 44 sur 100, montrant un certain delta, un fossé non comblé, entre les avancées législatives et l’opinion publique. Un des exemples le plus symptomatique de ce phénomène est sans doute la présence, entre 2019 et 2024, de « zones sans LGBT ». Ces zones ont été déclarées par les communes elles-mêmes et bien que ces déclarations n'aient aucune valeur juridique, elles ont eu un impact négatif sur les personnes LGBT+ en les exposant, entre autres, à des agressions et à une importante stigmatisation.

 

💡 Les LGBT free zone : les “strefa wolna od LGBT

Tout commence en 2019 avec la signature d’une déclaration en faveur des droits des personnes LGBT+ par le maire de Varsovie, Rafał Trzaskowski. Cette déclaration fait alors grand bruit chez les politiciens et médias conservateurs du pays, particulièrement au sein du PiS (Prawo i Sprawiedliwość - Droit et Justice). Le chef du parti, Jarosław Kaczyński, qualifie à cette occasion les droits LGBT+ « d'importation » qui menace la Pologne, des droits qui seraient des « attaques sur la famille et les enfants ». 

C’est au cours de cette période que des municipalités et régions de Pologne se sont déclarées hostiles aux droits des LGBT+. Pour ce faire, elles ont déclaré deux documents : une « Charte des droits de la famille » et une « Résolution contre l'idéologie LGBT ».

Suite à ces décisions, le militant LGBT+ Bartosz Staszewski s’est mis à poser des panneaux dans les communes ayant adoptées des documents montrant une hostilité envers les personnes LGBT+, où il est écrit dessus “strefa wolna od LGBT” (« Zone exempte de LGBT »). Bien vite, les médias ont repris et relayés l’information comme quoi des « zones sans LGBT » avaient été créées ce qui a fait grand bruit, y compris à l’international.

Dans les faits, les documents adoptés par les communes visées par l’action de Bartosz Staszewski ne contiennent pas de facto une déclaration d'exclusion des personnes LGBT de tout territoire, de toute activité ou de tout droit. Cependant, si ces documents n’ont aucune valeur juridique, ils ont tout de même conduit à une discrimination et une violence accrue envers les personnes LGBT+ résidant dans ces zones. 

En février 2020, un tiers du territoire polonais se sont déclarées contre « l’idéologie LGBT » ou pour une attitude  « pro-famille ».

C’est en février 2024, par une décision du Tribunal administratif de la voïvodie de Varsovie, que la dernière zone de ce genre à été abrogée.

 

Des élections législatives et européennes qui rebattent les cartes

En élisant Donald Tusk en tant que Premier ministre en 2023, l’électorat polonais semblait attendre qu’un vent de libéralisme souffle sur le pays. Cependant, celui-ci semble tarder à venir tout comme les mesures fortes qui ont été promises.

 

Résultats officiels des élections parlementaires polonaises du 15 octobre 2023

 

Les résultats aux élections européennes, qui classent le PiS (Prawo i Sprawiedliwość) en deuxième position, à un souffle de la nuque du parti du Donald Tusk et ce, à moins d’un an des élections présidentielles, rendent plus incertain le futur des personnes LGBT+, souvent visées par des déclarations menaçantes du PiS. 

 

Élections européennes 2024 : pour qui les Polonais ont-ils voté ?

 

De proches voisins parfois bien plus sceptiques que la Pologne

Mais la Pologne reste bien avancée au regard de ses pays voisins plus à l’est : sur le classement mondial, la Biélorussie se trouve à la 132e place sur 196 et la Russie à la 170e place. À l’échelle européenne, la Pologne est devant l’Ukraine, la Slovaquie, la Roumanie ou la Géorgie, classées respectivement 32e, 33e, 37e et 44e sur 50.  

Le classement étant basé sur la moyenne de l'indice juridique et de l'indice d'opinion publique peut cacher quelques surprises : dans des pays comme en Géorgie, l’indice d’opinion publique est très bas, avec un score de 12, la Géorgie est le 4e pays européen le plus intolérant envers les LGBT+ dans son opinion publique, mais son indice juridique est plutôt bon avec un score de 64. Cependant, la moyenne des deux cause son bas positionnement dans le classement.

Ainsi, si certains pays positionnés en dessous de la Pologne sont plus souples législativement parlant sur les droits LGBT+, l’opinion publique au sein même des pays plombe leur note et cause leur déclassement.

La Pologne peut donc être considérée comme tolérante en comparaison de ses pays voisins, bien que ses lois soient parfois plus restrictives.  

 

Les bons élèves européens du LGBT Equality Index

D’après le LGBT Equality Index, les pays nordiques font partie de la région du monde la plus avancée en termes d’égalité législative et d’opinion publique sur les personnes LGBT+. Mais parmi les pays voisins de la Pologne, ce ne sont pas les seuls à faire partie des bons élèves. 

Avec un résultat prédictible mais non moins appréciable, la Norvège se classe à la 2e position du classement mondial. Avec leur indice de 79 sur 100, l’Allemagne et le Danemark se retrouvent respectivement à la 9e et 11e position mondiale. Un peu plus loin derrière, la France se trouve à la 16e position, suivie par la Finlande qui se classe 20e et la Suède qui, malgré son indice similaire de 74 sur 100, est, elle, 22e mondiale.

La Slovénie, avec son score de 66 est le pays ayant jadis appartenu à l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques) le mieux classé. Classée 37e au classement mondial, elle est talonnée par l’Estonie, premier pays balte à légaliser le mariage pour tous, et qui se trouve à la 40e place mondiale avec un score global de 64 sur 100. Mais surprise, son indice juridique est très proche de celui de la Finlande : ce dernier est de 85 lorsque l’Estonie a un indice juridique de 84.

Un résultat qui conforte la position de l’Estonie comme pays le plus libéral de la région baltique.  

 

35 ans après la fin de la Guerre Froide, une séparation Est-Ouest qui se fait encore ressentir 

Exceptions faites de Monaco, du Vatican et de la Turquie, tous les pays classés après la 23e position du classement européen sont des pays ayant été sous l’influence du communisme ou de l’URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques). Certains, bien que n’en ayant pas fait partie directement, ont tout de même ressenti cette influence en raison de leur positionnement géographique. Ce classement est donc aussi une illustration de la fracture qui persiste entre les pays ayant rencontré un régime communiste ou en ayant subi l'influence et les pays n’ayant pas vécu sous ce régime.

Une fracture au niveau des droits humains qui peut pousser au questionnement, après tout, l’essence même de la théorie communiste n’était-elle pas de mettre tout le monde sur le même pied d’égalité ? 

 

Mais tout n’est pas dichotomique et des progrès sont visibles dans de nombreux pays, en dehors de la séparation Est-Ouest qui, aujourd’hui, tend à se brouiller. Ainsi, après 24 ans de combat, la Lettonie a légalisé l’union civile entre deux personnes du même sexe, une loi permise par un jugement de la Cour constitutionelle et du nouveau gouvernement centre-gauche qui entrera en vigueur ce 1e juillet. Des changements apparents aussi en Grèce, qui est devenu cette année le premier pays chrétien orthodoxe à légaliser le mariage et l’adoption pour les couples de même sexe. 


État des lieux du mariage pour tous : quelles avancées dans le monde ? 

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