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Les enfants face à l’expatriation en Italie

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©Milena Moiola (Dreamstime)
Écrit par Manon Weibel
Publié le 27 septembre 2017, mis à jour le 29 septembre 2017

Si l’expatriation est un choix des parents, elle est également vécue par les enfants, qui sont contraint de s’acclimater à un nouveau mode de vie. Elle confronte l’enfant à l’expérience de la séparation. Pour y faire face il a besoin d’être accompagné. Anne-Sophie Monnier, psychologue et psychothérapeute franco-italienne à Milan, nous explique comment aider au mieux son enfant à s’adapter à sa nouvelle vie en Italie.

    

Lepetitjournal.com/Milan : Quelles peuvent être les difficultés rencontrées par un enfant expatrié ? 

Anne-Sophie Monnier : il n’existe pas de pathologie spécifique à l’expatriation. Le départ à l’étranger peut être un élément déclencheur plutôt que l’origine du mal être de l’enfant. Par exemple lorsque l’attachement de base est instable, l’expatriation peut devenir une véritable épreuve.
La façon dont le projet lui est présenté et celle dont les parents vivent l’expatriation vont avoir une influence majeure sur la manière dont l’enfant va réagir à celle-ci. D’autres facteurs, comme le stade de développement de l’enfant, la structure de sa personnalité et son histoire familiale vont avoir une influence déterminante.

 

Quels sont les signes qui montrent que l’enfant a du mal à s’adapter ? 

Selon l’âge, les modes d’expressions des difficultés seront différents.
Avant trois ans, les signes de mal être se traduiront par des manifestations de régression, comme un retard de développement au niveau de la propreté ou de l’acquisition du langage, des troubles du sommeil.
Après trois ans et avec l’entrée en maternelle, il s’agira plutôt de problèmes de séparation de leurs parents.
Chez les enfants de 5 à 10 ans, le mal-être concernera davantage les relations sociales avec des troubles de comportement, comme le repli sur soi, le désinvestissement, le refus d’aller à l’école.
Pour l’adolescent : le mal être se traduit sur le plan narcissique. Par exemple : une perte de confiance en soi, une inhibition ou un retrait social.

 


A partir de quand faut-il commencer à s’inquiéter ?

Il y a toujours une période d’ajustement nécessaire. Mais normalement, passé un ou deux mois l’enfant s’adapte.
Il faut consulter lorsque l’enfant ou l’adolescent expatrié manifeste une souffrance par des changements de comportements. Par exemple, il s’isole, se désintéresse, a des angoisses, pleure fréquemment… Si les symptômes persistent au delà de 3 mois il est important de consulter un spécialiste.
Tout est une question de degrés. Chacun de nous a des fluctuations émotives : nous sommes tous un peu phobiques, un peu névrotiques, un peu anxieux, mais quand ça ne devient plus supportable il ne faut pas hésiter à consulter.

 

Quels sont les âges les plus problématiques et pourquoi ?

On appelle cela les années charnières.
Ce sont notamment le CP, l’entrée au collège et l’adolescence.
A partir du moment où l’enfant est scolarisé, il peut se projeter dans le futur, il sera alors plus touché par la transformation de son cadre de vie, la perte de ses amis… Le changement d’école, d’environnement et souvent même de règles sociales peuvent devenir anxiogène.

Pour l’adolescent cela sera plus problématique. C’est un moment de remaniement de l’ensemble de la personnalité de l’enfant, la puberté avec ses modifications corporelles, la quête identitaire avec la nécessité de sortir de la dépendance affective avec sa famille sont autant de bouleversements qui font que la situation de départ à l’étranger peut exacerber ce qu’il vit déjà à l’intérieur de lui-même.

 

Comment aider au mieux un enfant à s’adapter, sans forcément avoir recours à un suivi psychologique ?

Les parents ont un rôle déterminant puisqu’ils représentent la continuité pour l’enfant. La façon dont ils vont vivre cette expatriation et la proposer à l’enfant, est fondamentale.
Les parents doivent être extrêmement concrets avec leurs enfants : leur expliquer ce qui va changer et ce qui ne va pas changer. Avant le départ, faire participer l’enfant aux préparatifs, remplir les cartons par exemple. Fournir à l’enfant des éléments clairs auxquels pouvoir se raccrocher lui permet de pouvoir faire face au sentiment d’impuissance qu’il peut éprouver.
Une fois sur place : il est conseillé de garder des rituels qui servent de repères à l’enfant, notamment en recréant un cadre de vie qui ressemble à celui qu’il avait précédemment, en aménageant sa nouvelle chambre comme l’ancienne par exemple.
Garder des liens avec la vie d’avant, les amis, les grands-parents permet à l’enfant la possibilité de se reconnecter avec ses racines.

Aujourd’hui, on voit apparaître ce que l’on appelle « les enfants de la 3ème culture », ce sont des enfants qui vivent des expatriations répétées. Ils n’ont plus une culture native, ils n’ont pas une culture d’accueil, Leur sentiment d’appartenance est ancré dans les liens qu’ils tissent avec ceux qui ont leur même style de vie. Ce sont des enfants qui sont particulièrement outillés face à l’expérience de la séparation mais à force d’y être confrontés, certains se forgent une « carapace » et présentent parfois une plus forte dépendance à la famille.  Ils savent s’adapter, sont flexibles et sociables bien qu’ils soient parfois habités par un sentiment d’instabilité. Ces enfants réussissent généralement mieux au niveau des études que leurs pairs.  

 


L’expatriation en Italie est-elle plus facile ?

On parle toujours des cousins français et italiens. Les italiens nouent très facilement le contact, ce qui confère à l’Italie une réputation de pays accueillant. « Les Italiens sont des Français de bonne humeur » disait Cocteau, cependant il y existe tout de même des différences de culture : les styles d’éducation sont très différents, les études universitaires sont plus flexibles, la bureaucratie, en Italie, est plus lente et plus complexe.

Pour autant l’expatriation en Italie ne représente pas, en général, une grande déstabilisation si on vient de France.

 

Anne Sophie Monnier psychologue française Milan

 

Anne-Sophie Monnier, basée à Milan, est psychologue, psychothérapeute et psychanalyste titulaire de l’IFPS (International Federation of Psychoanalytic Societies).  

 

Manon_Weibel
Publié le 27 septembre 2017, mis à jour le 29 septembre 2017

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