Récemment, la Cour de Justice de l’Union européenne et la Cour constitutionnelle italienne ont été appelées à vérifier la légitimité de certaines réformes menées par le gouvernement italien ces dernières années, concernant les licenciements.
Analysons brièvement les deux arrêts qui ont abouti à deux conclusions différentes à l’égard de la conformité aux principes généraux relatifs aux sanctions d’une rupture illégitime des rapports de travail pour raisons économiques.
L'arrêt de la Cour de justice européenne du 17 mars 2021
Par arrêt du 17 mars 2021 (affaire C-652/19), la CJE a reconnu la compatibilité avec les règles de l'Union européenne de l'une des réformes italiennes les plus importantes, à savoir, la réforme des règles de licenciement résultant de la loi sur l'emploi, approuvée par le gouvernement italien en 2015 (Jobs Act).
L'affaire qui a donné lieu à la décision de la Cour de justice européenne
L'affaire ayant donné lieu au jugement concerne une procédure de licenciement collectif qui, en 2017, avait mise en œuvre pour 350 travailleurs.
Le licenciement collectif a été déclaré illégitime par le Tribunal pour violation des critères de sélection. Les travailleurs (auxquels s'appliquaient les protections visées à l'article 18 Statut des travailleurs) ont tous été réintégrés à leur poste de travail par le Juge, à l’exception d’une seule employée, qui n’a obtenu qu’une indemnisation.
Cette dernière avait été embauchée en CDD, par la suite transformé en CDI (fin mars 2015), avec application des protections prévues par le décret législatif n. 23/2015 (Jobs Act).
Le Tribunal de Milan par ordonnance du 5 août 2019, ayant reconnu l'existence de deux régimes de sanctions différents en cas de licenciement collectif illégal (d’une part celui réservé aux anciens salariés, fondé sur la réintégration au poste de travail, d’autre part celui destiné aux nouveaux salariés avec indemnisation comme mesure principale), a donc demandé à la CJE de se prononcer sur la conformité (ou non) d’une telle différence de traitement au droit de l'Union européenne.
La décision de la Cour de Justice européenne
La CJE, dans son arrêt, a affirmé que la distinction, contenue dans les règles sur le contrat à protections croissantes entre les travailleurs embauchés avant et ceux embauchés après son entrée en vigueur (7 mars 2015), ainsi que l'inclusion dans cette deuxième catégorie des CDD transformés en CDI après cette date, était compatible avec le droit communautaire. Et pour cause, la législation du Jobs Act vise précisément à favoriser la stabilité de la relation de travail à durée déterminée, en conformité avec les objectifs poursuivis par le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination entre les travailleurs en CDI et ceux en CDD (clause 4 de l'Accord-cadre du 18 mars 1999).
La décision de la Cour Constitutionnelle n. 59 du 1er avril 2021
La Cour Constitutionnelle italienne (décision n. 59 du 1er avril 2021), a quant à elle déclaré l'inconstitutionnalité de l'art. 18 du Statut des Travailleurs (loi n. 300/1970), et plus précisément la partie où est prévue la simple faculté pour le Juge, mais pas l'obligation, de réintégrer le travailleur licencié arbitrairement en l'absence d'une raison objective justifiée.
L'affaire ayant donné lieu à la décision de la Cour Constitutionnelle
La question trouve son origine d'une affaire jugée devant le Tribunal de Ravenne, concernant la contestation d’un licenciement pour motif économique. Le Juge a soulevé la question de la constitutionnalité de l'art. 18 de la loi n. 300/1970, et notamment celle du pouvoir discrétionnaire du juge de choisir entre la réintégration du travailleur et la seule indemnisation lorsque l'inexistence du motif économique à la base de la résiliation était constatée.
En particulier, selon le Tribunal de renvoi, la mise en place d'un régime de protection objectivement différent entre le licenciement pour motif économique et le licenciement pour faute de l’employée (pour lequel la sanction de la réintégration est applicable de manière obligatoire) serait contraire aux principes énoncés aux articles 3, 24, 41 et 111 de la Constitution italienne.
La décision de la Cour constitutionnelle
La Cour suprême a ainsi estimé que la question d'inconstitutionnalité soulevée par le Tribunal de Ravenne était fondée : « le caractère purement facultatif de la réintégration révèle, tout d'abord, d’une dysharmonie interne dans le système particulier défini par la loi 92 de 2012 et viole le principe d'égalité », conformément à l'art. 3 de la Constitution italienne.
Plus précisément, les juges constitutionnels ont donc jugé déraisonnable qu'en présence de la même situation juridique (l'illégitimité du licenciement pour inexistence du fait), on puisse avoir une disparité de traitement entre le licenciement économique et celui pour faute.
Aussi, la Cour constitutionnelle a déclaré que le juge ne peut pas avoir de pouvoir discrétionnaire quant à la sanction applicable en cas de licenciement pour motif économique révélé inexistant. C’est donc bien nécessairement la protection de la réintégration qui doit être appliquée.
Remarques finales
La CJE a ainsi pleinement favorisé les choix opérés par le législateur national avec la réforme du droit du travail de 2015 (Jobs Act).
Au contraire, la Cour suprême italienne a considéré comme inconstitutionnelle la disposition d'un régime de protection différent en cas de licenciement pour motif économique, par rapport à la protection prévue en cas de licenciement pour faute du salarié.
Une fois encore, la fonction importante des Hautes Cours pour garantir le respect de la Constitution italienne et du droit communautaire par les réformes du marché du travail (et en particulier de la discipline des licenciements) est confirmée. Il est également confirmé que les réformes (au-delà des objectifs politiques) ne peuvent pas ignorer la formulation correcte des règles du point de vue technique et du respect des principes généraux.