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Italie: La Cour Constitutionnelle porte un nouveau coup aux licenciements économiques

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Palazzo della Consulta (Cour constitutionnelle italienne) | Flickr @ Richard Mortel
Écrit par Lablaw
Publié le 31 mai 2022, mis à jour le 31 mai 2022

La Cour constitutionnelle italienne s’est de nouveau prononcée sur la légitimité des règles concernant les licenciements économiques, et apporte un coup ultérieur à l’article 18 du code du travail.

 

Les règles relatives aux licenciements économiques en Italie sont fréquemment amenées à être passées au peigne fin par la Cour constitutionnelle. En témoigne un nouvel arrêt du 19 mai dernier, qui vient s’ajouter à un précédent arrêt datant d’un an auparavant. Dans ce dernier (arrêt n. 59 du 1er avril 2021), la cour constitutionnelle avait jugé l'inconstitutionnalité de l'art. 18 du code du travail dans la partie prévoyant la simple faculté (et non l'obligation) pour le juge de réintégrer le travailleur arbitrairement licencié en absence de motif objectif justifié.

Le 19 mai dernier, la Cour Constitutionnelle est de nouveau intervenue examinant la conformité constitutionnelle de l'art. 18, alinéa 7 du code du travail, qui prévoit qu'en cas de licenciement pour motif économique, la réintégration du travailleur à son poste de travail n'est possible que dans le cas où la notion d’inexistence du fait à l'origine du licenciement est « manifestement » dépourvue de substance (alors que dans tous les autres cas de licenciement abusif, le travailleur n'a droit qu'à une compensation économique, entre 12 et 24 mois de salaire).

A cet égard, la Cour de cassation (avec l'arrêt n.10435 de 2018) avait précisé que : « La notion manifeste d’inexistence du fait à l'origine du licenciement, démontre que le législateur a voulu limiter la possibilité de la réintégration du salarié à son poste à des hypothèses résiduelles [...] limitant cela à ceux d'une absence évidente et facilement vérifiable des conditions justificatives du licenciement qui permet d'apprécier le prétexte clair de la révocation ».

Les motifs du renvoi de la question à la Cour constitutionnelle

Le Tribunal de Ravenne a soumis la question de la conformité constitutionnelle à la Cour des Sages pour diverses raisons, en supposant l'illégalité de l’alinéa 7 de l'article 18 du code du travail par rapport aux articles 1, 3, 4, 24 et 35 de la Constitution italienne.

En bref, le juge de renvoi a fait valoir qu'il y aurait violation de l'article 3 de la Constitution italienne, car cette règle contiendrait une « différenciation injustifiée, irrationnelle et illégitime » entre les hypothèses de licenciement pour motif disciplinaire (dans lesquelles la réintégration est prévue dans le cas où le fait qui est à la base du licenciement est inexistant) et celui du licenciement pour motif économique (pour lequel il est exigé que l'inexistence du fait soit "manifeste").
En outre, le tribunal de Ravenne a également redouté la violation des articles 1, 3 premier alinéa, 4 et 35 de la Constitution, en raison du fait que la loi aurait mis en œuvre « un équilibre illégitime entre les valeurs en jeu des deux parties de la relation ».

La décision de la Cour constitutionnelle

Après avoir reconstitué les arguments avancés à l’appui de l’ordonnance de renvoi, la Cour des Sages a estimé que la question de la conformité constitutionnelle était fondée en raison de l'opposition de la loi en cause avec le principe d'égalité visé à l'article 3 de la Constitution.

Les Sages ont en particulier affirmé que l'exigence de la notion de « manifeste » inexistence du fait est, avant tout indéterminée, et pour cette raison même, se prête à des incertitudes d'application.
Selon la Cour, en effet, il apparaît largement problématique d'identifier la distinction entre l'inexistence “simple” et l'inexistence “manifeste”. Conséquence, le juge pourrait arriver, en l'absence de tout paramètre de référence, à « des solutions différentes, d'où résultent des différences de traitements injustifiés ».
La Cour a ainsi précisé que le pouvoir d'appréciation du juge dans l'interprétation des faits ne peut être complètement arbitraire, et doit tout du moins être ramenée à des paramètres fiables et cohérents.

Par conséquent, il a été jugé que “la notion de la manifeste inexistence du fait à l'origine du licenciement, impose au juge de procéder à une appréciation dépourvue de tout critère directeur et de fondement empirique plausible".
Enfin, l'arrêt de la Cour souligne que les circonstances pour lesquelles un fait peut être considéré  “manifestement” évident, produit dans le cadre d'un licenciement pour motif économique (dans lequel le cadre de preuve est souvent plutôt complexe et articulées) - elles n'ont rien à voir avec la plus grande dévaleur qui devrait caractériser le modèle de protection (c'est-à-dire la réintégration ou la protection par indemnisation).

C’est pour ces motifs, et en raison du mot « manifeste », que la Cour constitutionnelle a déclaré la non conformité de l'art. 18, alinéa 7, à la Constitution.  
Cela signifie donc que le juge n’est pas tenu de vérifier que la raison organisationnelle exécutée sur la base du licenciement doit être « manifestement » dépourvue de substance.

Remarques finales

En conclusion, il faut dire que l'intervention réformatrice du législateur italien de 2012 (la loi 92/2012) avait pour objectif déclaré de garantir que la sanction de la réintegration sur le poste, en cas de licenciements sans cause réelle ni sérieuse, ne s'applique qu'à des hypothèses limitées et spécifiques, alors que la règle générale est celle de la protection par la voie de l’indemnisation.
Aujourd'hui, du fait des arrêts de la Cour Constitutionnelle (n. 59/2021 et n. 125/2022), mais aussi des derniers arrêts de la Cour de Cassation sur les licenciements pour motifs subjectifs, il est évident que - contrairement à celle qui était l'intention initiale de la réforme Fornero – les choses ont  radicalement changes. Le recours à la réintégration retrouve une place importante pour (presque) toutes les hypothèses de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il serait alors souhaitable de réexaminer la législation sur les licenciements dans son ensemble, en tenant également compte du fait que la différence avec les différentes protections prévues, conformément au décret législatif n. 23/2015 (appelée Jobs Act), pour les embauches survenues après le 7 mars 2015, apparaît de plus en plus criante.

 

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