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Escapade linguistique franco-italienne : Mamma mia, mais c'est épouvantable !

homme choqué et surprishomme choqué et surpris
@krakenimages, Unsplash
Écrit par Françoise Danflous
Publié le 4 août 2022, mis à jour le 29 décembre 2023

Encore une fois, les langues française et italienne témoignent bien à quel point les deux peuples transalpins sont cousins. A découvrir à travers cette « épouvantable » escapade linguistique !


En italien, peur se dit paura mais aussi strizza dans un parler de tous les jours; le mot désigne d'abord le spasme intestinal stimulé par une frayeur forte ou soudaine, puis la peur elle-même. La peur, c'est aussi l'irréfrénable et familière cacarella, dont on imagine bien la cause et les dégâts. Trop pipi caca ces Italiens ? Pourtant, cousins comme nous sommes, il serait étonnant que ces images ne courent pas chez nous. Pas de mystère avec les populaires pétoche (peur) et péteux (peureux) qui dérivent directement du mot « pet ». Un tour de dictionnaire nous en donne d'autres, identiques et même pires, en seulement moins visibles. Dans un français d'il y a des siècles, le mot trouille signifia « colique » puis, cette fois (hé hé) « gros pet ». Et tout porte à croire que le mot frousse serait issu d'un certain fluxa désignant un flux de dysenterie, ne laissant planer aucun doute sur l'émotion et les remous intestinaux qu'elle engage. A propos,  « avoir la frousse » se dit prendere uno spaghetto, littéralement « prendre un spaghetti ». Un spaghetti tout cru tout dur alors, fait exprès pour faire mal partout il passera ? Deux hypothèses plus probables: une personne effrayée se tordrait comme un spago (une ficelle) se tortille, ou bien, avec les mots rien d'impossible, il pourrait s'agir d'une altération tarabiscotée du mot spavento (épouvante).

Autour de nous, mille et une créatures fétides donnant la chair de poule, la pelle d'oca, la peau d'oie, comme disent les Italiens un peu à la marseillaise, passant à une volaille plus grosse pour bien montrer le frisson. Que de bau ! (bouh) sont remontés de dessous nos sommiers, parfaites cachettes à loup-garou et lupo mannaro ! Frères de cœur et de sang sauf pour une différence. Autrefois, garou tout seul signifiait homme-loup, ce qui en fait ici une bête doublement fauve. Le contraire pour mannaro: venu d'un humanarius latin (humain), il compose le parfait hybride docteur Jekill et mister Hyde. Mais rien ne change à la terreur que leur nom évoque chez les petits. Il fallut attendre l'ère des dessins animés pour qu'ils osent narguer le grand méchant loup, lupo cattivo. Les enfants de Français avec un nasillard Qui craint le grand méchant loup ? C'est p't'être vous, C'est pas nous ! Les enfants d'Italiens, sur les mêmes notes mais sans oser citer l'animal: siam tre piccoli porcellin, siamo tre fratellin, mai nessun ci dividerà (nous sommes trois petits cochons, nous sommes trois petits frères, jamais personne ne nous séparera).

La fée carabosse et sa voisine la Befana

Toujours la nuit, toujours quand nous sommes seuls, les doigts crochus de deux vieilles malfaisantes grattent aux fenêtres. Aiuto (au secours) ! La fée Carabosse, dont on ne sait pas trop ce que le nom signifie (en tout cas, bosse et cabosse, on n'y entend rien de bon), dispensatrice de mauvais dons. Et sa voisine la Befana, que l'étymologie fait descendre d'Épiphanie (la dame n'apparaît que le 6 janvier) et qui, en guise de cadeau empoisonné, offre du charbon aux enfants désobéissants. Puis des messieurs guère ragoûtants. Le croquemitaine (dont l'origine incertaine est aussi disparate qu'une liste de course, mitaine étant tour à tour le chat, le gant, la gifle...), babàu en italien (bau voulant dire ouah !) et uomo nero (homme noir). Tous nous ont fait trembler depuis nos plus lointaines berceuses: questo bimbo a chi lo do ? Lo darò alla Befana che lo tiene una settimana; lo darò all'uomo nero che lo tiene un anno intero (à qui vais-je donner cet enfant ? Je le donnerai à la Befana, qui le garde une semaine; je le donnerai à l'uomo nero, qui le garde toute une année). Prions que les nounous d'aujourd'hui aient changé de répertoire ! Puis l'ogre, l'orco,  le roi des rois des méchants (une même racine étrusque se situe à l'origine des mots ogre et césar, associant le monstre et le monarque depuis la nuit des temps). La créature aux narines frémissantes hume la bonne viande à des lieues à la ronde: ucci ucci sento odor di cristianucci (littéralement ucci, ucci, je sens une odeur de petits chrétiens) l'équivalent, argh et ouille, de notre ça sent la chair fraîche tout aussi cannibale.

Mano cornuta et Cornes du diable

Bon, alors là, fuyons ! Ou fouillons vite dans nos grigris pour y conjurer l'effroi. Épouvantail ? Trèfles à quatre feuilles ? Fer à cheval ? Gentillets, vieillots, périmés. Le catalogue italien nous invite à du meilleur et bien corsé. Un des plus courus pour une protection de 24 heures, la mano cornuta ou simplement corna (chez nous cornes ou cornes du diable) que l'on exécute poing fermé, index et auriculaire tendus: on dit qu'elle garde toute son énergie qu'elle soit sous forme de geste ou d'objet, pendentif, bracelet, porte-clés. Du plus lourd ? Les ogres sont durs de la comprenette, ce qui nous laisse le temps de leur adresser un beau bras d'honneur libérateur, gesto dell'ombrello en italien, littéralement geste du parapluie parce qu'il évoquerait un bras replié sur lequel accrocher un parapluie. Accompagnons-le d'un beau tié !  (tiens !) napolitain qui en décuple chaque effet. Et puis, surtout, surtout, déguerpissons quand même tout de suite après de toutes nos jambes !

 

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