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Du français à l’italien, la métamorphose du mot

livre ouvert avec personnages dessinés dessuslivre ouvert avec personnages dessinés dessus
Écrit par Françoise Danflous
Publié le 7 juillet 2021, mis à jour le 7 juillet 2021

On sait que les mots changent de forme dans l'espace par effet de traduction mais certains peuvent aussi avoir un double sens, insoupçonnable, parfois loufoque. Du français à l’italien, voyage dans l’histoire des mots et leur signification métamorphosée.


Salagadou, la menchikabou, la Bibidi Bobidi Bou, Mélangez tout ça, et vous aurez quoi ? Bibidi Bobidi Bou ! Là, c'est la formule magique de la marraine de Cendrillon (Walt Disney) en train de transformer une citrouille en carrosse. Joli coup mais pas évident chez nous sauf, peut-être... avec les mots. Leur histoire montre en effet qu'ils peuvent avoir un sens puis, d'un abracadabra qu'on ne voit pas toujours arriver, en trouver un autre qui n'a rien plus rien à voir. On sait bien sûr que les mots changent de forme dans l'espace par effet de traduction mais certains peuvent aussi avoir un double, insoupçonnable, parfois loufoque, resté coincé dans un recoin de l'Histoire.

Disons la vérité, les carrosses ne deviennent pas forcément des citrouilles. En France, ils se transforment en sauce froide, en Italie, c'est plus chic, en boussole. « Vous prendrez bien une vinaigrette avec moi pour aller au château ? » : ce qui ressemble à une lubie de vieille marquise n'est en réalité qu'une invitation banale à l'époque des rois, favorites et Versailles de la belle heure. Car vinaigrette désignait, aussi, une chaise à (un) porteur fermée, très en vogue car plus maniable et rapide qu'un puissant carrosse. Bon, la vinaigrette, ça n'est pas très glamour mais enfin c'est logique : elle rappelait les brouettes que les marchands de vinaigre utilisaient alors pour se faufiler en ville. Du côté italien, vinaigrette, écrit et prononcé à la française, reste, et ce n'est pas un scoop, la sauce salade que nous connaissons. Mais la chaise à porteur tirée par un seul homme (notre vinaigrette du Grand siècle) s'appelait bussola (boussole). Parce qu'elle trouvait la direction toute seule? Parce que, toute en bois avec des serrures sur le côté, elle ressemblait à une boîte. Et boîte se disait alors bussola.

Les portails subissent la même métamorphose en France et en Italie: ils se changent en gribouillis ou en... notables. Hum, encore une histoire à dormir debout. Pourtant il suffit de remonter au latin cancellus (grille) pour y voir clair. Chanceler qui en dérive voulait dire s'entrecroiser (les membres) et perdre l'équilibre mais aussi disposer en treillis. Bon. Puis vint le sens figuré de rayer, barrer, parce que la chose sous treillis, on finit par ne plus la voir. Tout comme l'italien cancellare (aujourd'hui effacer) qui, à ses débuts, signifiait coprire con un cancello (couvrir avec un portail). Les temps changent et les belles habitudes finissent par s'étioler car, avant les coups de gomme sauvages et les ratures plus ou moins anarchiques, on s'appliquait à dessiner de beaux petits traits verticaux et horizontaux (un petit portail) sur le mot à supprimer, pour l'encager et le faire disparaître. Et les notables alors? Tout doux. Les voici avec les chancelier français, cancelliere italien: ils doivent leur nom aux grilles et petits portails (cancelli) séparant les juges et les rois du public que, en qualité de huissiers, ils avaient pour mission de garder.

Un « apéritif formidable », vraiment ?

Prenons garde quand même lorsque le français et l'italien suivent pas à pas et jusqu'au bout le même chemin. Regardons les tout bêtes apéritif et formidable. L'apéritif, aperitivo (latin aperire, « ouvrir ») raconte l'histoire d'une vilaine mixture à boire tout seul transformée en bon moment à partager entre amis. Autrefois, les apothicaires en prescrivaient deux trois gorgées pour ouvrir nos orifices, une manière de citer, disons-le, purgatifs et diurétiques. Plus tard, le mot se fit plus aimable et désigna une boisson alcoolisée qui ouvrait l'appétit. Le mot formidable, formidabile, fut d'abord « effrayant » (l'ancêtre latin formido était un épouvantail) puis, parce que c'est aussi ce qui sort de l'ordinaire qui fait peur, « stupéfiant ». Le dictionnaire nous conseille alors la prudence : si l'on nous propose un apéritif formidable, on s'apprête à nous servir, selon l'époque où la machine à remonter le temps nous aura fait descendre, soit un délicieux cocktail soit un épouvantable purgatif.

Voilà qui nous engage à ne pas étudier les langues dans les manuels de nos arrière-arrière-arrière-grands-parents, les mots qui y figurent pourraient bien répondre au modèle citrouille-carrosse-citrouille et nous réserver de belles surprises si on ne les tient pas par le bon bout. Bibidi Bobidi Bou !

 

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