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Françoise Danflous : "Faire scintiller la langue française en Italie"

Françoise DanflousFrançoise Danflous
Françoise Danflous, professeur de français et lexicographe en Italie
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 14 mars 2023, mis à jour le 8 mars 2024

A l’occasion du mois de la francophonie, rencontre avec Françoise Danflous, professeur de français à l’université Statale de Milan depuis plus de 30 ans, lexicographe pour les dictionnaires bilingues Garzanti et superbe plume de nos éditions italiennes. Passionnée des mots, de leur vie, leur mouvement et leur équivalent en italien, la spécialiste de la langue française multiplie les initiatives créatives pour promouvoir le français en Italie.


 
Lepetitjournal.com/Milan : Vous habitez l’Italie depuis une quarantaine d’années, où vous enseignez le français à l’université. La langue française jouit-elle du même attrait que dans le passé, dans la Péninsule ?

Françoise Danflous : Indéniablement, les étudiants sont bien moins nombreux. Il y a 40 ans, j’enseignais dans des amphis, aujourd’hui dans des salles de classe. L’enseignement universitaire est important, mais il y a d’autres façons de divulguer la langue française pour la rendre attrayante aux yeux des nouvelles générations italiennes. Je développe plusieurs projets créatifs, des petites touches ludiques qui permettent de faire scintiller la langue française.

 

Dictée des étoiles, Dictée déjantée, semaine franco-napolitaine… Racontez-nous !

Je collabore avec l’Institut français Milano en organisant depuis plus de 10 ans la « Dictée des étoiles », qui se tiendra cette année le 18 mars. Le but : faire participer le plus de personnes de tous les horizons, des élèves, des étudiants, des autodidactes, des enseignants aussi. En 2019, toujours avec l’IFM, j’ai par ailleurs lancé un concours de légendage, « la Fabrique des légendes ». On propose des photos dont on efface la légende, et les participants sont invités à dépasser leur crainte de la feuille blanche en faisant preuve de créativité pour légender l’image.
La nouveauté 2022 était le jeu-concours de la « Dictée déjantée », un texte rempli de jeux de mots et de fantaisie, ouverte aux francophones et également de langue maternelle française.
J’aimerais également renouveler la dictée faite à Naples dans le cadre d’une semaine franco-napolitaine, organisée grâce à une collaboration de l’Institut français et de la ville de Naples.
L’idée commune à tous ces projets est de sortir des cadres pour stimuler la découverte de la langue française.

 

Ecrire ces chroniques est comme une promenade, au cours de laquelle je donne des coups de pédales dans la langue

Chaque mois, vous donnez également rendez-vous à nos lecteurs avec des chroniques linguistiques qui sont aujourd’hui très suivies. Une véritable escapade à travers les mots, français et italiens, remplie d’humour.

Pour moi, écrire ces chroniques est comme une promenade, au cours de laquelle je donne des coups de pédales dans la langue, en m’amusant. J’essaie d’aller vers des gens qui n’ont pas forcément les mots dans la culture, les oreilles, ou n’ont pas de formation linguistique. Je parle des mots comme des objets, pour montrer leur force et l’héritage qu’ils laissent entre nos deux pays.
[Retrouvez la trentaine de chroniques sur notre édition]

 

A côté de votre métier d’enseignante, vous êtes notamment collaboratrice du dictionnaire italien-français Garzanti. Comment écrit-on un dictionnaire ? Que se passe-t-il dans les coulisses ?

Avant tout, il s’agit d’un travail d’équipe, fait d’échanges entre collaborateurs francophones et italophones.  Pour ma part, je participe à l’aventure du Grande dizionario francese depuis plus de 40 ans. Ce dictionnaire bilingue français-italien contient aujourd’hui 350.000 mots et acceptions, dont 800 faux-amis franco-italiens. La version en ligne est actualisée très régulièrement entre les nouveaux néologismes et les mots qui disparaissent.
Pour cela, je vais écouter des gens dans des bars, des supermarchés, discuter avec des jeunes, en Italie comme en France. J’aborde les passants dans la rue aussi, en variant les zones géographiques et les extractions sociales. Ensuite, je note les mots dans mon carnet qui ne me quitte jamais. J’observe leur récurrence, car un mot peut naître très vite mais aussi tomber en désuétude rapidement.

Quels mots ont pu poser des difficultés dans la traduction du français à l’italien ?

Certains nouveaux mots français ne peuvent pas avoir une traduction littérale. On cherche alors un équivalent, ce qui particulièrement stimulant. Pour cela, je travaille avec une équipe de Français et d’Italiens issus de milieux différents.  Le mot « bisounours » par exemple est impossible à traduire ! Dans le dictionnaire, l’exemple « dans un monde de bisounours » est devenu in un mondo tutto rose e fiori, en italien. Un peu moins couru mais tout aussi opaque pour un étranger,  « appartement ravioli », un appartamento dove si fanno ravioli destinati ai ristoranti asiatici.

Le dictionnaire doit être plus qu’une image de la société et de ses inquiétudes, c’est un être sensible. Avec le temps, les mots apparaissent, se transforment puis disparaissent. On ne peut pas encore savoir quelle durée de vie auront certains mots et expressions usuels aujourd’hui, comme « bolos » qui se traduit par sfigato/a, « cassos », caso umano, caso disperato, « prout-prout », snob ou même, pour être très prosaïque, « ticket de métro », ceretta all’inguine.

Et à l’inverse, en italien, y a-t-il un mot qui a pu vous poser des difficultés dans sa traduction en français ?

Je me souviens par exemple de l’expression « pappa e ciccia », dont l’équivalent trouvé fut cul et chemise. Dans tous les cas, tous ces mots prouvent qu’il est important, encore aujourd’hui, d’avoir un dictionnaire sous la main. Et si l’on aime vraiment la langue, d’en collectionner les éditions !

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