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LANGUE – L’intrusion du français en italien

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Turin, la ville considérée comme "la plus française" d'Italie
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 23 mars 2017

Mignon, décolleté, habitué... Il n'est pas rare de rencontrer des mots français au coeur d'une phrase italienne. Et pour cause, ils représentent 7% du vocabulaire de base de la langue de Dante.  A l'occasion de la semaine de la francophonie, analysons l'importance de cette pratique. Un phénomène aux multiples raisons, né au Moyen Âge.

 

On pourrait croire que l'Italien moyen est plurilingue, insérant quelques mots de français par-ci, d'autres anglais par-là. A moins que ce ne soit la langue elle-même qui ne devienne de plus en plus étrangère aux Italiens eux-mêmes.
Au quotidien, les Italiens pensent être de bon ton (prononcé bone tone) ou sacrément à la page en décrivant la grandeur de la France, en dénonçant un escamotage, en assurant avoir le physique du rôle (on dirait plutôt le physique de l'emploi en français).  
Et même s'ils revendiquent leur suprématie culinaire et vinicole ou encore incarner la mode, le vocabulaire employé s'y référant fait pourtant honneur à la France. Le Chef prépare des plats italiens, le sommelier sert le vin du Belpaese, et cela avec beaucoup de savoir-faire. On apprécie faire ses courses dans des boutiques de prêt-à-porter, surtout lorsque l'on a la silhouette qui s'y apprête.
Chaque matin, on déguste une brioche pour accompagner son café au bar dans lequel on est devenu un habitué.


"Gallomania"

Le phénomène est très ancien. « Les gallicismes ont commencé à circuler en italien dès le Moyen Âge, les plus anciens sont désormais complètement assimilés dans la langue italienne, jusqu'à devenir difficilement reconnaissable, explique Cristina Brancaglion, professeur de langue, littérature et culture française à l'Université degli studi de Milan. Le mot vantaggio par exemple provient directement du français. »

Les raisons se veulent multiples : les guerres, les échanges littéraires, culturels et commerciaux sont les plus importants.
La moitié du 17e siècle en particulier a marqué le lancement de la dite « gallomania », un phénomène de francisation de la culture européenne qui investit tous les secteurs de la vie aristocratique et bourgeoise. Le français s'est ainsi introduit dans la vie militaire, l'habillement (cravatta?), la gastronomie (bignè, caffettiera, pasticceria, ragù, fonduta, babà?), l'ameublement et la vie domestique (persiana, moquette?)
Certains mots ont même conservé la forme purement française : madeleine, omelette, cache-col, griffe, délavé, décolleté ou ont donné lieu à de faux-gallicismes comme vitel tonnè.

Censure du fascisme

L'afflux de la langue de Montesquieu a continué jusqu'à ce que le fascisme tente de purifier la langue de Dante. Tout vocabulaire à consonance étrangère devient alors banni. Ouste les films où étaient prononcés mots français, allemands, anglais ou espagnols. Censurés ! L'Académie de la Crusca (l'équivalent de l'Académie Française) fut même chargée d'écrire en 1940 une loi interdisant l'usage de mots étrangers dans la publicité, le nom des entreprises et dans l'activité professionnelle. Résultat, des noms alors usuels ont dû trouver leur traduction : regista à la place de régisseur, autista pour chauffeur, dilettante pour amateur, parabrezza pour parebrise.
D'autres se sont retrouvés associés au mot italien. Aussi, on utilise aujourd'hui indifféremment garage ou rimessa, hôtel ou albergo, nuance ou sfumatura, omelette ou frittata, menu ou lista.

Résultat, « le vocabulaire d'origine française, dont un grand nombre est aujourd'hui parfaitement intégré et assimilé, constitue 7 % du vocabulaire de base italien », précise la spécialiste Cristina Brancaglion.

Depuis une trentaine d'année, la langue de Dante préfère toutefois la langue de Shakespeare à celle de Montesquieu.
« L'influence massive de l'anglais montre une substitution progressive de gallicisme avec des anglicismes : top model à la place de mannequin ou encore make-up à la place de maquillage, team à la place d'équipe », souligne le professeur Cristina Brancaglion
Ajoutons beauty-case à la place de « nécessaire » (on dit plutôt trousse de toilettes aujourd'hui en français !). Mais en italien en fait ? Le mot ne semble pas exister?

La place de la francophonie en Italie
On estime à 19 % la part de la population italienne francophone. Le français est langue officielle au même titre que l'italien dans la Région autonome bilingue du Val d'Aoste. En pratique, les actes publics peuvent être rédigés dans l'une ou l'autre langue, dans les écoles un nombre d'heures égal à celui qui est consacré à l'enseignement de l'italien est réservé à l'enseignement du français. L'enseignement du français est même obligatoire dès la maternelle depuis 1985.


 

MAR
Publié le 22 mars 2017, mis à jour le 23 mars 2017

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