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L’introduction du salaire minimum en Italie fait débat

Alors que le salaire minimum fait l’objet d’un débat politique animé en Italie, la jurisprudence italienne n’a pas attendu l’intervention du législateur pour introduire de nouveaux principes juridiques. Une jurisprudence qui engendre un impact considérable sur les entreprises.

homme en costume cravate debout devant escaliers homme en costume cravate debout devant escaliers
Photo de Hunters Racesur Unsplash
Écrit par Lablaw
Publié le 30 octobre 2023, mis à jour le 3 novembre 2023

L'Italie est l'un des derniers pays de l'Union européenne à ne pas disposer d'un salaire minimum. Et la question d’une éventuelle introduction d’un SMIC est au coeur du débat politique depuis désormais plusieurs mois.
Contrairement à ses voisins européens comme la France, la loi n’établit aucun niveau de salaire “légal”, dès lors qu’il a toujours été fixé par la négociation collective, par secteur. Cependant, la jurisprudence italienne est récemment intervenue, sans attendre l’intervention du législateur, et en introduisant de nouveaux principes juridiques dans ses décisions.

Salaire minimum : que dit la Constitution italienne ?

L’article 36 de la Constitution italienne établit que le salaire doit être proportionnel et suffisant. D’un côté, la proportionnalité est mesurée par rapport à la qualité et quantité du travail.  D’un autre côté, la rétribution est définie comme suffisante si elle assure la conduite d’une existence décente et libre. En d’autres termes, le salaire ne doit pas être seulement une moyenne pour rémunérer le travail effectué, mais un instrument pour assurer un niveau de vie digne.

Le rôle de la Négociation collective en Italie

La négociation collective par secteur s’est toujours occupée de fixer le niveau de salaire minimum, basé sur coût de la vie et diversifié en fonction de la classification du personnel.
Pendant longtemps, les salaires fixés par les contrats collectifs signés par les syndicats « comparativement le plus représentatif » et appliqués aux secteurs d’activité, étaient supposés légaux et proportionnels. Néanmoins, les récentes décisions de la Cour de cassation italienne ont remis en question cette présomption, en reconnaissant un pouvoir de contrôle accru.

Le rôle du juge dans l’évaluation du niveau de salaire

Les récents décisions de la Cour de cassation (No. 27711 du 2 octobre ; No. 28320 et 28321 du 9 octobre) ont introduit des principes innovants concernant le rôle du juge dans le contrôle du niveau salarial.  En premier lieu, le juge a le pouvoir de vérifier si le niveau de salaire est suffisant et proportionnel, en le comparant avec des paramètres externes tels que les indicateurs économiques telle que l’indemnité de chômage Naspi (« Nuova Assicurazione Sociale per l’Impiego ») ou CIGO (« Cassa Integrazione Guadagni Ordinaria ») et le seuil de pauvreté minimum.
Si après cette analyse, le juge déclare que le salaire est insuffisant, il a le pouvoir d’écarter le contrat collectif et d’établir un niveau de référence fixant le salaire, en utilisant notamment des contrats du même secteur ou similaires, ou les paramètres externes mentionnés. Les innovations décrites permettent donc à n’importe quel travailleur de demander au juge de contrôler la proportionnalité et la suffisance de son salaire.

L’impact sur les entreprises

Ces changements ont un impact considérable sur les entreprises. L’employeur risque en effet d’être condamné à augmenter le niveau de salaire, même s’il utilise le contrat collectif signé par les syndicats « comparativement le plus représentatif ». De plus, le nombre de litiges sur cette question est destiné à augmenter, surtout pour certains secteurs, sans qu’il ne soit possible de quantifier la portée ou les conséquences. Il est donc urgent d’intervenir pour identifier les domaines à risques et des solutions potentielles.
Notamment, ces risques apparaissent particulièrement prononcés pour le contrat de sous-traitance, pour lequel, selon  la loi italienne, le contractant principal est obligé de façon solidaire avec l’entrepreneur pour ce qui concerne le paiement des salaires des travailleurs utilisés pour l’exécution du contrat, même s’il n’a pas la possibilité d’établir la Convention collective applicable ou bien la rétribution des salariés.

Une intervention du législateur nécessaire

Dans la cadre du débat politique sur la décision d’introduire (ou non) un salaire minimum légal, les décisions des Cours italiennes sont d’une ampleur considérable. Alors que cette jurisprudence reconnaît le droit de travailleur à percevoir un salaire proportionnel et suffisant, indépendamment des niveaux établis par les contrats collectifs, le risque d’augmentation des litiges - aux résultats incertains pour les entreprises - est élevé. Dans ce contexte, une intervention rapide de la part du législateur apparaît encore plus urgente et nécessaire.

 

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Lablaw
Publié le 30 octobre 2023, mis à jour le 3 novembre 2023

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