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Golden Power : aperçu des règles en matière d’investissements étrangers

salle du conseil des ministres palazzo chigi romesalle du conseil des ministres palazzo chigi rome
Salle du Conseil des ministres (Palazzo Chigi, Rome) | Wikimedia commons @Governo Italiano - Presidenza del Consiglio dei Ministri
Écrit par Pirola Pennuto Zei & Associati
Publié le 14 juin 2022, mis à jour le 15 juin 2022

En matière d’investissements étrangers « stratégiques » en Italie : le Golden Power « renforcé » accorde des pouvoirs gouvernementaux de contrôle plus étendus mais des procédures plus simples.

 

Accueillir les investissements directs étrangers (« IDE ») tout en protégeant les intérêts essentiels de la nation dans des secteurs sensibles, tel est l’objectif du mécanisme de contrôle des IDE développé à l’échelle européenne et nationale, et accru depuis la crise sanitaire qui a révélé les risques de la perte d’indépendance économique dans les secteurs jugés stratégiques.
Dans ce cadre, le gouvernement italien a récemment renforcé ce mécanisme, tant au regard du périmètre du contrôle que de la procédure afférente, modifiant certaines dispositions en vigueur en matière de « Golden Power ».

 

Aperçu du cadre juridique italien

Introduit en 2012 par le décret-loi n. 21/2012, le régime du « Golden Power » confère des pouvoirs spéciaux de contrôle/veto au gouvernement italien, y compris le pouvoir d’imposer des conditions spécifiques à des opérations visant certains domaines (défense et sécurité nationale, énergie, transports et communications). Ce décret a connu plusieurs modifications et, comme en France, les secteurs sensibles ont été progressivement élargis.
Ainsi, aux domaines d’application d’origine du Golden Power ont été ajoutés les secteurs à forte composante technologique (introduits en 2017) et celui des réseaux de télécommunications à haut débit basés sur la technologie 5G (introduits en 2019).
Le décret-loi n. 23/2020 (Décret Liquidité), face aux fragilités révélées par la crise sanitaire, a étendu considérablement le Golden Power de l’Etat à d’autres secteurs sensibles comprenant, entre autres, les services financiers, les infrastructures et technologies stratégiques, l’eau et la santé, la sécurité alimentaire, l’accès aux informations sensibles et aux données personnelles. Le même décret a élargi les obligations de notification préalable à la Présidence du Conseil des ministres des acquisitions effectuées dans ces secteurs par des ressortissants étrangers UE (acquérant une participation majoritaire) ou extra UE (acquérant une participation représentant au moins 10% du capital de la cible au cas où la valeur de la transaction excèderait 1M€).

En décembre 2020, le président du Conseil des ministres a adopté deux décrets pour l’identification des biens et des relations d’intérêt national dans les secteurs introduits par le Décret Liquidité (DPCM n. 179/2020) et pour celle des actifs d’importance stratégique dans les secteurs énergie, transports et communications (DPCM n. 180/2020), clarifiant la portée des pouvoirs du gouvernement en ce qui concerne les IDE.

 

Dernières nouveautés

En vigueur depuis le 22 mars 2022, le décret-loi n. 21/2022 (dit également « Décret Ukraine » ayant prévu des mesures pour contraster les effets de la crise ukrainienne) a redéfini, entre autres, les Golden Powers dans les secteurs suivants :

•    Défense et sécurité nationale

Toute opération comportant des modifications de propriété, contrôle ou disponibilité des actifs doit faire l’objet d’une notification préalable à la Présidence du Conseil des ministres. La liste des opérations normalement susceptibles de rentrer dans le champ d’application des pouvoirs spéciaux (fusions, scissions, transferts de branches de fonds de commerce, transfert du siège social à l’étranger, modification de l’objet social, etc.) n’a donc qu’une valeur d’exemple.

•    Energie, transports, communications, santé, secteurs agroalimentaire et financier, etc.

A partir du 1er janvier 2023, toute acquisition du contrôle d’une société italienne opérant dans ces secteurs, effectuée par des acquéreurs UE, y compris les ressortissants italiens, sera assujettie au régime du Golden Power et donc à l’obligation de notification préalable à la Présidence du Conseil des ministres. En revanche, outre les acquisitions prévues aux termes du Décret Liquidité, les investisseurs extra UE devront notifier celles comportant le dépassement de certains seuils au-dessus de 15% du capital social de la cible indépendamment de la valeur de la transaction.

•    Technologies 5G et Cloud

La 5G est confirmée comme secteur stratégique et il est prévu d’ores et déjà que d’autres technologies, y compris celles du Cloud, puissent faire l’objet de pouvoirs spéciaux du gouvernement italien. Dans ce contexte, en complément de la notification préalable à l’opération envisagée, la notification annuelle d’un plan détaillé visant entre autres les perspectives de développement, est également prévue.

 

Nouveautés procédurales et sanctions

Afin de simplifier la procédure et faire face à l’augmentation des notifications, le Décret Ukraine introduit les mesures suivantes dont la mise en œuvre fera l’objet d’un décret du Président du Conseil des ministres :
•    pré-notification, permettant d’effectuer la vérification préliminaire de l’applicabilité du Golden Power à l’opération envisagée ;
•    procédure simplifiée, évitant la délibération du Conseil des ministres au cas où le Comité de coordination déciderait à l’unanimité de ne pas exercer les pouvoirs spéciaux ;
•    implication de la cible aux fins de la notification, qui devient donc susceptible de sanctions en cas de manquement.
Les sanctions susceptibles d’application à défaut de notification varient selon la violation et le secteur concernés et comprennent des sanctions pécuniaires jusqu’à 3% du chiffre d’affaires, la nullité des contrats et l’obligation de rétablir la situation antérieure à la violation le cas échéant.

Au vu de ces sanctions, il convient que les parties à une opération de cession impliquant une société italienne et un investisseur étranger – et même italien à partir de 2023 - se posent dès le stade des négociations la question de la soumission de l’opération à la procédure de contrôle des investissements.

 

anne manuelle gaillet avocat milan


En collaboration avec Anna Lisa Sepich, avocat au Barreau de Milan – Pirola Pennuto Zei e associati

 

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