Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty, une vague d’hommages a traversé l’Hexagone. Une pluie d’émotions également ressentie à l’étranger, où la communauté française était unie derrière la liberté d’expression, le principe de laïcité et la formation de l’esprit critique.
« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour faire changer le monde. » Aujourd’hui plus que jamais et 24 ans après avoir été écrite, la phrase de Nelson Mandela prend tout son sens. Après le meurtre de Samuel Paty, décapité pour avoir montré des caricatures du prophète Mahomet, c’est toute la France qui rend hommage au professeur d’histoire-géographie. Toute la France, même celle de l’étranger. Hors de nos frontières, nombreuses ont été les réactions et les mobilisations, notamment sur les réseaux sociaux, autour du hashtag #JeSuisEnseignant.
Des minutes de silence respectées
Alors que des rassemblements en la mémoire de Samuel Paty étaient organisés dimanche 18 octobre sur la symbolique place de la République à Paris et un peu partout en France, certaines mobilisations se sont également tenues hors du territoire. En Espagne par exemple, les services de l’ambassade de France et des consulats généraux de Madrid, Barcelone et Bilbao ont observé une minute de silence ce lundi. Jean-Michel Casa, ambassadeur sur place a d’ailleurs invité la communauté française à en faire de même. À Bruxelles, La Marseillaise a été reprise en choeur en présence d’Hélène Farnaud Defromont, madame l’ambassadrice. Et si les représentants de la république à l’étranger ont tenu à célébrer la mémoire de Samuel Paty, c’était également le cas des ses collègues de l’éducation nationale. À Shanghai (Chine), à Malabo (Guinée Équatoriale) ou encore à Prague (République Tchèque) comme dans beaucoup d’établissements français à l’étranger, la minute de silence a été respectée en souvenir du professeur, mais aussi en signe de soutien à la liberté d’expression et à la laïcité.
Aujourd'hui au lycée français de Shanghai, une minute de silence pour notre collègue #SamuelPaty . Recueillement, solidarité, fraternité, égalité, laïcité. @aefeinfo @AEFEAP
— Anne-Sophie Gouix (@AnneSophieGouix) October 19, 2020
Une vague d’émotions dans la communauté scolaire
Le soutien international a été tout autant présent que le soutien national. Par cette décapitation, c’est une des plus nobles valeurs de la République qui a été bafouée : l’enseignement. À New-York, notre édition locale a recueilli de nombreux témoignages de membres expatriés du corps enseignant. Si tous rendent une pluie d’hommages à leur collègue, ils ont rappelé une de leurs principales missions, défendre les valeurs de la République. « Quand on enseigne, on veut être libre et sentir que les enfants sont libres de penser, de s’exprimer. C’est ça l’éducation ! », se désole Jennifer Mazigh, enseignante sur place. Chez nos voisins italiens à Rome, les enseignants du lycée Chateaubriand ont envoyé un message de soutien et de solidarité à leurs collègues de Conflans-Sainte-Honorine. Même solidarité inconditionnelle de la part des élèves et enseignants du lycée français de Hong-Kong.
La laïcité est un enjeu majeur pour nos établissements d’enseignement français à l’étranger
À l’instar des mobilisations de 2015 après les attentats survenus dans les locaux de Charlie Hebdo, les rassemblements récents qui ont suivi le drame de Conflans-Sainte-Honorine ont tous la liberté d’expression et la laïcité comme toiles de fond. Professeur d’histoire-géographie, Samuel Paty avait dispensé peu avant sa mort, un cours sur la liberté de la presse en montrant notamment des caricatures issues du journal satirique. Si sa mémoire a été respectée, de nombreux débats ont repris leur place dans la société. Celui sur la laïcité à l’école notamment. Olivier Brochet, directeur de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger (AEFE) l’a d’ailleurs évoqué au micro de France Culture, « elle est bien comprise puisque nous nous adaptons aux contextes locaux mais nous restons forts sur les valeurs qui la fondent et notamment, la formation de l’esprit critique détaille-t-il, c’est l’un des enjeux majeurs pour nos établissements d’enseignement français à l’étranger. » Solidaire, la Mission laïque française (MLF) a sobrement réagi sur ses réseaux sociaux.
Uni.e.s face à l’horreur... #JeSuisEnseignant #MlfSolidaire
— Mission laïque (@mlfmonde) October 17, 2020
L’esprit critique comme cheval de bataille
Le terme était sur toutes les lèvres du corps enseignant après le drame de vendredi, autant que la défense de la liberté d’expression et du principe de laïcité, ce qui fait de la formation de l’esprit critique, l’un des fondamentaux de l’éducation nationale. Et tous l’ont rappelé : c’est ce qu’a voulu mettre en place Samuel Paty en dispensant son cours d’enseignement moral et civique (EMC). Xavier Auger, co-secrétaire général de la SGEN-CFDT de l’étranger, encore sous le choc, estime qu’un pas a été franchi en terme de terrorisme. « Un enseignant a été assassiné parce qu’il exerçait le métier d’enseignant s’insurge-t-il, nous avons la formation de l’esprit critique comme valeur fondatrice, et elle a été attaquée de la manière la plus symbolique et horrible qui soit. » Pour de nombreux professionnels du milieu, cet épisode doit devenir un tournant en matière d’évolution sociale. « Il est de notre devoir de rendre cette mort ‘’utile’’ et de reprendre le flambeau de l’enseignement de la liberté d’expression comme ciment de nos sociétés multiculturelles », a déclaré Isabelle Bonneau, fondatrice de la Tessa International School of Hoboken à New-York. Xavier Auger a d’ailleurs souligné la très forte unité du réseau d’enseignement français hors de nos frontières, « dans sa réaction, dans son partage d’émotions et tout particulièrement de la part de la communauté scolaire des pays arabes où la religion musulmane fait office de religion d’État, qui a été dans les premières à réagir. »
Des réactions politiques attendues
Si la plupart des personnalités politiques étaient présentes dans les différents cortèges, ils l’étaient également sur les réseaux sociaux. C’était notamment le cas des représentants des Français de l’étranger. M’jid El Guerrab, député Mouvement Radical Social-Libéral de la 9ème circonscription des Français établis hors de France, a évoqué « un attentat contre la République, un affront à nos valeurs, à notre civilisation, et à ce qui constitue l’essence même de l'âme française - le goût immodéré de la liberté. » Députée LaREM des Français d’Asie, d’Océanie et d’Europe Orientale, Anne Genetet a, elle, comparé les enseignants à des « autres héros du quotidien », à la manière du corps médical tout au long de la crise du Coronavirus. Même son de cloche pour Hélène Conway-Mouret, Sénatrice PS des Français établis hors de France, « toutes mes condoléances aux proches et mon entière solidarité au corps enseignant . » Au-delà de la profession, c’est à la personne qu’était Samuel Paty que Joelle Garriaud-Maylam, Sénatrice LR des Français de l’étranger, a rendu hommage, « un homme qui voulait développer l’intelligence, les questionnements, le raisonnement et l’esprit critique de ses élèves. »
Alors que d’innombrables soutiens ont eu lieu à l’étranger, la France s’apprête à célébrer un hommage national mercredi 21 octobre. Drapeaux tricolores en berne et hashtag #JeSuisEnseignant seront de mises. Comme lieu de recueillement, Emmanuel Macron a choisi la cour de l’université de la Sorbonne, place forte de l’enseignement et de l’éducation, à la française.