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NIKO, photographe de rue, Shanghai, Paris, Tokyo

niko, photographe de rueniko, photographe de rue
Écrit par Raphaëlle Choël
Publié le 19 mai 2022

J’ai rencontré Nicolas Vassal à Shanghai en 2012, puis il s’est expatrié en famille à Tokyo avant de retourner à Shanghai. Il vit désormais à Paris où il travaille dans un grand groupe pharmaceutique. Mais aujourd’hui, je préfère vous présenter NIKO, ce photographe de rue passionné, qui, chaque week-end, part arpenter les rues de sa ville et patiente à la recherche d’un cliché juste, du cliché qui le fera vibrer. Rencontre avec un « street art photographer » autodidacte assez bluffant…

 

Niko, photographe de rue au Japon

 

Parlez-nous un peu de vous, quand et comment est née votre vocation de photographe ?

J’ai toujours été quelqu’un de très visuel, précis et observateur des détails qui m’entourent. J’ai commencé la photo à l’âge de 20 ans en m’achetant des appareils photos mais sans vraiment m’intéresser à la technique photographique en elle-même ; ma principale préoccupation était à l’époque le cadrage de mes photos. J’ai ensuite pris des cours individuels de photos sur Paris vers 25 ans et lu beaucoup de livres et articles sur la technique et les réglages des appareils photos. Incontestablement, seule la pratique très régulière pendant des années m’a permis de savoir régler mes appareils de manière très rapide, naturelle et sans même plus y réfléchir.

J’aime bien le parallèle avec l’apprentissage de la conduite où la coordination des mouvements (volant, embrayage, freinage, passage des vitesses…) devient évidente et naturelle grâce à la pratique. En fonction de la lumière qui m’entoure et du cliché que je souhaite effectuer, je règle aujourd’hui de manière manuelle et en quelques secondes mes appareils photo, ce qui est indispensable dans la photographie de rue où tout bouge et va très vite…

 

Niko, photographe de rue au Japon

 

Comment devient-on photographe, quelle formation avez-vous reçue ?

On devient tout d’abord photographe par le besoin de s’exprimer au travers de ce media artistique. Aujourd’hui tout le monde peut se qualifier de photographe en réalisant des clichés, d’ailleurs parfois très réussis, sur un simple smartphone. A mon sens, devenir photographe ce n’est pas produire de belles images mais réussir à figer des instants reflets de sa propre personne. Ma formation se résume à quelques cours privés, beaucoup de lecture mais surtout les milliers d’heures passées à pratiquer.

Si on en revient à l’étymologie grecque du mot photo-graphie « écrire avec la lumière », le photographe est donc bien celui qui maîtrise sa plume pour figer la lumière, miroir de sa personnalité.

 

Niko, photographe de rue au Japon

 

Comment qualifieriez-vous votre travail ? 

Je suis ce que l’on appelle un photographe de rue (street photographer, en anglais) respectant aujourd’hui les codes de cette famille à laquelle j’appartiens : appareils photo de petite taille pour rester invisible, des heures entières seul à sillonner les rues en attendant l’instant, le courage d’aller au contact rapproché des sujets à qui on ne demande pas la permission et surtout de la chance car tout va très vite !

Mon travail consiste principalement, aujourd’hui, à capturer la beauté des femmes de manière candide et non posée. La beauté naturelle est, à mon sens, bien plus évocatrice que les photos posées et retravaillées qui inondent aujourd’hui le net et les magazines. Le concept qui m’intéresse plus particulièrement est de capturer une attitude quasi cinématographique sans qu’elle soit commandée ou sciemment posée… Nous jouons finalement tous notre propre rôle d’acteur - avec nos looks et notre gestuelle - dans ce gigantesque théâtre vivant qu’est la rue !

 

Niko, photographe de rue au Japon

 

Comment travaillez-vous ce processus créatif ?

Le process est toujours le même depuis des années… Une paire de baskets, un appareil photo, un casque plein de rock’n roll et des batteries de rechanges plein les poches… Je pars alors la conquête de mes cibles idéalement dans des endroits très fréquentés et lumineux où je vais pouvoir me fondre dans la masse pendant des heures en photographiant généralement de très près !

 

Qu'est-ce qui vous anime et vous plaît tant dans votre travail ?

C’est indiscutablement la question que je préfère car elle singularise mon approche photographique. Ce qui m’anime, c’est la musique qui m’accompagne dans la rue avec mon appareil photo. Elle me permet de m’isoler du bruit extérieur de la rue et donc de me concentrer uniquement sur la partie visuelle qui m’entoure. De confession Rock, je citerais New Order ou encore les Strokes comme l’accompagnement phare de mes clichés. Comme a dit Bruce Gilden l’un des photographes de rue américain les plus célèbres : « Si vous sentez la rue, alors j’ai réussi mes photos » que je déclinerais pour qualifier mon travail de cette manière : « Si vous entendez de la musique en regardant mes photos, alors vous ressentez les vibrations acoustiques de mon travail ». La photographie est musique, la photographie doit être écoutée !

 

Niko, photographe de rue à Shanghai

 

Où puisez-vous votre inspiration ?

Si je devais citer trois photographes qui me touchent particulièrement, je nominerais le japonais Daido Moriyama, l’américain William Klein et le britannique Martin Paar.

Instagram est un excellent vecteur pour découvrir et accéder à la photographie de manière très simple, qu’elle soit professionnelle ou amateur. Je regarde moi-même beaucoup de photos sur Internet ou au travers des livres de photos.

 

Quel est votre plus gros défi ?

Me rapprocher encore plus de mes sujets. Je photographie en général à environ un mètre de distance et sans demander l’autorisation… Mon plus gros défi est donc d’être toujours plus près de mes sujets pour obtenir plus de détails et plus d’intimité aussi.

 

Niko, photographe de rue au Japon

 

Vous ne demandez pas l’autorisation à vos sujets ? comment réagissent-ils ?

Je ne vise quasiment plus l’œil rivé à mon appareil photo et je photographie donc la plupart du temps avec l’appareil au niveau de mon épaule et décalé par rapport à mon visage ; je shoote et continue de marcher sans m’arrêter ni me retourner. Cela me permet de gagner en discrétion et les quelques personnes qui parfois pensent que je les ai photographiés (quand il y a notamment un échange du regard) ont toujours un doute et ne réagissent donc pas. Il m’est arrivé très rarement (Photo 6) des réactions plus violentes où j’ai littéralement pris une gifle…

 

Hier les femmes de Shanghai, avant-hier celles de Tokyo, aujourd'hui celles de Paris, et demain ?

Les femmes, toujours les femmes ! Une voie, que j’ai commencée à explorer, et celle du portait posé (de près toujours) que j’illustre ici dans le regard du modèle japonais Yu Ishizuka (NIKO 2.jpg). Cette photo a été le succès de mon exposition au Japon « Ondes à Tokyo » en décembre 2019. Parfois frustré de rater ou de manquer des clichés dans la rue, le portrait posé me permet d’obtenir, car rien ne bouge, la précision parfaite. Bien évidemment, je rêve parfois aussi qu’une grande marque de luxe me demande d’immortaliser dans la rue un modèle arborant fièrement leur dernier sac à main photographiée à la façon candide de NIKO…

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