Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

Les expatriés qui restent : comment vivent-ils la vague des départs ?

On parle beaucoup de ceux qui partent, qui disent au revoir à leur pays d’expatriation, qui rentrent en France ou qui s’expatrient ailleurs… mais très peu de ceux qui restent. Comment le vivent-ils ? Quel est l’impact émotionnel ?

les départs d'expatriation rendent tristes ceux qui restent les départs d'expatriation rendent tristes ceux qui restent
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 16 juillet 2023, mis à jour le 18 juillet 2024

 

 

Chaque année, Claire, Lucas, Olivia et Espéranza* apprennent des départs, parfois surprises. Chaque année, ils organisent ou assistent à des « farewell ». Chaque année, ils trinquent aux nouvelles aventures de leurs amis. Et, chaque année, ils se posent des questions sur leur propre choix de rester, consolent leurs enfants, s’interrogent sur l’envie de renouer des liens avec les nouveaux. Bref, ils vivent de nostalgie et de larmes fraîches… plus ou moins longtemps. 

 

 

un avion jouet s'apprête à décoller

 

 

Comment (bien) dire au revoir à son pays d’expatriation ?

 

 

« Nous vivons l’expatriation comme une série, avec des nouvelles saisons » 

Claire et Lucas vivent en expatriation depuis 15 ans. L’une est associée de son entreprise, l’autre a créé sa propre agence. Leurs enfants sont nés ici. Les mois de mai et juin sont synonymes de départs des amis plus ou moins proches « Nous le vivons comme des saisons d’une série. Des « acteurs » apparaissent et disparaissent en fonction des saisons. En parallèle, notre vie et nos projets avancent : Je suis en colocation, nous nous marions, nous avons des enfants, je monte mon entreprise. Des éléments de décor demeurent, comme nos meubles, notre décoration, nos bureaux… ». Pour le couple donc, la valse des départs et des arrivées est naturelle et ne suscite ni colère, ni envie : « Si les gens partent, cela veut dire que d’autres arrivent. C’est que certaines saisons sont plus longues que d’autres, ou certaines finissent mal, ou bien si nous avons fait de mauvaises rencontres… ».

 

Claire admet ressentir tout de même comme un coup de massue le lendemain du départ de bons amis « je réalise que je ne les croiserai plus dans la rue. ». Lucas avoue ne faire aucun pot de départ : « je vais plutôt prendre un petit déjeuner ou dîner avec les personnes en question. ». 

 

Espéranza, en expatriation depuis 4 ans, n’aime pas trop la fin d’année scolaire. Son énergie et son temps sont tiraillés entre passer du temps avec sa famille, ceux qui partent et les amis qui restent encore l’an prochain. Les départs, la jeune maman les vit à chaque fois avec tristesse, surtout lorsque ce n’est pas vraiment prévu « Cela me rappelle la période COVID où il y a eu beaucoup de départs soudains…et que nous, nous restions. » Mais surtout, Espéranza ressent l’impact des départs à travers ses deux enfants. 

 

 

le jouet regarde au loin à l'horizon, seul

 

 

 « Ma copine, elle part pour les vacances ou pour toujours ? » 

La première image qui vient à Espéranza lorsqu’on lui parle de départ d’expatriation ? « Mes enfants qui pleurent. Ce sont nous, les parents, qui avons choisi de vivre à l’étranger. Eux suivent. Et lorsque leurs petits cœurs se déchirent parce que les copains s’en vont, je culpabilise. » raconte la maman, des trémolos dans la voix. C’est assez récent que ses enfants expriment leur tristesse, trop petits à leur arrivée en expatriation. Pendant la période de COVID, son aîné a dessiné beaucoup de drapeaux français.

 

 

« Quand j’annonce des départs, ils ne comprennent pas bien. Ils considèrent leur vie stable et constante ici. Mais elle est constamment chamboulée par des au revoir. Ils ne me demandent pas pourquoi les amis partent, mais pourquoi nous, nous restons…» 

 

 

le jouet est triste et pleure beaucoup

 

 

Lorsque Claire et Lucas annoncent un départ à leur enfant de 7 ans, celle-ci pose systématiquement la question « pour les vacances ou pour toujours ? ». Puis les semaines passent, elle ne réclame pas forcément les copains partis et s’en fait des nouveaux : « Avec l’expatriation, les enfants ont une intensité et une diversité de relations amicales » relativise Claire. Quant à leur enfant de 4 ans, c’est encore un peu le brouillard ; la notion du temps et de l’espace est trop vague pour réaliser un départ selon les parents. 

 

 

Choc, retour, enfants… Ce qu'on ne vous a jamais dit sur l’expatriation

 

 

Après le départ, « Ils sont partis d’ici, nous les revoyons ailleurs » 

Pour apaiser les cœurs sensibles, les parents essayent d’entretenir la flamme à distance, comme Olivia, maman d’un collégien. Au départ de son meilleur ami il y a quelques mois, le jeune garçon semble d’abord bien vivre la situation. Un jour, il rentre à la maison et explique à sa maman que leur cachette dans la cour est occupée par d’autres enfants. Puis éclate en sanglots. Son ami lui manque énormément, il se sent délaissé. Les parents décident alors de créer un rendez-vous téléphonique tous les dimanches et une rencontre cet été, en France. « Mon fils gardait toutes ses émotions pour lui, je n’ai pas vu sa tristesse. Je suis heureuse que ce soit sorti et que l’on trouve une solution » raconte la maman. 

 

 

les supers copains jouets mangent une glace ensemble

 

 

L’an prochain, Espéranza sera toujours ici. Avec le recul, elle souhaite se recentrer sur sa vie de famille « Car c’est beaucoup d’investissement d’accueillir les arrivants et de créer à nouveau des liens. Bien sûr je serai présente pour les nouveaux, qu’ils ne soient pas seuls comme je l’ai été. Mais pour les amitiés, je pense qu’il faut que je me réserve aux coups de cœur ». Une façon de se préserver des revers de l’expatriation.

 

 

le jouet est courageux au bord d'une rivière

 

 

Claire et Lucas ont créé des liens forts avec leurs amis tout au long de ces années à l’étranger. La preuve à leur mariage : « j’avais trois amis de France. Tous les autres étaient des amis d’expatriation, c’est une richesse immense pour nous. Oui, ils sont partis d’ici un jour, mais nous faisons en sorte de les revoir ailleurs. ». S’ils relativisent, c’est aussi parce qu’ils ont construit leur vie à l’étranger. « Notre socle est ici, de par nos projets professionnels et notre foyer familial. Nous avons une stabilité. Donc, même si nous ressentons de la tristesse, nous ne sommes pas déstabilisés par l’absence des autres »

 

en ajoutant, souriants : « Un jour, nous aussi, nous dirons au revoir. » 

 

*les prénoms ont été changé à leur demande 

 

Pensez aussi à découvrir nos autres éditions