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Clémentine Beauvais, raconter l’intensité de l’adolescence par la littérature

L'autrice Clémentine BeauvaisL'autrice Clémentine Beauvais
Crédit : Alix Dieudonné
Écrit par Capucine Taconet
Publié le 8 mars 2022, mis à jour le 8 mars 2022

Autrice, traductrice, et surtout, fan de la célébrissime saga Harry Potter, Clémentine Beauvais a eu la joie de traduire le dernier roman de J.K. Rowling, l’Ickabog. Elle a d’ailleurs elle-même enchanté des milliers d’enfants et d’ados français avec ses romans Les Petites Reines et Songe à la douceur, écoulés à près de 100.000 exemplaires. Partie en Angleterre pour ses études, Clémentine Beauvais y a élu domicile depuis 16 ans. Un regard binational qui ne manque pas de nourrir son œuvre.

 

Clémentine Beauvais est arrivée en Angleterre à l’âge de 17 ans et demi pour étudier, et elle n’a jamais quitté le pays depuis. Franco-britannique fièrement assumée, elle puise parfois dans son expérience binational pour écrire ses romans. Tous explorent son sujet de prédilection (après Harry Potter) : l’adolescence. Clémentine Beauvais nous dévoile dans une interview les coulisses de son travail.

 

J’ai toujours souhaité être publiée, pour que mes textes soient lus au-delà de mon cercle amical et familial

 

Depuis quand écrivez-vous ?

J'écris depuis tout petite. J'ai commencé à publier des livres il y a maintenant onze ans et depuis je n’ai jamais arrêté d’écrire de la littérature jeunesse. La question du métier ne s’est jamais posée, cela m’a toujours paru tout à fait normal d’en faire ma profession. J’ai toujours souhaité être publiée, pour que mes textes soient lus au-delà de mon cercle amical et familial. Pour autant, je suis contente de garder mon travail d’enseignante à la fac à côté. Je m’en sers comme un outil qui me donne un cadre et une routine.

 

La plupart du temps je travaille de chez moi

 

Il y a un certain nombre de fantasmes sur la vie des auteurs. À quoi ressemble une de vos journées ?

Le travail d’écriture prend des formes très variées. La plupart du temps je travaille de chez moi. Je peux aussi bien m’occuper d’un roman au long court pendant plusieurs mois, que de tâches administratives en lien avec mes éditeurs, répondre à des messages de lecteurs et demandes diverses sur les réseaux sociaux, faire de la traduction, ou encore de la relecture. Depuis quatre ans, je consacre la moitié de mon temps d’écriture à la traduction. Je participe aussi régulièrement à des rencontres scolaires ou des salons.

 

En théorie, 80% de mon temps de travail est dédié à mes cours à la fac, et 20% à l’écriture. Mais en réalité, l’écriture me prend beaucoup plus de temps parce que j’écris en dehors du temps de travail, le soir et aussi le week-end.

 

Clémentine Beauvais
Crédit : Alix Dieudonné

 

Comment faites-vous pour garder un équilibre vis-à-vis de votre temps consacré à l’écriture et votre temps pour vous ?

Lorsque l’on écrit de chez soi, il y a toujours le risque de ne pas arriver à s’arrêter dans l’écriture et prendre du temps pour soi. Je garde toujours au moins une heure par jour pour lire, c’est très important pour moi. Je n’ai pas de rituel spécifique concernant l’écriture, ni de conditions à remplir. En revanche, pendant mon doctorat, j’ai acquis une discipline de travail qui me permet d’écrire pendant un temps donné, que ce soit sur une courte durée dans le train ou toute une journée. Dès que j’ouvre mon ordinateur portable, je me mets à écrire et je m’arrête à l’heure prévue, même si suis en plein milieu d’une tâche.

 

Quelles sont vos inspirations pour écrire ?

Un tas de choses peut déclencher une idée de roman. Pour Brexit Romance, je me suis inspirée des blagues entre Français en Angleterre : « Il est temps que les Anglais nous épousent s’ils veulent garder leur passeport européen! ». À partir de ces conversations, j’ai tiré la trame de mon roman, dans laquelle une Anglaise organise des mariages arrangés entre Français et Anglais pour que chacun puisse obtenir l’autre nationalité. Dans d’autres cas, j’ai été inspirée par des lectures, des expériences personnelles.

 

J’ai toujours été fascinée par la littérature jeunesse

 

Pourquoi écrivez-vous pour la jeunesse et les ados ?

J’ai toujours été fascinée par la littérature jeunesse. Lorsque j’étais ado, je lisais un peu de tout, mais j’ai toujours eu un intérêt particulier pour ce style de littérature. Je l’ai d’ailleurs étudié par la suite en master et doctorat. La littérature jeunesse est portée par une intensité qui lui est propre, et un vrai sens de la narration. Elle est aussi particulièrement intéressante du fait qu’elle s’adresse à des personnes en formation et qu’elle met en scène à la fois des transgressions et des traditions.

 

À toutes les époques, l’adolescence est marquée par une expérience très intense de la vie, de la nouveauté

 

Est-il difficile d’écrire pour les ados lorsque l’on n’est soi-même plus ado ?

On se pose souvent cette question pour les auteurs qui écrivent pour les adolescents, mais rarement pour ceux qui écrivent pour les enfants ! Je trouve très intéressant de voir que notre société perçoit l’enfance comme quelque chose d’universel auquel tout le monde peut se raccrocher, contrairement à l’adolescence, qui serait constamment changeante.

 

Ce qui m’intéresse dans l’écriture de l’adolescence, n’est pas tant de parler aux adolescents d’une époque précise, mais plutôt d’aborder ce qui fait la constance de l’adolescence. À toutes les époques, l’adolescence est marquée par une expérience très intense de la vie, de la nouveauté. Les adolescents entretiennent une relation de questionnement au monde.

 

Je ne cherche pas à reproduire la manière de parler des ados. La littérature n’est pas une copie du réel. Ce qui est important, c’est la justesse. Le livre implique un certain système, et l’enjeu est de faire en sorte que les dialogues sonnent justes dans ce système particulier. Hors du livre, la façon de parler des personnages peut être complètement invraisemblable et étrange, mais dans l’univers du livre, le lecteur y croit.

 

En apprenant que j’étais la descendante lointaine d'une grande sainte du catholicisme, elle m’a convaincue d’écrire à ce sujet

 

L'année dernière, vous avez publié votre deuxième livre pour adulte Sainte Marguerite-Marie et moi, davantage autobiographique. Est-ce que le confinement a changé votre manière de travailler ?

J’ai commencé à travailler sur ce livre autobiographique quelques mois avant la pandémie. L’idée s’est imposée à moi suite à un ensemble de coïncidences d’événements qui se sont produits au même moment dans ma vie. J’étais d’une part enceinte, et d’autre part ma grand-mère était dans un état de démence de plus en plus avancée. À la même période, j’ai rencontré une femme qui est devenue mon éditrice. En apprenant que j’étais la descendante lointaine d'une grande sainte du catholicisme, elle m’a convaincue d’écrire à ce sujet. Alors que le projet m’aurait paru complètement délirant quelques années auparavant, il m’est apparu tout à fait logique à ce moment-là !

 

J’étais fascinée par l’Angleterre lorsque j’étais ado

 

Pourquoi avez-vous choisi de vous expatrier au Royaume-Uni à York ?

Je ne me considère pas comme une expatriée, mais comme une immigrée. Je suis partie étudier à Cambridge à 17 ans et demi, et je n’ai jamais quitté l’Angleterre depuis. Je n’ai jamais vraiment fréquenté les milieux francophones, même si j’ai un certain nombre d’amis français en Angleterre. Mon identité est franco-britannique, et je n’ai pas le projet de vivre ici de façon temporaire, comme cela peut être le cas des expatriés. Je suis chez moi ici, au Royaume-Uni.

 

J’étais fascinée par l’Angleterre lorsque j’étais ado, en grande partie du fait d’Harry Potter ! (rires)  Je suis partie dans l’idée de faire une licence d’éducation à Cambridge, et dès la première année il était évident que je n’allais pas repartir. Ensuite j’ai passé un entretien d’embauche à York pour un poste à l’université, et j’ai tout de suite adoré la ville. J’ai été prise, et j’y vis depuis maintenant six ans.

 

Ickabog de JK Rowling

 

L’an dernier, J.K. Rowling a publié un livre de contes pour enfants : l’Ickabog. Comment en arrive-t-on à avoir son nom à côté de celui de l’une des écrivaines les plus célèbres au monde et à traduire son livre ?

L’éditeur de J.K. Rowling en France, Gallimard, me connaissait déjà. J’ai pu bénéficier d’un heureux concours de circonstances. Le traducteur habituel de J.K. Rowling n’était pas disponible et je pense qu’à force de clamer dans toutes les interviews à quel point j’étais fan d’Harry Potter, ils ont assez vite pensé à moi (rires) ! J’avais la chance d’avoir le bon profil, à la fois autrice, traductrice et fan d’Harry Potter. Je leur suis très reconnaissante de m’avoir confié ce texte.